Hongkong. «Un tsunami humanitaire» frappe les employées domestiques

Anna-Maria avec son fils Emmanuel (Photographie Katie McQue)

Par Katie McQue (Hongkong)

Le soleil ne s’était pas encore levé à Hongkong lorsque Sally*, une employée de maison, a été réveillée et on lui a dit qu’elle devait partir immédiatement. Alors qu’elle était allongée sur le canapé, confuse, Sally a vu son employeur se tenir debout au-dessus d’elle avec un morceau de papier qu’il voulait qu’elle signe. C’était une lettre de démission qu’il lui avait écrite. Elle a été congédiée parce qu’elle était enceinte. Son employeur, un Allemand d’une cinquantaine d’années, est le père de l’enfant.

Sally, 39 ans, originaire de Manille, aux Philippines, est l’une des 390’000 employées de maison – principalement originaires de pays asiatiques pauvres – qui assurent le fonctionnement de Hongkong. Un salarié sur 20 à Hongkong est un travailleur migrant, et la plupart d’entre eux sont des femmes en âge de procréer.

Mais parce que les termes de leurs visas de travail exigent que les bonnes vivent chez leur employeur, celles qui tombent enceintes peuvent être licenciées par les employeurs qui cherchent à éviter «d’accueillir» un bébé et de payer pour un congé de maternité. Elles deviennent sans-abri du jour au lendemain et, deux semaines plus tard, leur permis de séjour expire. Si elles restent à Hongkong illégalement, elles ne pourront pas accéder aux soins de santé ou enregistrer la naissance de leurs enfants, qui deviennent apatrides.

«Il s’agit d’un tsunami humanitaire», déclare Kay McArdle, avocate basée à Hongkong et défenseure des droits des femmes. «Ces femmes et ces enfants sont incroyablement vulnérables.»

Sally travaillait pour son employeur depuis trois ans et, pendant la majeure partie de cette période, ils étaient en couple, dit-elle. Malgré le fait qu’elle partageait son lit, son employeur s’attendait toujours à ce qu’elle se lève à l’aube pour s’occuper de l’appartement. Chaque soir, il s’attendait à ce qu’elle ait un repas pour lui dès qu’il rentrait du travail. Le dimanche, son jour de congé, ils passaient du temps ensemble en couple. Mais tout a changé quand elle lui a dit qu’elle était enceinte.

«Il voulait que j’avorte. J’ai dit non. Il n’a pas voulu accepter cela, alors je me suis installée sur le canapé», dit-elle.

Quand elle a été jetée dehors, elle est restée dans différentes pensions. Mais son argent s’est épuisé avant la naissance de son fils, Peter*. Aujourd’hui, la mère et son bébé sont hébergés dans un centre d’accueil pour les femmes enceintes, les anciennes domestiques et les nouvelles mères qui se sont retrouvées sans abri, centre géré par l’organisation caritative locale Pathfinders. Chaque année, l’organisation s’occupe de près de 1000 cas d’employées de maison qui rencontrent des difficultés lorsqu’elles tombent enceintes. Il assiste les femmes en matière de visas et de questions juridiques. Pathfinders aide Sally à demander à son employeur, qui nie qu’il soit le père, une pension alimentaire pour enfants.

Le ministère du Travail du gouvernement de Hongkong l’a dit au Guardian: «Il est interdit à l’employeur de licencier une employée enceinte à compter de la date à laquelle elle est déclarée enceinte sur la base d’un certificat médical jusqu’à l’expiration de son congé de maternité, sauf dans les cas disciplinaires graves de licenciement pour faute grave de l’employée.»

Cependant, les travailleurs/travailleuses étrangers vulnérables ignorent souvent leurs droits. «Nous savons que nous ne voyons qu’une fraction des cas, et la réalité est que la discrimination dans l’emploi des travailleuses domestiques étrangères enceintes est beaucoup plus importante», dit Catherine Gurtin, directrice de Pathfinders. «Les employeurs trouvent d’autres prétextes pour virer leur bonne quand elle est enceinte, comme les accuser de vol.»

Pathfinders a aidé avec succès des femmes à demander une pension alimentaire pour enfants et à lutter contre le licenciement abusif et la discrimination sexuelle. Parmi les dossiers qu’ils traitent, 31% concernent des pétitions contre le licenciement injuste et 18% concernent l’accès aux pensions alimentaires pour enfants, ce qui est possible si le père est un résident de Hongkong.

Lin*, une ancienne employée de maison, se prépare à retourner aux Philippines avec sa fille de deux mois. Lorsque ses employeurs ont découvert qu’elle était enceinte, ils ont réduit la quantité de nourriture qui lui était permise, dit-elle. Virée et sans abri peu de temps après, elle vit maintenant dans le refuge Pathfinder. Sa seule demande à l’association était de lui réserver un vol qui arrive la nuit, car elle veut rejoindre sa ville natale dans le noir pour éviter que les gens ne la voient avec l’enfant. «Dans mon quartier, ils penseront: “Elle n’est pas bien parce qu’elle est tombée enceinte à Hongkong. Je me sens si embarrassée de retourner aux Philippines”», dit-elle.

La perte de logement et de revenu signifie que ces femmes peuvent être piégées dans des relations de violence. Anna-Maria* vit dans un petit appartement sombre dans un immeuble de grande hauteur délabré avec son fils, Emmanuel*, et son partenaire, qui vit à Hongkong. «Mon partenaire était très en colère contre moi quand je suis tombée enceinte. Il ne voulait pas assumer d’obligation, il voulait que je retourne aux Philippines. Quand j’étais enceinte de quatre mois, j’ai commencé à saigner à cause du stress», dit-elle. Pendant les trois premiers mois de la vie d’Emmanuel, son père refusa de le reconnaître. La mère et son fils vivaient dans un foyer. Le nouveau-né a été gravement piqué par les punaises de lit. Bien que la relation entre Anna-Maria et son partenaire se soit améliorée, elle craint que la situation ne s’aggrave à nouveau. Son partenaire lui donne de l’argent pour se nourrir et elle en met lentement de côté, dit-elle, pour qu’elle puisse s’enfuir avec son bébé si les conditions de vie deviennent dangereuses. «Je ne sais pas ce qu’il a en tête, alors je dois me préparer», dit-elle. «J’ai un peu peur.» (Article publié dans The Guardian, en date du 22 juillet 2019; traduction rédaction A l’Encontre)

* Noms changés pour protéger les identités.

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