Des libertés publiques et de leurs contradictions (2)

cr-maintenantPar Alain Bihr

3. Pourquoi les libertés publiques sont-elles régulièrement menacées

En fait, les menaces multiformes et apparemment hétérogènes contre les libertés publiques s’alimentent à deux contradictions fondamentales qui se situent au cœur même du processus de leur constitution mais qui sont aussi des sources constantes de menaces pour elles et tendent donc à les affaiblir.

Le péché originel de la bourgeoisie

Nous avons vu précédemment le rôle historique décisif que la bourgeoisie a joué dans la création des libertés publiques. Ce rôle tient à sa nature de classe révolutionnaire. Mais, de classe révolutionnaire, la bourgeoisie est devenue classe dominante, une classe qui doit assurer la permanence de son pouvoir (sa domination de classe). Et, dès lors qu’elles sont exercées par les classes dominées, les libertés publiques constituent une menace potentielle permanente qu’elle cherche à conjurer de différentes manières.

Reprenons ces différents éléments. Nul ne contestera que la bourgeoisie ait été une classe révolutionnaire dans les siècles passés. Elle l’a été non seulement en ce sens simple et immédiat qu’elle a été capable de réaliser des révolutions qui lui ont permis d’accéder au pouvoir (de devenir classe dominante), habituellement dénommés révolutions bourgeoises, en établissant et en se servant notamment des libertés publiques. Mais elle a été révolutionnaire en ce sens beaucoup plus large et plus profond qu’elle a été capable (et pour l’instant seule capable) de bouleverser de fond en comble un mode de production (le féodalisme) dans lequel elle était une classe dominée pour en créer un autre (le capitalisme) au sein duquel elle est la classe dominante.

Par contre, on tend encore à méconnaître que la bourgeoisie demeure aujourd’hui encore une classe révolutionnaire en ce sens qu’elle ne peut assurer la continuité de sa domination qu’en bouleversant en permanence l’ensemble des conditions sociales. Autrement dit, la révolution qu’elle a opéré pour créer le capitalisme doit se poursuivre pour assurer la survie du capitalisme. Elle doit devenir une révolution permanente. Cette dimension-là du caractère révolutionnaire de l’action de la bourgeoisie a été soulignée avec force par Engels et Marx dans un passage proprement prophétique du Manifeste:

Manifeste communiste, paru anonymement en 1847
Manifeste communiste, paru anonymement en 1847

«La bourgeoisie ne peut exister sans révolutionner sans cesse les instruments de production, ce qui veut dire les rapports de production, c’est-à-dire l’ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de tout le système social, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux, figés et couverts de rouille, avec leur cortège de conceptions antiques et vénérables, se dissolvent ; ceux qui les remplacent vieillissent avant d’avoir pu s’ossifier. Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont forcés enfin d’envisager leurs conditions d’existence et leurs rapports réciproques avec des yeux désabusés.» [2]

Cette œuvre révolutionnaire de la bourgeoisie, qu’elle est contrainte de poursuivre aujourd’hui à l’échelle mondiale et dans les domaines de la vie sociale, constitue son péché originel. Car, en même temps qu’elle assure la perpétuation de sa domination, elle tend à la fragiliser. Pour deux raisons.

D’une part, elle a rendu fondamentalement fragiles les bases sur lesquelles elle peut tenter d’établir la légitimité de son pouvoir. En effet, par son œuvre révolutionnaire, la bourgeoisie a ruiné une fois pour toutes toute légitimité transcendante de l’ordre social, de caractère religieux ou métaphysique (il n’est plus possible de légitimer son pouvoir en le fondant imaginairement sur un principe supra social ou surhumain) ; au contraire, elle a établi une fois pour toutes que le capitalisme (comme toute réalité sociale plus largement) est un produit historique, historique constitué, en proie à l’histoire et que l’histoire peut donc éventuellement voué à disparaître. Œuvre humaine, il peut également être défait par les hommes.

D’autre part, son œuvre révolutionnaire tout comme les structures mêmes du mode de production qu’elle a fait naître ont établi un espace public à l’intérieur duquel, par l’intermédiaire de l’exercice des libertés publiques, tout un chacun peut venir examiner et éventuellement contester les modalités d’exercice de son pouvoir et même les fondements de ce pouvoir, sans que la légitimité d’un pareil examen et d’une pareille contestation puisse être contestés. Autrement dit, les libertés publiques constituent une menace permanente pour l’exercice et la perpétuation de sa domination de classe. Et c’est bien ce que nous avons vu tout à l’heure.

Dans cette mesure même, en tant que classe dominante, la bourgeoisie peut être tentée de conjurer la menace potentielle que constituent les libertés publiques. Et elle peut tendre à le faire de différentes manières : en engendrant ou en favorisant la passivité et l’indifférence politiques de la grande masse des populations sur lesquelles elle règne ; en limitant l’exercice des libertés publiques par leurs réglementations institutionnelles qu’elles contrôlent directement ou indirectement ; voire, le cas échéant, en détruisant les libertés publiques lorsque la perpétuation de sa domination de classe exige que soit établie l’une ou l’autre forme d’Etat d’exception.

En somme, en tant que classe dominante, la bourgeoisie est constamment tentée de et amenée à remettre en cause les acquis de son œuvre en tant que classe révolutionnaire. Et ses atteintes aux libertés publiques en sont une illustration.

La contradiction fondamentale du capital

En tant que rapport social de production, le capital est essentiellement fondé sur la transformation de la force de travail en marchandise, sur l’achat-vente de la force de travail. Ce qui présuppose l’expropriation des producteurs (leur dépossession de tout moyen de production propre qui leur interdit de pouvoir vendre le produit de leur travail ou leur travail lui-même et ne laisse entre leurs mains que leur force de travail) et, inversement, la monopolisation des moyens sociaux de production et de la richesse monétaire par une minorité de propriétaires privés, les capitalistes. C’est cela qui rend possible l’exploitation de la force de travail sous forme de la formation d’une plus-value (d’un produit net d’une valeur supérieure à sa propre valeur).

numerisation0001Le rapport capitaliste de production, le rapport du capitaliste au travailleur salarié, se présente donc comme un rapport à double face. D’une part , c’est un rapport d’échange marchand au sein duquel capitaliste et travailleur salarié se font face respectivement comme acheteur et vendeur : comme propriétaires privés, l’un d’une marchandise (la force de travail) l’autre d’une somme d’argent qu’il est disposé à dépenser pour l’acquérir (sous forme du salaire du travail), donc aussi comme sujets de droit nouant entre eux un rapport contractuel sur la base de l’autonomie réputée de leur volonté et l’égalité non moins présumée de leurs prétentions. Mais, d’autre part, il se présente aussi comme un rapport de domination et d’exploitation : un rapport de domination puisque l’un (le salarié) se place sous le commandement de l’autre (le capitaliste) ; et un rapport d’exploitation puisque l’un met sa force de travail au service de l’autre, dont le but est d’en tirer le maximum de survaleur (de valeur au-delà de celle de la force de travail). Marx exprime tout cela avec beaucoup d’ironie dans le passage suivant :

«Au moment où nous sortons de cette sphère de la circulation simple qui fournit au libre échangiste vulgaire ses notions, ses idées, sa manière de voir et le critérium de son jugement sur le capital et le salariat, nous voyons, à ce qu’il semble, s’opérer une certaine transformation dans la physionomie des personnages de notre drame. Notre ancien homme aux écus prend les devants et, en qualité de capitaliste, marche le premier ; le possesseur de la force de travail le suit par-derrière comme son travailleur à lui ; celui-là le regard narquois, l’air important et affairé ; celui-ci timide, hésitant, rétif, comme quelqu’un qui a porté sa propre peau au marché, et ne peut plus s’attendre qu’à une chose : à être tanné.» [2]

Et cette double face se retrouve plus largement au sein de la société capitaliste. Celle-ci présente bien deux faces bien nettement contrastées:

  • Une face lumineuse et glorieuse : c’est celle de la sphère de la circulation (le marché) dans laquelle les individus figurent tous comme des propriétaires privés, donc aussi comme des sujets de droits, des sujets libres d’entrer en rapport (contractuel) entre eux comme ils l’entendent, sur un pied d’égalité de droits et qui disposent avec les libertés publiques, de la capacité de se poser comme citoyens concurrents à la formation de la loi commune.
  • Mais aussi une face nettement plus sombre (le côté « obscur » du capitalisme), pour partie soustrait au regard public, parce que secrète et honteuse à la fois : c’est la sphère de la production dans laquelle on « tanne » des peaux humaines, pour le plus grand dommage physique et moral des « tannés » et le pour le plus grand bénéfice, pouvoir et prestige des « tanneurs » et dans laquelle les libertés privées et publiques des premiers tendent à se réduire comme peau de chagrin.

4. Pourquoi et comment défendre les libertés publiques

L’examen de ces deux questions pourra s’effectuer plus rapidement dans la mesure où les développements précédents y ont déjà, pour partie, implicitement répondu. Mais ce sera aussi l’occasion d’examiner certaines objections.

Pourquoi défendre les libertés publiques ?

Deux raisons essentielles. D’une part, on peut et on doit les considérer comme un acquis de civilisation au sens de Norbert Elias : elles participent de l’attribution de droits à toute personne humaine en tant que membre des sociétés globales ou des groupements particuliers dont ils font partie ; et elles contribuent à pacifier les mœurs, en contribuant à l’institution des procédures non violentes de discussion et de délibération collective et de résolution des conflits sociaux.

19 novembre 2014: Genève, enfin on marche, tranquille. Grève des trams et des bus...
19 novembre 2014: Genève, enfin on marche, tranquille. Grève des trams et des bus…

D’autre part, les libertés publiques font partie des conditions nécessaires (mais non suffisantes) à la formation d’un sujet social (sur la base d’alliances entre classes, fractions, couches et catégories disposant de ses propres organisations) capable de contester les actuelles formes d’exploitation, de domination et d’aliénation et d’élaborer les fins et les moyens d’une action qui se proposent de les abolir. C’est le cas sur le plan théorique : pas de pensée critique collective sans libertés de communication, d’information, d’expression, de pétition, etc. ; tout comme sur le plan pratique : pas d’action critique collective (capable de transformer la réalité sociale actuelle dans un sens émancipateur) sans libertés de circulation, de réunion, d’association, de manifestation sur la voie publique, etc.

Autrement dit, les libertés publiques font partie de l’héritage capitaliste (bourgeois) que le mouvement anticapitaliste doit se proposer de recueillir et de faire fructifier… contre le capitalisme.

C’est le moment d’examiner une objection régulièrement formulée au sein du mouvement anticapitaliste. Les libertés publiques seraient purement formelles et, comme telles, elles ne mériteraient pas d’être défendues. Il faudrait, au contraire, leur substituer des libertés réelles.

On ne peut dénier toute valeur à cette objection. Les libertés publiques restent en effet bien souvent formelles en ce sens qu’elles ouvrent des droits à tous sans leur assurer pourtant les conditions réelles (matérielles, institutionnelles, intellectuelles) de leur exercice. Par exemple, à quoi sert-il d’avoir le droit formel de s’exprimer si l’on ne dispose pas réellement d’un accès à des médias ? Et surtout, elles laissent subsister en dehors d’elles des conditions de vie marquées par des rapports d’exploitation et de domination qui privent concrètement des pans entiers (qui peuvent être majoritaires) de la population de l’accès à de pareilles conditions. Par exemple, quelle peut être la capacité objective (par exemple le temps disponible) mais aussi la capacité subjective (la volonté et le désir) d’exercer les libertés publiques d’un homme ou d’une femme quotidiennement accablé par son labeur salarié et par les préoccupations de la survie au quotidien des siens ? Et on a vu précédemment comment l’indifférence et l’insouciance ainsi générées à l’égard des libertés publiques pouvaient compter parmi leurs menaces mortelles.

etat-de-droit-algerieLe caractère formel des libertés publiques en ferait donc une illusion et un leurre dont il conviendrait de se détourner en leur substituant des libertés réelles. Par exemple le droit pour chaque travailleur de décider réellement avec tous ses collègues, sur leur lieu de travail, de leurs conditions d’emploi, de travail, de rémunération, de l’organisation du procès de production et de la finalité de ce procès. Ou encore le droit pour chacun·e de bénéficier d’une réelle formation générale la plus large possible, initiale et continue, couplée avec des expériences professionnelles qualifiantes.

Pour autant, l’objection ne doit pas conduire, selon la formule consacrée, à jeter le bébé avec l’eau du bain sale : à sacrifier les libertés publiques. Car, d’une part, elles ne sont pas si formelles (au sens de sans effet) que cela : si c’était le cas, elles ne seraient pas autant menacées et attaquées qu’elles le sont par ceux notamment qui ont tout à craindre de leur exercice : les actuels maîtres du monde et leurs valets politiques (les capitalistes et les gouvernants). D’autre part, s’il est vrai que les libertés publiques restent souvent formelles et quand elles demeurent formelles, ce sont là autant de raisons de lutter pour les rendre réelles : pour créer les conditions qui permettent d’en faire pratiquement, concrètement, dans le quotidien, des libertés pour le plus grand nombre possibles. Enfin, répétons-le, l’exercice des libertés publiques est la condition indispensable aujourd’hui à la formation d’un sujet social et d’un projet politique de transformation de la réalité sociale contemporaine dans un sens émancipateur ; demain à l’auto-institution d’une société émancipée où, à tous les niveaux et dans tous les domaines de la pratique sociale, l’autogestion collective généralisée des affaires publiques requerrait l’exercice le plus large et le plus riche possible des libertés publiques.

Comment défendre les libertés publiques ?

La réponse est simple : en les pratiquant le plus largement et le plus systématiquement possible, sans restriction ni limitation. Car, nous l’avons vu, contrairement à la pile Wonder, les libertés publiques ne s’usent que si et quand l’on ne s’en sert pas ; et elles ne peuvent que se renforcer au fil de leur usage, en se transformant de droits formels en usages, coutumes, traditions ancrés dans les mœurs.

Mais, nouvelle objection à laquelle il nous faut répondre, on retrouve ici les raisons précédemment évoquées pour justifier d’éventuelles restrictions réglementaires des libertés publiques. En fait, il convient de distinguer entre ces différentes raisons.

Les deux premières ne posent pas de problèmes sérieux. Ni les conflits de droits ni les risques de violence qui peuvent résulter de l’exercice des libertés publiques ne justifient la restriction a priori de ces derniers. C’est a posteriori qu’il convient de régler le problème en soumettant éventuellement à sanction qui se sera livré à un usage abusif des libertés publiques, préjudiciable à des personnes privés (par exemple sous forme de diffamation par voie de presse) ou à personnes collectives (par exemple dégradation de biens publics lors d’une manifestation).

liberteexpressionLa troisième raison (l’existence de personnes, d’organisations politiques, d’idéologies menaçant directement les libertés publiques ou cherchant même à les détruire) est plus sérieuse. Mais elle ne justifie pas pour autant des restrictions a priori des libertés publiques à l’égard de ces personnes, organisations, etc. (par exemple sous la forme d’une interdiction de leur expression). Autrement dit, on aurait tort en la matière de s’inspirer de la célèbre formule d’Antoine de Saint-Just, « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ! » formulée dans de tout autre circonstance.

Les arguments sont multiples. C’est délégitimer tout le combat en faveur des libertés publiques que de les réserver à certains et de les interdire à d’autres. C’est un aveu de faiblesse que de procéder de la sorte : en l’excluant de l’espace public, on laisse entendre qu’on a peur d’affronter l’ennemi des libertés publiques dans cette arène et qu’on craint d’y être vaincu, donc qu’on n’a pas confiance dans la valeur de ses propres positions et arguments – ce qui ne signifie qu’on est assuré de sortir vainqueur de cet affrontement. Toute interdiction d’exercice des libertés publiques provoque aussi des effets pervers, par exemple de victimisation ou d’héroïsation de ceux et celles qu’elle atteint ; et, en ce sens, elle est contre-productive. L’interdiction d’exercice des libertés publiques est bien souvent inefficace et inutile ; ainsi, une formation politique dissoute peut facilement se reconstituer ; et, à l’heure d’Internet et des « réseaux sociaux », comment priver un groupe de sa capacité effective à s’exprimer ? Enfin, instituer le principe d’une possible interdiction d’exercice des libertés publiques peut être très dangereux. En effet à qui va-t-on confier le pouvoir discrétionnaire de juger de ce et de ceux qui méritent ou ne méritent pas de bénéficier des libertés publiques ? Ce pouvoir discrétionnaire ne risque-t-il pas de devenir arbitraire ? Quelle garantie possède-t-on que, sur cette base, il ne se produira pas d’abus qui consistera à interdire sans cesse à d’autres l’exercice de ces libertés ? Risque du caractère discrétionnaire et arbitraire de ce pouvoir.

Conclusion: et à l’université?

Terminons en revenant brièvement sur le cadre institutionnel qui a fourni le prétexte à cette mise au point sur les libertés publiques : l’Université. Pourquoi défendre les libertés publiques plus spécifiquement à l’Université ? Pour deux séries de raisons.

La première tient aux missions propres de l’Université qui sont d’élaborer et de transmettre un savoir de haut niveau, voire un savoir inédit, novateur, original. Ce qui n’est possible qu’à certaines conditions institutionnelles et intellectuelles (pour ne pas même évoquer les conditions matérielles) parmi lesquelles figurent la plus totale liberté de recherche ; la plus totale liberté de communication et de diffusion des résultats de la recherche ; la plus totale liberté de discuter collectivement les savoirs acquis, les méthodes et techniques de recherche précédemment instituées et les paradigmes apparemment les plus indiscutables ; la plus totale liberté de confrontation et de critique réciproques des résultats, des acquis, des hypothèses et des paradigmes des uns et des autres ; donc le refus de tout dogme intangible et de toute autorité idéologique supérieure.

Sous ce rapport, l’Université devrait être à la fois une agora permanente au sein de laquelle chacun·e (étudiant·e ou enseignant·e) alternerait les rôles de Socrate et des interlocuteurs ; une foire aux idées où chacun-e pourrait venir « faire son marché » que ce soit comme vendeur (producteur) ou comme acheteur (consommateur), en comparant les qualités et défauts respectifs des « produits » (résultats, méthodes et techniques, paradigmes) mis sur le marché ; mieux : un atelier d’artistes où étudiant·e·s et enseignant·e·s chercheraient à rivaliser et à se stimuler réciproquement à la fois en faisant étalage de leurs talents et leurs compétences dans leur style propre.

A chacun-e de juger dans quelle mesure nos universités répondent à ces exigences et à ces modèles… Mais il est certain que ceux-ci ne peuvent se passer de l’existence et d’un exercice aussi large que possible des libertés publiques dans l’enceinte même des universités comme en dehors d’elles.

Cela n’est pas moins nécessaire pour permettre à l’Université de satisfaire à certaines attentes du public qu’elle accueille et qu’elle a pour mission de former. Et cela vaut aussi dans une certaine mesure pour le public des dernières années de l’enseignement secondaire. Ce public est celui de jeunes qui entrent ou s’apprêtent à entrer dans la vie, avec l’espoir de réussir la leur ; de jeunes qui accèdent à l’âge adulte (on attend d’eux qu’ils deviennent pleinement autonomes et responsables) et à la majorité civile et civique ; de jeunes qui découvrent aussi que le monde est à la fois vaste, infiniment complexe, souvent profondément injuste, effrayant même par bien des aspects ; de jeunes qui attendent donc aussi que l’Université les ouvre sur ce monde en leur donnant la capacité de le comprendre (c’est le minimum) mais aussi la capacité de prendre pleinement part à sa production, en y prenant place et en jouant leur rôle.

L’Université doit aussi répondre à cette situation et ces attentes, en offrant aux jeunes qu’elle accueille le droit d’exercer, en son sein tout comme à l’extérieur d’elle, les libertés publiques. Elle doit être pour eux un champ d’apprentissage et d’expérimentation de l’exercice de ces libertés. Cela aussi fait partie de ses missions en tant que service public et partie intégrante de l’espace public. Ce qui revient à dire qu’elle doit aussi les former comme citoyens.

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[1] Le Manifeste du Parti communiste in Karl Marx et Friedrich Engels, Oeuvres choisies en deux volumes, Éditions du Progrès, Moscou, tome 1, page 25.

[2] Le Capital, Éditions Sociales, Paris, 1948, tome I, page 179.

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