Gaza. L’étranglement se resserre encore plus. Avant une offensive israélienne?

Par Gideon Levy, Marc Mahuzier, Ma’an News Agency, Piotr Smolnar (Dossier assemblé par la Réd. A l’Encontre)

(Gideon Levy) Israël et Gaza ne sont pas face à une nouvelle guerre, ni ne prennent  la direction d’une autre «opération» ou d’un nouveau «cycle d’affrontement» («round») de plus. Cette terminologie trompeuse est destinée à induire en erreur et à faire taire les derniers reliquats de conscience.

Ce qui est en cause actuellement, c’est le risque d’un nouveau massacre dans la Bande de Gaza. Contrôlé, mesuré, pas trop massif, mais malgré tout c’est bien d’un massacre qu’il s’agit. Lorsque des officiers, des politiciens et des commentateurs israéliens parlent du «prochain round», ils font allusion au prochain massacre.

Il n’y aura pas de guerre à Gaza, parce qu’il n’y a personne à Gaza pour combattre contre l’une des armées équipées des armements les plus puissants au monde. Et cela bien que le commentateur des questions militaires à la télévision, Alon Ben David [sur Channel 10 et à I24News, en plus de ses charges universitaires] affirme que le Hamas est capable d’aligner quatre divisions. Il n’y aura pas davantage la moindre vaillance (israélienne) à Gaza, car il n’y a aucune bravoure à attaquer une population sans défense. Et, bien entendu, il n’y aura ni moralité ni justice à Gaza, car il n’y a ni moralité ni justice dans le fait de se lancer à l’assaut d’une cage cadenassée pleine de prisonniers qui n’ont même aucun endroit pour chercher à fuir, s’ils en avaient la possibilité.

Donc, appelons un chat un chat: c’est bien d’un massacre qu’il s’agit. Et, actuellement, c’est de cela qu’on parle en Israël. Qui est en faveur d’un massacre, et qui est contre? Serait-il «bon pour Israël»? Concourra-t-il, ou pas, à sa sécurité et à ses intérêts? Provoquera-t-il, ou non, la chute du pouvoir du Hamas? Sera-t-il favorable aux intérêts électoraux du Likoud ou pas? Israël a-t-il le choix? Bien entendu que non!

Toute attaque contre Gaza se soldera par un massacre. Rien ne peut le justifier, parce qu’un massacre est injustifiable. Nous devons donc nous demander: sommes-nous pour un nouveau massacre à Gaza ou non?

Les pilotes sont déjà en phase de réchauffement sur les routes, au même titre que les artilleurs et les femmes soldats qui manipulent des joysticks [instrument pour piloter les drones militaires]. Une heure supplémentaire chaque jour sans électricité à Gaza, et le signal sera donné: le départ de roquettes Qassam! Israël, cette fois encore, sera la victime. Des millions d’Israéliens s’engouffreront dans les abris, une fois de plus. «Nous sommes sortis de Gaza et voilà le résultat! Oh le Hamas, ces assoiffés de guerre, les plus cruels d’entre eux tous.»

Mais quel autre moyen reste-t-il à Gaza pour rappeler au monde son existence et sa détresse inhumaine, à l’exclusion des roquettes Qassam? Ça fait trois ans qu’ils étaient tranquilles, et voilà qu’ils sont les sujets d’une étude conduite conjointement par Israël et l’Autorité Palestinienne [basée Ramallah]: une grande expérimentation menée sur des cobayes humains. Est-ce qu’une heure d’électricité par jour suffit pour une existence humaine? Peut-être que dix minutes seraient suffisantes? Et qu’arrive-t-il à des humains privés totalement d’électricité? L’expérience a passé à la vitesse supérieure, les scientifiques retiennent leur souffle. Quand la première roquette tombera-t-elle? Quand le massacre commencera-t-il?

Gaza après les «offensives»

Il sera plus terrible que les deux précédents, parce que l’histoire nous apprend que chaque «opération» israélienne à Gaza est pire que la précédente. L’opération «Plomb durci» (fin 2008-début 2009) a causé 1300 morts palestiniens, dont 430 enfants et 111 femmes, alors que l’opération «Bordure protectrice» (durant l’été 2014) s’est soldée par 2200 morts, dont 366 enfants (180 d’entre eux étaient des nourrissons ou des tout petits) et 247 femmes.

Vive l’augmentation du nombre de victimes! Notre force s’accroît d’une «opération» à l’autre. Avigdor Lieberman [actuel ministre de la Défense] a promis que cette fois ce sera une victoire décisive. En d’autres termes, le massacre sera cette fois plus atroce que tous les précédents, si du moins il est possible de prendre au sérieux quoi que ce soit qui est articulé par ce ministre de la Défense.

Il ne sert à rien de s’étendre longuement sur les souffrances des habitants de Gaza: tout le monde s’en fiche, en tout état de cause. Pour les Israéliens, Gaza était et reste un nid de terroristes. Là-bas, il n’y a pas une personne qui leur ressemble. L’occupation est terminée,en tout cas. Tous les résidents de Gaza sont des meurtriers. Ils passent leur temps à construire des «tunnels terroristes», au lieu d’inaugurer des usines high-tech! Enfin, comment expliquez-vous que le Hamas n’ait pas développé Gaza? Comment osent-ils? Comment se fait-il qu’ils n’ont pas bâti une industrie au cours de cet état de siège, une agriculture dans leur prison et de la haute technologie dans une cage?

Ce sont là les mensonges que nous racontons à propos de Gaza. Et encore un autre mensonge que nous débitons: nous allons renverser le pouvoir du Hamas. Or, tout à la fois c’est impossible et Israël ne le souhaite pas.

Le nombre des morts clignote, comme d’habitude, sur nos écrans; sans aucune signification pour quiconque. Des centaines d’enfants massacrés, qui peut imaginer une chose pareille? Le siège n’est pas un siège, et même l’idée d’une seule heure d’interruption de l’alimentation en électricité à Tel-Aviv dans la chaleur étouffante de l’été ne provoque pas le moindre élément d’empathie envers ceux qui vivent sans électricité du tout, à une heure de Tel-Aviv.

Alors, continuons à vaquer à nos affaires – la Gay Pride Parade, les réductions pour l’accès au logement des jeunes familles, l’instituteur pédophile [une affaire qui fait la une des médias depuis des semaines]… Et quand des Qassam tomberont, nous ferons semblant d’être stupéfiés, et dans le cadre de notre sacro-sainte auto-victimisation nos bons pilotes prendront leur envol à l’aube, en route vers le prochain massacre. (Gideon Levy, article publié dans le quotidien Haaretz, le 15 juin 2017; traduction A l’Encontre; titre «Who’s in Favor of a Massacre in Gaza?»)

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Ils risquent leur vie en pêchant au large de Gaza

(Marc Mahuzier, envoyé spécial à Gaza) Dix ans de blocus n’ont pas seulement ruiné les pêcheurs de la bande de Gaza. Régulièrement, ils sont pris pour cibles par les vedettes de la marine israélienne. Même à l’intérieur de la zone protégée. Fadi Baker raconte comment, en avril 2017, son petit bateau a été arraisonné et son jeune frère tué.

Avec ses coques de bateaux qui pourrissent au soleil, le port de Gaza offre un triste spectacle. Depuis qu’Israël a ordonné le blocus de la bande en réponse à la prise de pouvoir par le Hamas, le 15 juin 2007, les pêcheurs n’ont plus accès qu’à une toute petite zone côtière, large de 6 milles marins au nord (environ 11 km) et de 9 milles au sud, près de l’Égypte. Mais le poisson est beaucoup plus loin en mer, sur les fonds rocheux. Nous n’attrapons plus rien», se désole Zakaria Baker, numéro 2 de l’organisation locale de producteurs.

«Deux vedettes venant du nord»

Avec 3750 pêcheurs auxquels s’ajoutent environ 5000 emplois induits, la capture de poisson est une activité essentielle à l’économie du Territoire (Gaza). «Aujourd’hui, la plupart des familles sont au-dessous du seuil de pauvreté», assure Zakaria. Les débarquements ont fondu comme glace au soleil: 1500 tonnes annuelles seulement, trois fois moins qu’il y a dix ans. Et peu d’espèces nobles comme la daurade, qui rapportait bien.

Privés d’accès à la ressource, les professionnels subissent surtout la brutalité et les attaques de la marine de guerre israélienne qui patrouille nuit et jour dans la zone.

Lundi 15 avril, Fadi se trouvait avec deux frères et un cousin dans le nord de l’étroit couloir maritime. C’était le jour de la «Nakba» (la catastrophe) qui commémore chaque année l’exode [contraint] du peuple palestinien en 1948 pendant la guerre israélo-arabe. «On pêchait la sardine avec des lignes, à deux milles (3,8 km) de la limite, très à l’intérieur de la zone permise, assure le pêcheur, âgé de 32 ans. Soudain, on a vu deux vedettes venant du nord et qui nous fonçaient dessus à toute vitesse. On a essayé de s’enfuir, mais en quelques secondes elles étaient sur nous.»

Selon son récit, les militaires israéliens à bord des vedettes ont commencé à encercler leurs petits bateaux avec des tirs à l’arme automatique. «Ils étaient huit, tous le visage masqué, avec des fusils du genre M-16 américain.» Les tirs se seraient faits plus précis, touchant mortellement son frère Mahamad Majid, 25 ans, et détruisant le moteur.

Déjà deux morts cette année

«Ils sont ensuite montés à bord et ils ont emporté le corps sans rien nous dire. Mon père a dû attendre plusieurs jours pour le récupérer à la frontière. Il avait été autopsié.»

Selon Fadi Baker, les problèmes avec la marine israélienne sont fréquents. En 2016, ces attaques n’ont fait que des blessés. Mais cette année, Mahamad Majid serait le deuxième tué. «Ils détruisent aussi les filets que nous posons. Depuis le début du blocus, 45 bateaux ont été confisqués, 15 ont subi des dégâts, il y a eu une trentaine de blessés et 135 arrestations, avec encore neuf personnes en prison. Ils considèrent que la mer leur appartient. Ils veulent nous en chasser», commente Zakaria.

Madleen Kulab, 23 ans, est la seule femme pêcheur de Gaza. Petite fille, elle embarquait sur le bateau de son père. Quand il est tombé malade, elle l’a remplacé. Elle avait 14 ans. «A bord, je fais le même travail que les hommes», dit-elle. Elle aussi s’est fait tirer dessus. Une fois, elle a été blessée à la main. Regard farouche, Madleen assure: «C’est dangereux, mais je n’ai pas peur.» (Publié dans Ouest-France, le 13 juin 2017)

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Une crise médicale sans précédent

(Maan News Agency) Une crise médicale sans précédent se développe à Gaza, après la nouvelle réduction d’approvisionnement en électricité et la pénurie de médicaments, alerte l’association israélienne Médecins pour les Droits de l’Homme (PHR). Elle signale que les malades gazaouis atteints de mucoviscidose, de cancer, et les nouveau-nés sont les premières victimes de cette décision.

Les dialyses deviennent quasi impossibles: manque de matériel et d’électricité

Le fait que l’Autorité Palestinienne (AP) ait régulièrement réduit son budget alloué à la santé et aux médicaments pour la bande de Gaza, passant de 4 millions d’euros par mois, pour n’atteindre que 500 000 euros en mai dernier, affecte les opérations courantes de 13 hôpitaux publics et 54 dispensaires dans la bande de Gaza, souligne cette ONG.

Un tiers des médicaments essentiels et plus de 270 équipements médicaux pour les salles d’opération et les services de soins intensifs sont désormais introuvables dans les hôpitaux de Gaza.

Du coup, 320 patients atteints de mucoviscidose sont en danger de mort, de même que 240 bébés avec des déficits de développement, qui ne reçoivent plus de lait thérapeutique, et 90 % des malades cancéreux qui ne reçoivent plus le traitement adéquat, précise le rapport établi par PHR.

«Les personnes atteintes de mucoviscidose ont besoin de 40’000 comprimés de Cryon pills, et il n’y en a plus aucun», a indiqué Ashraf al-Shanti, président de l’association des malades de la mucoviscidose à Gaza.

Le père de 2 enfants, de 14 et 9 ans, tous deux atteints de cette maladie, a déclaré à PHR: «Ma fille ne peut plus sortir de son lit et je ne pense pas qu’elle puisse survivre plus d’un an dans de telles conditions. Et mon fils Akram, qui ne bénéficie plus de ses inhalations et qui tousse constamment risque de mourir suffoqué».

Le ministère de la santé de Gaza’s qui avait déjà du mal à fournir le diesel qui fait marcher 87 générateurs fournissant l’électricité aux hôpitaux pendant les heures de black-out, ne sait plus comment faire.

«Les appareils de radiologie, sérieusement endommagés par les coupures d’électricité auxquels ils sont très sensibles, seront bientôt hors d’usage», a souligné pour sa part Ibrahim Abbas, chef du département radiologie des hôpitaux publics de Gaza.

«Les enfants de Gaza sont devenus les otages des conflits entre l’’AP, le Hamas et Israël. Il est urgent d’approvisionner Gaza en argent, médicaments, et électricité, et d’ouvrir la bande de Gaza au monde extérieur, pour lui apporter l’assistance dont elle est privée», a confirmé Robert Piper, le coordinateur de l’ONU pour les affaires humanitaires dans les territoires palestiniens occupés.

Les associations de défense des droits de l’Homme comme PHR et B’Tselem [centre israélien d’information pour les droits de l’homme dans les territoires occupés] contestent le fait qu’il s’agirait uniquement d’un conflit interne entre l’AP et le Hamas, et soulignent qu’«Israël est le principal responsable de cette situation créée par un blocus inhumain qui perdure depuis 10 ans, et qui n’a aucun équivalent dans le monde moderne.» «Nous ne sommes pas confrontés à Gaza à une catastrophe naturelle. C’est le résultat de la politique israélienne qui a institué ce siège barbare», a déclaré B’Tselem. (Source: Maan News Agency)

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«Vivre à Gaza avec trois heures d’électricité par jour»

(Piotr Smolar) Quelque chose détonne dans l’appartement de Rewad Obaid. Dehors, les rues sont calmes, Gaza observe le ramadan. Les habitants se reposent à la maison, le ventre creux. On devrait entendre un léger bourdonnement électroménager, celui de tout foyer banal. Là, rien. Le frigo, éteint. La télévision aussi. L’horloge du four, noire. Pas d’électricité. Rewad Obaid, 37 ans, laisse ses enfants brailler dans la cage d’escalier, pendant qu’elle raconte son triste quotidien, avec trois heures d’électricité par jour. Ce régime est imposé aux deux millions d’habitants du territoire palestinien depuis avril. Le secteur de l’électricité connaît des crises récurrentes depuis dix ans et la prise de pouvoir du Hamas en 2007, qui a entraîné le blocus du territoire par l’Egypte et Israël. Mais jamais encore la situation n’avait été aussi critique.

Dans un appartement «privilégié», pas d’électricité

Enseignante de physique dans le secondaire, Rewad est mariée à un chef de projet dans le secteur de l’eau. En ce moment, pour toute la famille, la nuit est le jour, le jour est la nuit. « On fait tout la nuit. On utilise Internet, on lave le linge, on passe l’aspirateur, on cuisine. On ne peut plus faire de réserve de nourriture, puisque le frigo ne marche pas. Puis on mange avant l’aube et on va se coucher», raconte-t-elle. Car l’immeuble est privilégié: il dispose d’un générateur électrique, qui coûte très cher, 350 shekels (90 euros) par mois pour chaque foyer, et fonctionne entre 18h30 et 4 heures du matin. Elle prend conscience de sa chance quand elle rend visite à ses proches, dont le seul recours est les batteries rechargeables ou les bougies. Dehors, même les grandes artères sont dans la pénombre.

Elle habite au 8e étage. La famille a contribué à l’achat de panneaux solaires pour faire fonctionner l’ascenseur. L’argent manque, d’autant que son salaire, versé par l’Autorité palestinienne (AP), a été amputé de 30% en avril. C’était l’une des mesures brutales prises par Mahmoud Abbas pour mettre le Hamas sous pression. Tous les employés du secteur public ont vu leur revenu baisser de 30 à 50%. Puis le président de l’Autorité palestinienne a annoncé qu’il ne verserait plus qu’une partie de l’argent – 60%, sur une facture mensuelle de 40 millions de shekels – dû aux Israéliens pour fournir l’électricité à la bande de Gaza.

«Abbas va tout perdre»

Après des tergiversations, le gouvernement israélien de Benyamin Nétanyahou a décidé de suivre la logique de M. Abbas et de baisser d’autant les livraisons.  » «Abbas pense que le Hamas finira par plier et accepter un compromis politique, sous les pressions multiples, explique l’analyste Omar Shaban. Il veut montrer à Washington qu’il s’inscrit dans sa mobilisation contre le terrorisme. Mais Abbas va tout perdre.» Le Hamas, lui, espère un énième plan d’urgence et se dit prêt à réformer le système. «Je ne crois pas qu’Israël coupera le courant, dit Ahmed Youssef, figure modérée du mouvement. Ça lui créerait des problèmes sur le plan international et les eaux usées déjà déversées dans la mer contamineraient ses plages jusqu’à Tel Aviv.»

Le système est pernicieux depuis la rupture entre le Hamas et l’Autorité palestinienne. L’AP paie pour toutes les livraisons d’énergie à Gaza; ou plutôt, Israël fait des retenues sur les taxes qu’elle doit verser à l’AP. Ramallah, de son côté, se heurte aux lacunes dans le paiement des factures à Gaza par les particuliers et les commerces. Malgré des efforts, cette collecte demeure faible, et le Hamas ne transfère pas les recettes à l’AP. Irresponsables, donc, et tous coupables. Une «dispute interne palestinienne», a déclaré M. Nétanyahou, le 13 juin, en assurant qu’il ne voulait pas d’«escalade».

Les conséquences de cette crise énergétique sont graves. Les hôpitaux, le traitement des eaux usées, les services d’assainissement et d’eau potable ont vu leurs activités dramatiquement réduites depuis la mi-avril. Ces secteurs survivent grâce à une aide d’urgence, en fuel, dégagée en catastrophe par l’ONU. Mais sur le plan économique et social, le coût de la crise est un baril de poudre à mèche courte.

Il suffit d’aller à Chajaya, à l’est de la ville de Gaza, près de la zone frontalière avec Israël. Grand calme dans l’entrepôt d’Al-Amir, le plus célèbre fabricant de glaces du territoire. Les machines sont à l’arrêt. Il y avait 60 employés avant 2007. Ils sont 20 à présent, mais seulement 5 à leur poste, pour assurer la maintenance. Djihad Al-Wadil, 50 ans, le manager, est là du matin au soir. On ne sait jamais: si l’électricité revient, il faut se mobiliser. «C’est pourtant la haute saison entre février et août, les gens adorent manger des glaces. Je suis en colère, et les salariés aussi.» Non loin de là se trouve le site d’une société de travaux publics, la Construction Industries Company. Taysir Azam, 39 ans, chef de marketing, explique qu’elle compte 80 employés. «On a besoin de tout le monde dès que l’électricité est branchée, mais on ne sait jamais quand ça se produit. Après, on utilise notre générateur, ce qui accroît nos coûts. On n’a plus de profit.»

Quant à la seule centrale électrique de Gaza, qui fournit en temps normal 23% des besoins, elle est à l’arrêt depuis avril. Son manager général, Rafiq Maliha, est un homme massif, compétent, au rire nerveux. «La situation est catastrophique, dit-il. Je travaille ici depuis 1994. C’est comme une boule de neige qui roule et grossit. Depuis l’aide d’urgence du Qatar et de la Turquie en janvier, assurant du fuel pour trois mois, Ramallah et Gaza se disputent au sujet des taxes payées sur ce fuel. Israël les a fixées à 300%.»

La centrale a été bombardée en 2006, entraînant quatre mois de fermeture, puis six mois en 2014. Aujourd’hui, elle n’a pas de réserve de fuel, faute de capacité de stockage. Sa conversion au gaz naturel permettrait d’énormes économies, mais elle nécessiterait du temps et des investissements. Une ligne à haute tension est aussi en projet avec Israël, mais la volonté politique fait défaut. Quand rien ne presse, le gouvernement israélien gère, plutôt que de prendre des initiatives. La demande énergétique à Gaza pourrait doubler d’ici à 2030, avertit la Banque mondiale. (Article paru dans Le Monde en date du 19 juin 2017, mis à jour le 20 juin 2017; utile à lire à la lumière de la contribution de Gideon Levy)

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