Monsanto (II) L’insulte cancérigène contre l’expertise

Prof. Christopher J. Portier: une cible visée par les «études» qui conviennent à Monsanto

Par Stéphane Foucart
et Stéphane Horel

Elle l’avait promis «plus inoffensif que le sel de table», mais c’était dans les publicités. Le glyphosate, l’herbicide le plus utilisé sur la planète, le principal ingrédient de son produit-phare, le Roundup, sur lequel elle a bâti son modèle économique, sa fortune et sa réputation, commercialisé depuis plus de quarante ans et devenu best-seller avec le développement des semences transgéniques dites «Roundup ready», serait en réalité cancérogène. Le 20 mars 2015, Monsanto accuse le coup. Ce jour-là, le glyphosate est déclaré génotoxique (il endommage l’ADN), cancérogène pour l’animal et «cancérogène probable» pour l’homme par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). [Voir première partie de cette étude publiée en date du 1er juin.]

Le jury: un groupe de dix-sept experts chevronnés de onze nationalités, rassemblés par cette agence officielle des Nations unies chargée de dresser l’inventaire des substances cancérogènes et dont les avis font autorité depuis près d’un demi-siècle. Il ne fait alors aucun doute que ce sera aussi la destinée de leurs conclusions sur le glyphosate, publiées sous la forme d’un rapport, la «monographie 112».

• Loin des regards, la fureur du groupe américain traverse l’Atlantique par fibre optique. Le jour même, une missive au parfum de déclaration de guerre part à Genève, en Suisse, à la direction de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la maison-mère du CIRC. Le papier à en-tête arbore la célèbre petite branche verte encadrée d’un rectangle orange: le logo de Monsanto. «Nous croyons comprendre que les participants du CIRC ont délibérément choisi d’ignorer des dizaines d’études et d’évaluations réglementaires publiquement disponibles qui soutiennent la conclusion que le glyphosate ne présente pas de risque pour la santé humaine», accuse Philip Miller, le vice-président de Monsanto chargé des affaires réglementaires.

Parmi les points qu’il annonce vouloir aborder lors d’un «rendez-vous en urgence»,des «mesures à prendre immédiatement pour rectifier ce travail et cette conclusion hautement contestables», les critères de sélection des experts ou encore les «documents comptables où figurent tous les financements concernant la classification du glyphosate par le CIRC, y compris les donateurs».

Tirs nourris sur le toxicologue

Les rôles sont inversés: ce serait à l’organisation internationale de rendre des comptes à la firme. Au fil de l’été 2015, CropLife International – l’organisation de lobbying du secteur de l’agrochimie, dont Monsanto est membre – prend le relais de l’intimidation épistolaire. Exigences intrusives rivalisent avec menaces voilées.

• Le CIRC, lui, en a vu d’autres. Ce n’est pas la première fois qu’il endure critiques et attaques: elles sont à la mesure de sa réputation. Bien que dépourvues de toute valeur réglementaire, ses évaluations menacent des intérêts commerciaux parfois considérables. L’exemple le plus documenté à ce jour concerne les dangers du tabagisme passif, évalués par le CIRC à la fin des années 1990. Mais même à la grande époque des affrontements avec les géants du tabac, les fleurets étaient plus ou moins mouchetés. «Je travaille au CIRC depuis quinze ans et je n’ai jamais vu quoi que ce soit qui ressemble à ce qui se passe depuis deux ans», confie Kurt Straif, le chef des monographies à l’agence.

• Difficile de faire passer le CIRC pour une institution controversée, sujette à un biais «anti-industrie», qui serait contestée au sein même de la communauté scientifique. Pour une -immense majorité des scientifiques du monde académique, spécialistes du cancer ou chercheurs en santé publique, l’agence représente un bastion d’indépendance et d’intégrité. «J’ai honnêtement du mal à imaginer une manière plus rigoureuse et plus objective de procéder à des expertises scientifiques collectives», estime l’épidémiologiste Marcel Goldberg, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), qui a participé à plusieurs monographies.

Pour chacune de ces monographies, le CIRC rassemble une vingtaine de chercheurs de divers pays, sélectionnés en fonction de leur expérience et de leurs compétences scientifiques, mais aussi de leur stricte tenue à l’écart de possibles conflits d’intérêts. Aussi fonde-t-il ses avis sur des études publiées dans des revues savantes et exclut les études commanditées par les industriels, confidentielles. Ce n’est pas le cas de la plupart des agences réglementaires qui accordent, elles, une importance décisive aux études réalisées et fournies par les entreprises dont les produits font l’objet d’une évaluation.

• Parmi elles: l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). A l’automne 2015, l’avis de cette agence officielle – chargée d’évaluer les risques liés aux pesticides – sur le glyphosate est très attendu. C’est en fonction de ses conclusions, notamment, que l’Union européenne doit décider si elle renouvellera pour au moins une décennie son autorisation du glyphosate. En novembre, Monsanto peut respirer. L’avis de l’EFSA contredit celui du CIRC: l’agence considère que le glyphosate n’est ni génotoxique ni cancérogène. Mais le bol d’air est de courte durée.

• Quelques semaines plus tard, les conclusions de l’EFSA sont sévèrement critiquées dans une revue réputée par une centaine de scientifiques, qui les jugent entachées de nombreux manquements. A l’initiative, un scientifique américain qui a assisté le travail des experts sur la monographie du CIRC en tant que «spécialiste invité». C’est sur lui que le tir va se concentrer.

Dans les milieux de la santé environnementale, Christopher Portier n’est pas n’importe qui. «J’ai pu lire ici ou là que Chris Portier n’était pas compétent, et c’est probablement la chose la plus ridicule qu’il m’ait été donné d’entendre, rigole Dana Loomis, le directeur adjoint des monographies du CIRC. C’est lui qui a développé bon nombre des techniques d’analyse utilisées partout pour interpréter les résultats des études toxicologiques!» M.  Portier fait partie de ces scientifiques dont le CV ne tient pas sur moins de trente pages.

• Auteur de plus de 200 publications scientifiques, il a été directeur de la santé environnementale des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), directeur de l’Agence américaine des substances toxiques et du registre des maladies, directeur adjoint du National Institute of Environmental Health Sciences (NIEHS) et du National Toxicology Program. « C’est une carrière incontestablement unique», dit Robert Barouki, directeur d’une unité de recherche en toxicologie à l’Inserm. Jeune retraité, Christopher Portier propose désormais ses compétences comme expert et conseiller à divers organismes internationaux, dont une ONG américaine de protection de l’environnement, l’Environnemental Defense Fund (EDF). Et c’est cet homme qui va être visé par de violentes attaques…

Un penchant pour l’invective

• Le 18 avril 2016, l’agence de presse Reuters publie un long article sur le CIRC, présenté comme une agence «semi-autonome» de l’OMS, coupable de créer  » «la confusion chez les consommateurs». Elle y évoque une «inquiétude concernant de potentiels conflits d’intérêts qui impliqueraient un conseiller de l’agence étroitement lié à l’Environmental Defense Fund, un groupe de pression américain opposé aux pesticides». Des «critiques», écrit Reuters, «soutiennent que le CIRC n’aurait pas dû l’autoriser à être impliqué dans l’évaluation du glyphosate». Détail piquant: l’agence de presse – qui n’a pas souhaité répondre aux sollicitations du Monde – donne par ailleurs la parole à trois scientifiques qui éreintent l’institution, sans qu’il soit jamais mentionné qu’ils sont tous trois, et de notoriété publique, consultants pour l’industrie.

David Zaruk

• Mais quels sont donc ces «critiques» sans nom? Ils se résument en fait à l’obscur blog d’un ancien lobbyiste de l’industrie chimique, passé par la firme de relations publiques Burson-Marsteller, David Zaruk. A Bruxelles, où il est basé, M.  Zaruk est connu comme le loup blanc pour son penchant pour l’invective (les auteurs de cet article en ont été les cibles à plusieurs reprises). C’est lui qui, le premier, proteste contre les conflits d’intérêts de M. Portier, minant selon lui l’avis du CIRC. Il éreinte le scientifique américain avec persévérance. Il publiera au total vingt longs billets autour du glyphosate. Sans compter les Tweet.

Le professeur Portier est tour à tour qualifié de «militant», de «rat», de «démon», de «mauvaise herbe», de «mercenaire», et même de «petite merde», qui s’est « introduit comme un ver» dans ce fruit que serait le CIRC. L’agence, elle, est comparée à une «croûte» dont on peut voir sortir le «pus» quand on la «gratte», tant elle est «infectée par son arrogance», «sa science militante politisée» ou «son parti pris anti-industrie». M.  Zaruk dit avoir eu «trois contacts» avec Monsanto, mais dément avoir été rémunéré pour écrire.

«Je n’ai pas touché un centime pour mes blogs sur le glyphosate», a-t-il assuré dans un courriel au Monde.

• En avril 2017, il publiait encore une diatribe contre les ONG, Christopher Portier et plusieurs journalistes, et l’illustrait par une photographie de nazis brûlant des livres sur l’Opernplatz à Berlin, en 1933. Les élucubrations de M. Zaruk pouvaient être très facilement vérifiées et invalidées. Mais la prestigieuse caution journalistique de Reuters donne le top départ à leur diffusion. En quelques semaines, ces accusations de conflits d’intérêts sont reprises et citées dans le Times de Londres, le quotidien The Australian, et aux Etats-Unis dans National Review ou The Hill, sous la signature de Bruce Chassy, un professeur émérite de l’université de l’Illinois financé par Monsanto, comme l’ont montré des documents confidentiels obtenus en septembre 2015 par l’association US Right to Know (USRTK).

Le «travail» de M. Zaruk est également cité dans la revue Forbes sous la plume d’un biologiste affilié à la Hoover Institution, un think tank proche du Parti républicain, et dont on trouve la trace dans les archives déclassifiées des industriels du tabac. L’intéressé proposait, à l’époque, de faire publier des tribunes ou de mettre à profit ses apparitions médiatiques pour «communiquer sur les risques et la science». Tarifs compris entre 5000 et 15’000 dollars.

• Les attaques du blogueur bruxellois sont aussi relayées par des sites de propagande bien connus, l’American Council on Science and Health et le Genetic Literacy Project, animé par des communicants en lien avec les industries des pesticides et des biotechnologies. L’article consacré à Christopher Portier et au CIRC est d’ailleurs signé par Andrew Porterfield, qui se qualifie lui-même, en toute simplicité, de «consultant en communication pour l’industrie des biotechnologies».

Et qu’en est-il de l’interrogation sur les conflits d’intérêts de M. Portier? L’Environmental Defense Fund aurait-il, à travers lui, pesé sur la décision du CIRC de classer le glyphosate «cancérogène probable» ?«Du fait de son lien avec cette association, M.  Portier avait le statut de “spécialiste invité”, explique Kathryn Guyton, la scientifique du CIRC chargée de la monographie 112. «Cela signifie que le groupe de travail l’a consulté, mais qu’il n’a pas contribué à la décision de classer la substance dans telle ou telle catégorie.»

De véritables conflits d’intérêts, il y en a pourtant. Mais ailleurs.

En mai 2016, alors que presse et blogo-sphère bruissent des soupçons de mauvaises pratiques au CIRC, un autre groupe d’experts des Nations unies donne à son tour son avis. Le Joint Meeting on Pesticides Residues (JMPR), un groupe conjoint de l’OMS et de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), qui ne juge que sur les risques liés à l’exposition alimentaire (et non par inhalation, par contact dermique, etc.), dédouane le glyphosate.

Près d’un an auparavant, une coalition d’ONG avait alerté l’OMS sur des conflits d’intérêts au sein du JMPR. Trois de ses membres collaborent en effet avec l’International Life Science Institute (ILSI), une organisation de lobbying scientifique financée par les grands industriels de l’agroalimentaire, des biotechnologies et de la chimie. De Mars à Bayer, de Kellogg à Monsanto. Tout en étant président du conseil d’administration de l’ILSI, le toxicologue Alan Boobis (Imperial College, Royaume-Uni) officiait comme coprésident du JMPR. Tout en étant consultant et membre du conseil d’administration d’une structure créée par l’ILSI, Angelo Moretto (université de Milan, Italie) siégeait comme rapporteur du JMPR. Tout en étant consultante et présente dans divers groupes de travail de l’ILSI, Vicki Dellarco était membre du JMPR.

Or les experts du JMPR sont soumis aux mêmes règles d’indépendance – parmi les plus strictes au monde – que ceux du CIRC: celles de l’OMS. Parce qu’il peut altérer la crédibilité de l’institution et de ses décisions, un conflit d’intérêts apparent y est aussi grave qu’un conflit d’intérêts avéré. Pourtant, interrogée par Le Monde, l’OMS assure qu’ «aucun expert n’était dans une situation de conflit d’intérêts l’empêchant de participer au JMPR».

Stratégie d’influence

Une réponse qui laisse insatisfaits Hilal Elver et Baskut Tuncak, respectivement rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation et rapporteur spécial sur les produits et déchets dangereux des Nations unies. «Nous appelons respectueusement l’OMS à expliquer comment exactement elle en est arrivée à conclure que les liens des experts avec l’industrie ne représentaient aucun conflit d’intérêts, apparent ou potentiel, en fonction de ses propres règles», ont réagi les deux experts, sollicités par Le Monde. «Des processus solides, clairs et transparents sur les conflits d’intérêts sont essentiels à l’intégrité du système», précisent-ils, avant d’«encourager» les organisations des Nations unies à les «réviser».

• De «graves allégations» existent sur «le fait que les industriels “achèteraient” des scientifiques pour qu’ils confirment leurs arguments», avaient écrit les deux experts dans leur rapport sur le droit à l’alimentation. «Les efforts déployés par l’industrie des pesticides, insistait ce texte remis au Conseil des droits de l’homme des Nations unies en mars 2017, ont entravé les réformes et paralysé les initiatives visant à restreindre l’utilisation des pesticides à l’échelon mondial.»

• Jeter le discrédit sur le CIRC, les experts de son groupe de travail, la qualité du travail scientifique qui a été mené: des «efforts» qui relèvent de l’importance stratégique, voire de la nécessité vitale pour Monsanto. A ses trousses, plusieurs cabinets d’avocats américains représentent victimes ou proches de victimes décédées d’un lymphome non hodgkinien (LNH), un cancer rare affectant les globules blancs, qu’ils attribuent à une exposition au glyphosate. Pour eux, la monographie 112 du CIRC constitue une pièce à conviction primordiale. Pour Monsanto, elle risque de peser sur les verdicts. Selon les documents légaux, le montant des dommages et intérêts à verser aux Etats-Unis aux 800 plaignants pourrait se chiffrer en milliards de dollars. D’autant que le nombre de demandeurs devrait « probablement» atteindre 2000 d’ici à la fin de l’année, estime Timothy Litzenburg, l’un des avocats pour le cabinet Miller.

• Mémos confidentiels, tableaux garnis de chiffres ou briefs internes: en tout, 10 millions de pages arrachées aux cartons d’archives et aux entrailles des PC de Monsanto. C’est la quantité de documents que la firme a été contrainte de livrer à ce jour à la justice. Aux Etats-Unis, la procédure dite de «discovery» «découverte») autorise ce genre de raid dans la paperasse de l’adversaire.

De cette masse de documents scannés des «Monsanto papers», révélés au compte-gouttes, affleure le plan de riposte de la multinationale. Comme ce document PowerPoint «confidentiel» du 11 mars 2015, dont les diapositives déroulent une stratégie d’influence sous la forme de «projets scientifiques». Y est notamment évoquée une «évaluation complète du potentiel cancérigène» du glyphosatepar des «scientifiques crédibles», «éventuellement via la formule d’un panel d’experts». Ce sera chose faite.

• En septembre 2016, une série de six articles paraît dans la revue Critical Reviews in Toxicology. Ils exonèrent le glyphosate. Mais la publication étant ouvertement «sponsorisée et soutenue par Monsanto», le contraire eût-il été seulement possible? Leurs auteurs: les seize membres du «panel d’experts» auxquels Monsanto a confié la mission de «réexaminer la monographie du CIRC sur le glyphosate». Leur recrutement a été délégué à Intertek, un cabinet spécialisé dans la production de matériau scientifique pour les entreprises en difficulté réglementaire ou judiciaire avec leurs produits. Monsanto et ses alliés feront également appel à Exponent et Gradient, deux autres cabinets de «défense de produits».

• Dans le document PowerPoint de gestion de crise, il est aussi question de publier un article sur le CIRC lui-même: «Comment il a été formé, comment il fonctionne, n’a pas évolué au fil du temps. Ils sont archaïques et désormais inutiles.» Le scientifique évoqué pour l’écrire n’a, depuis, rien publié sur la question. Un article correspondant en tout point à ce cahier des charges hostile paraît en revanche en octobre 2016 dans une revue mineure. Le système de classification du CIRC, «devenu obsolète», «ne sert les intérêts ni de la science ni de la société», écrivent les dix auteurs. «C’est ainsi que la viande transformée peut se retrouver dans la même catégorie que le gaz moutarde.» L’approche du CIRC, assènent-ils, est à l’origine de «peurs sanitaires, de coûts économiques inutiles, de la perte de produits bénéfiques, de l’adoption de stratégies plus coûteuses pour la santé, du détournement des financements publics vers de la recherche inutile.»

• Un ton très inhabituel pour une revue scientifique. C’est peut-être parce que Regulatory Toxicology and Pharmacology est une publication un peu particulière. Non seulement son comité éditorial compte pléthore d’industriels et de consultants, mais son rédacteur en chef, Gio Gori, est une figure historique de l’industrie du tabac. Propriété du puissant groupe d’édition scientifique Elsevier, c’est la revue officielle d’une «société» prétendument savante, l’International Society of Regulatory Toxicology & Pharmacology (ISRTP). Aucune information n’étant disponible sur son site Internet, et ni M. Gori, ni l’ISRTP, ni Elsevier n’ayant répondu aux sollicitations du Monde, il n’a pas même été possible d’en identifier les responsables. Ses sources de financement, encore moins. Cependant, la dernière fois que l’ISRTP publiait la liste de ses sponsors, en 2008, elle en listait six. Parmi eux: Monsanto.

«Artefacts historiques» et études pour Monsanto et Syngenta

Quant aux dix auteurs de l’article eux-mêmes, certains ont travaillé ou travaillent pour le groupe suisse Syngenta, membre de la «glyphosate task force» constituée par les industriels qui commercialisent des produits à base de glyphosate. D’autres sont consultants privés. Ces derniers, des scientifiques exerçant dans le milieu académique, participent aux activités de l’ILSI, l’organisation de lobbying scientifique. Parmi eux: Samuel Cohen, professeur d’oncologie à l’université du Nébraska, Alan Boobis, le coprésident du JMPR, et Angelo Moretto, le rapporteur du même JMPR…

Ces trois-là n’en restent pas là. Quelques mois plus tard, ils publient sur Genetic Literacy Projectce site de propagande qui avait relayé les attaques personnelles contre Christopher Portier – un texte appelant cette fois à «l’abolition» du CIRC. L’agence est accusée d’exciter la «chimiophobie» du public. S’il n’est pas réformé, écrivent-ils, le CIRC «devrait être relégué au musée de la réglementation auquel il appartient, auprès d’autres artefacts historiques comme la Ford modèle T, l’avion biplan et le téléphone à cadran».

• Dans le milieu scientifique, les usages veulent que l’auteur qui rédige le premier jet d’un texte prend en charge le suivi des modifications jusqu’aux dernières corrections. Lequel d’entre eux a écrit ces deux textes, celui publié dans la revue scientifique et l’autre, publié sur le site Genetic Literacy Project? «Je ne m’en souviens pas», répond Alan Boobis qui, interrogé par Le Monde, met en avant un «long processus» de rédaction et de «peaufinage tout au fil de l’année.»

Le propos relève «un peu de la stratégie du choc», reconnaît M. Boobis. Une raison de publier sur ce site? M.  Boobis admet que Genetic Literacy Project n’est pas réputé pour sa rigueur, mais explique que le texte a été refusé par une revue scientifique. Leurs arguments sont identiques à ceux de Monsanto et de ses alliés? «Nous sommes maintenant dans une situation singulière, où la moindre association avec l’industrie est immédiatement considérée comme un indice de partialité, de corruption, de facteur de confusion, de distorsion et de que sais-je encore», rétorque M. Boobis.

Est-ce l’« abolition» du CIRC que Monsanto souhaite? Aux questions du Monde, la firme n’a pas souhaité répondre. (Dossier publié dans le quotidien Le Monde en date du 3 juin 2017, pp. 20-21; titre par la rédaction de A l’Encontre)

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