Egypte: une nouvelle phase dans l’affrontement politique et social

Par la rédaction de A l’Encontre

Des médecins expliquent qu'ils sont réprimés par la police militarisée car ils soignent des protestataires blessés

Nous indiquions le 22 décembre 2011 – voir l’article publié sur ce site et intitulé «Egypte: derrière les élections, la répression» – que la  mobilisation convoquée le vendredi 23 décembre 2011 constituerait une nouvelle épreuve dans la conformation des rapports de forces socio-politiques en Egypte.

«Ce vendredi de récupération de l’honneur» devait marquer la volonté d’une riposte la plus large possible face à la répression brutale (17 personnes tuées et plus de 800 blessées) orchestrée par Conseil supérieur des forces armées (CSFA) contre ceux et celles qui clamaient, près des bâtiments du gouvernement ou sur la place Tahrir, leur opposition à l’emprise des militaires sur les instruments de pouvoir des dominants.

La mobilisation du 23 décembre 2011 a traduit la détermination – malgré les menaces que les corps répressifs laissaient planer – de larges secteurs de refuser d’être expropriés des conquêtes issues de la «révolution du 25 janvier» et, pour cela, de mettre fin aux diktats du CSFA. Selon le quotidien en ligne (édition anglaise) Al Masry Al Youm (23 décembre 2011) quelque 50’000 personnes ont rejoint la place Tahrir, au Caire. Le quotidien Ahram Online (23 décembre 2011) estimait, lui, la participation à quelque 25’000.

Le rassemblement sur la place n’a cessé de s’amplifier suite à l’arrivée des diverses marches. Des étudiant·e·s en provenance de l’Université du Caire, de celles d’Ain Shams et de Helwan ainsi que des Universités américaine et allemande ont convergé avant d’arriver à Tahrir. Un autre cortège rassemblait des hommes et des femmes qui mettaient en relief la situation socialement inacceptable des «enfants des rues». Un autre était organisé à l’initiative des médecins qui voulaient rendre hommage à ceux d’entre eux qui avaient été tués lors des attaques des forces policières militarisées. De même, un cortège important venait de la Mosquée Al-Azhar; pour rappel, une de ses rares figures soutenant le mouvement de contestation du CSFA, le cheikh Emad Effat, avait été tué par la police le 16 décembre. Les observateurs ont relevé l’importance du nombre de femmes présentes. Elles redoublaient de la sorte la manifestation du 20 décembre contre les multiples humiliations infligées par les forces répressives. Un slogan était lancé en direction de ces dernières: «Les femmes ne seront pas humiliées!». Dans une tente installée sur la place, des photos et des vidéos – illustrant la violence policière particulière envers les femmes – déconstruisaient la propagande officielle à ce propos.

Ahmed Darag – un membre de l’Association nationale pour le changement – confiait à Ahram Online que «la principale raison pour la manifestation d’aujourd’hui réside dans la manière dont les militaires au pouvoir traitent les protestataires». Il ajoutait: «Le peuple égyptien paie les salaires des militaires; il paie pour les armes utilisées afin de tuer les protestataires et battre les militantes femmes. Ceux responsables de l’assassinat d’Egyptiens ne devraient pas être responsables de les gouverner.»

Les principales revendications avancées peuvent se résumer ainsi: le transfert par le CSFA du pouvoir à une instance civile; la démission du récent Premier ministre Kamal el-Ganzouri; la constitution d’une commission d’enquête indépendante apte à faire la clarté sur les «violences» commises depuis le 16 décembre 2011; le jugement rapide de ceux qui les ont commises et la libération des protestataires arrêtés.

Une manifestation analogue eut lieu à Alexandrie. Elle se termina devant le principal centre administratif de l’armée. D’autres manifestations eurent lieu: à Suez, avec une forte participation de jeunes femmes; à Port Saïd, à Ismaïlia, etc. Il faut souligner que le parti de la Liberté et de la Justice, la formation des Frères musulmans, n’appelait pas à manifester. La «poursuite des élections contre le chaos» constitue leur orientation du moment (Al Jazeera.net, 23 décembre 2011).

Dans une tentative de contrecarrer le «Vendredi de la récupération de l’honneur» le pouvoir organisa un rassemblement dans le quartier d’Abbasiya, sous le couvert d’une organisation ayant pour nom: «La majorité silencieuse» (Al Masry Al Youm, 23 décembre 2011). Un thème dominait cette manifestation réunissant quelque 5000 personnes: «Seul le pouvoir militaire peut assurer la stabilité du pays». Le maréchal Mohamed Tantaoui  fut imploré en ces termes: «Maréchal, Maréchal ne quitte pas l’Egypte pour la place Tahrir!»; «Maréchal on en a assez de la place Tahrir». Des slogans pro-Moubarak furent lancés, ce qui est une nouveauté dans le cadre d’une démonstration qui affirmait son soutien au CSFA. Le candidat à la présidence Mohamed El Baradei fut dénoncé sur le ton: «El Baradei est un ennemi de Dieu !» (Arham Online, 23 décembre 2011). Un parlementaire élu lors de la première phase des élections, Amr Hamzawy, fut aussi l’objet de violentes attaques car il soutient le mouvement démocratique et est un défenseur connu des droits de la personne humaine. Des journalistes furent attaqués – ce qui relève d’une tactique connue aussi bien sous le régime de Moubarak que sous celui du CSFA – car «provoquant le désordre». Ils travaillaient pour la BBC et pour la chaîne Al Jazeera, entre autres.

Il semble néanmoins que des habitants du quartier d’Abbasiya soient résolus à faire entendre une autre voix et à le faire connaître ce lundi 26 décembre 2011 (Ahram Online, 24 décembre 2011).

La campagne lancée contre les Socialistes Révolutionnaires

Dans son communiqué numéro 92, le CSFA dénonce un prétendu plan visant «à abattre le pays» en multipliant les manifestations, les sit-in et en «s’attaquant aux biens publics». La bataille des matraques se poursuit par le matraquage propagandiste, relayé par les médias sous influence du ministère de l’Information. Le CSFA en appelle aux «honnêtes Egyptiens», cherchant à instrumentaliser les incertitudes et les angoisses – parmi certaines couches de la population – provoquées par une crise sociale et économique d’envergure. Pour tenter de neutraliser un secteur des libéraux, le communiqué souligne que le CSFA ne s’oppose pas aux «manifestations pacifiques» qui ne portent pas «atteinte à la propriété». Sur le même ton, il avait indiqué, par le passé, qu’il ne s’opposait pas aux «grèves qui ne dérangeaient pas la production».

Une attaque plus concentrée est lancée contre l’organisation des Socialistes Révolutionnaires. Ainsi, selon Arham Online (24 décembre 2001), un membre des Frères musulmans a porté plainte contre trois membres des Socialistes Révolutionnaires pour avoir incité «à renverser l’Etat».

Le quotidien en ligne du 24 décembre explique [1] :

«Selon le site Web des Frères musulmans IkhwanOnline, un membre des Frères, Secrétaire général du Comité des libertés du syndicat des avocats, Gamal Tag El-Din, a déposé une plainte contre les membres des Socialistes Révolutionnaires Yasser Abd El-Qawy, Sameh Naguib et Hesham Yousri.

Selon le site Web, Tag El-Din accuse les trois membres des Socialistes Révolutionnaires d’inciter le peuple à renverser l’Etat et à occuper des bâtiments de l’Etat, à incendier des bâtiments publics et à intentionnellement semer le chaos. Gamal El-Din a présenté 26 photos et vidéos à l’appui de ses accusations.

Le parti de la Liberté et de la Justice des Frères musulmans a également publié à la une de son journal un article portant les mêmes accusations.

Les Socialistes Révolutionnaires ont récemment été confrontés à des accusations portées par des journalistes et les hôtes de talk-show suivant lesquelles le groupe soutenait activement l’anarchie et l’instabilité.

La campagne contre le groupe, qui comprend des militants salariés et des étudiants, a été initiée par Mohamed Nour, porte-parole du parti salafiste Al-Nour. Il a récemment déclaré à la télévision que «l’anarchie» était l’objectif prépondérant du mouvement. Il a également accusé le groupe de recevoir des fonds d’agences de renseignement des Etats-Unis.

Mercredi (21 décembre), le quotidien indépendant El-Youm El-Sabea a mis en ligne une vidéo d’un discours récent de Sameh Naguib, membre  des  Socialistes Révolutionnaires, dans lequel il critiquait vigoureusement le Conseil suprême des forces armées (CSFA) pour sa défense de l’ancien régime du président déchu Hosni Moubarak.

L’article poursuivait en affirmant que les commentaires du professeur d’université, âgé de 44 ans, constituaient la preuve que les Socialistes Révolutionnaires travaillaient, en fait, à fomenter un coup d’Etat militaire.

Naguib a répondu à ces accusations en disant aux journalistes que les médias et le Conseil supérieur des forces armées (CSFA) visaient de concert à «discréditer les révolutionnaires» par le biais de campagnes visant à répandre la peur en parlant d’agendas anarchistes secrets. 

Pendant ce temps, des dizaines de personnes ont posté des déclarations de solidarité avec les Socialistes Révolutionnaires sur Twitter et Facebook. Suite à la nouvelle de la plainte, des militants ont rappelé que les Socialistes Révolutionnaires avaient défendu les Frères musulmans avant la mise à l’écart de Moubarak. Les Frères ont alors répondu en affichant  sur leur compte Twitter (@ Ikhwanweb) que la plainte de Gamal El-Din était une initiative individuelle et que la Confrérie n’était pas responsable (http://english.ahram.org.eg/NewsContent/1/64/30113/Egypt/Politics-/Muslim-Brotherhood-member-files-lawsuit-against–R.aspx).

Le groupe de gauche est connu dans les milieux politiques pour avoir défendu la coopération avec le parti islamiste des Frères musulmans contre la répression étatique sous Moubarak, quand la Confrérie était encore une organisation interdite.»

Le dimanche 25 décembre 2011, selon Arham Online, la Coalition des Jeunes pour la Révolution affirmait à propos de ces accusations: «Cela nous rappelle Anouar el-Sadate lorsqu’il donnait le feu vert aux islamistes pour se débarrasser des socialistes avant de réprimer les islamistes. L’histoire se répète… Les Frères musulmans ferment les yeux face aux violences commises par le CSFA. Par contre, ils centrent leur attention sur les termes utilisés par trois personnes. Même si ces personnes se trompent, ce que les Frères musulmans font revient simplement à offrir leur complète soumission aux militaires. Nous estimons le rôle des socialistes dans la révolution. L’accusation selon laquelle ils cherchent à brûler les bâtiments publics est complètement inventée.»

«Un Etat oppressif protégé par l’armée…»

Face à ces accusations en provenance de diverses «sources», les Socialistes Révolutionnaires d’Egypte ont adopté la position suivante [2]: «Des accusations sont portées contre les Socialistes Révolutionnaires dans certains milieux – en premier lieu sur le site web du ministère de l’Intérieur et sur un certain nombre de chaînes de télévision par satellite – qui montrent un extrait d’une vidéo d’une réunion organisée récemment par le Centre d’études socialistes à la suite du massacre de la rue de Mohammad Mahmoud, sous l’intitulé «Quelle est la voie de la révolution?».

Kamal Khalil, Hossam el-Hamalawy et Sameh Naguib ont pris la parole lors de cette réunion. Le clip a montré un moment de la réunion où Sameh Naguib parle de la manière dont les révolutionnaires veulent la chute de l’Etat pour construire un nouvel Etat révolutionnaire et en quoi le Conseil militaire ne protège pas les intérêts du peuple égyptien, mais au lieu de cela protège les intérêts des 1000 familles les plus riches d’Egypte, du Pentagone, du gouvernement des Etats-Unis et des sionistes.

Le but du clip est de soulever une tempête contre nous au motif de notre position en faveur du renversement de l’Etat.

Nous répondons que dire que nous voulons la chute de l’Etat oppressif et la création d’un Etat juste n’est pas une accusation: c’est l’objectif pour lequel nous luttons.

Comme Oum Kalsoum [décédée en 1975, elle est considérée comme la plus grande chanteuse du monde arabe] l’a chanté et des millions l’ont chanté avec elle il y a 60 ans: «L’Etat oppressif est effacé, par ma propre main.» Nous gardons  notre rêve d’éradiquer l’Etat corrompu qui s’est répandu comme un cancer à travers le corps de l’Egypte.

Oui, nous cherchons à renverser l’Etat de tyrannie et de pauvreté qui nous a gouvernés pendant les 30 dernières années et qui continue à nous gouverner aujourd’hui, l’Etat qui a tué des milliers de combattants dans ses prisons, l’Etat qui a pillé et volé les pauvres afin d’accroître la fortune des riches.

C’est l’Etat qui soutient les patrons dans leurs affrontements avec les travailleurs. C’est l’Etat qui refuse de re-nationaliser les entreprises qu’il a liquidées à vil prix, bien que les tribunaux aient statué en faveur de la campagne des travailleurs pour les rendre à la propriété publique, démontrant que pour cet Etat, le pouvoir du Capital est plus important que l’autorité du système judiciaire.

C’est l’Etat qui autorise les capitalistes à licencier et à affamer les prolétaires, les paysans et les pauvres par milliers, puis qui proclame des lois qui criminalisent leurs protestations.

Il s’agit de l’Etat qui établit entre ses citoyens une discrimination fondée sur la religion, le sexe et la race. C’est l’Etat raciste qui a massacré des réfugiés soudanais en 2005 et agressé sexuellement des femmes en 2006 et 2011. C’est l’Etat sectaire qui a comploté pour brûler des églises et qui a persécuté des chrétiens coptes pauvres et qui a finalement assassiné 24 d’entre eux en octobre de cette année.

Il s’agit de l’Etat qui trompe le peuple à travers ses médias. Il exige l’austérité et demande aux gens de se serrer la ceinture et de maintenir en activité «les rouages  de la production», tout en annonçant au même moment la construction de palais et de centres de villégiature pour assurer le futur de «nos enfants».

Oui, nous voulons renverser l’Etat. Nous voulons la chute de ses politiques de santé qui ont fait de la santé et des soins médicaux des produits destinés à être achetés et vendus par ceux qui ont les moyens de payer, alors que les pauvres meurent par centaines parce que les hôpitaux publics ont été ruinés. Nous voulons renverser ses politiques d’éducation qui enseignent des mensonges et des falsifications à nos enfants dans des salles de classe qui s’effondrent sur leurs têtes parce qu’il n’y a pas d’argent pour la construction d’écoles, au point que les élèves savent à peine parler arabe au moment où ils quittent l’école.

Nous voulons la chute du ministère de l’Intérieur, de son ministre et de ses agents criminels qui ont tué plus de nos fils et de nos filles qu’il n’y a eu de décès lors de désastres naturels. Nous voulons renverser les politiques d’appauvrissement systématiques qui ont poussé plus de la moitié de notre peuple sous le seuil de pauvreté. Et la liste s’allonge.

Cet Etat oppressif est protégé par une armée sous la direction du Conseil militaire de Moubarak. C’est pourquoi nous voulons mettre fin à la domination de cette junte militaire qui, en moins d’un an, a volé plus de vies égyptiennes que Moubarak en 30 ans de pouvoir.

Oui, nous voulons que les dirigeants corrompus de l’armée soient jugés.

En 20 ans sous Moubarak, plus de 30% de l’économie sont passés sous leur contrôle sans aucune surveillance, sous la forme d’usines, d’hôtels, de projets immobiliers, de fermes, de commerce d’armes et autres parties du budget de l’Etat, de taxes et de subventions dont nous avons abreuvé les militaires par le travail forcé de nos jeunes hommes pour ce type de projets, et cela au cours de leur service militaire, sans aucune protection de leurs droits. Ce sont les dirigeants d’une armée qui a ouvert le feu sur nous et emprisonné des milliers de nos jeunes gens libres après des procès militaires iniques.

Nous croyons que tôt ou tard cette armée produira des dirigeants patriotiques qui rejoindront les rangs des révolutionnaires, comme dans toutes les révolutions au cours de l’histoire.

Oui, nous voulons renverser ce régime et son Etat, de même que ses hommes corrompus, ses alliés opportunistes et son Conseil militaire qui gouverne le pays à la demande du président déchu. Nous prêtons serment de continuer la lutte avec les révolutionnaires dans les places Tahrir à travers le pays, malgré les campagnes de diffamation et l’intimidation, jusqu’à ce qu’il tombe et que le peuple s’empare du  pouvoir et de  la richesse qui lui appartiennent de droit… jusqu’à la victoire de la révolution que le peuple a enflammée.

Oui, le peuple  demande toujours la chute du régime et de son Etat corrompu et tyrannique.»

La solidarité internationaliste avec les forces insérées dans ce processus révolutionnaire va certainement exiger diverses actions de défense de ces militant·e·s dont l’engagement social et politique est en syntonie avec le combat pour l’émancipation sociale et politique des masses laborieuses en Egypte.

Des plans pour une «guerre sociale» et une «transition politique»

Les plans du CSFA et de ses alliés ressortent aux travers des mesures répressives contre les diverses mobilisations, contre le mouvement syndical indépendant et les grèves, comme à l’occasion de la campagne d’intimidation visant les Socialistes Révolutionnaires et ayant pour but, entre autres, de les isoler.

Pour l’heure, l’agenda politique dominant la scène politique «officielle» est dicté par les élections dont la deuxième phase s’est terminée le 15 décembre. Les résultats donnés par le site Jadaliyya en date du 23 décembre 2011 – suite aux élections dans 18 gouvernorats sur 27 – soulignent la position de force du parti Liberté et Justice des Frères musulmans et du parti Al-Nour (La Lumière), lié au courant islamiste salafiste. Pour ce qui est des sièges obtenus selon le système de scrutin de liste, les deux partis obtiennent respectivement 48,32% et 23,83% des sièges. Les résultats des élections selon le système uninominal ne sont pas encore connus, car dans divers districts des candidats n’ont pas obtenu 50% des voix plus une. La percée électorale de Al-Nour modifie les positions anticipées – il y a encore quelques mois – sur l’échiquier politique égyptien; même si les Frères musulmans confirment leurs positions. Dans tous les cas de figure, ces résultats électoraux vont avoir un effet sur la gestion de ladite transition démocratique. Certes, le déroulement des élections – placées sous le contrôle du CSFA – peut être contesté. Mais, pour une partie majoritaire de la population, ces élections apparaissent les premières «libres» depuis des décennies.

En outre, les militaires ne sont pas prêts à délaisser leur contrôle sur des pans entiers de l’économie; ce qui implique une maîtrise d’instruments de pouvoir politiques. Nous y reviendrons. Simultanément, la crise économique s’approfondit; l’inflation grimpe et les investissements se font tout autant attendre que la relance du tourisme. Le déficit budgétaire dépasse, officiellement, les 11,7% du PIB. L’endettement public accentue ses effets de strangulation sur le fonctionnement de l’appareil d’Etat; les dernières émissions obligataires se sont faites à des taux d’intérêt se situant entre 13,95% et 15,26% suivant l’échéance. Le Fonds monétaire international (FMI) sonne à nouveau à la porte, après un «échec» en juin 2011. La politique d’ajustement structurel – avec la dévaluation de la livre égyptienne qui l’accompagnera – devrait s’opérer dans un contexte social et politique volatil. Un plan d’austérité musclé, intervenant au cours du premier semestre 2012, pourrait susciter une mobilisation sociale d’envergure, dans le secteur public et dans diverses entreprises. Des militaires ne voient pas d’un bon œil cette éventualité; d’où leurs réticences, déjà exprimées en juin. En effet, cela peut bousculer leurs plans de «transition contrôlée». Des plans qui ne se déroulent pas dans le vide, tels ceux élaborés par un état-major en temps de paix.

De plus, certaines mesures – liées à un «financement» par le FMI – pourraient, y compris, porter atteinte à leurs intérêts dans des branches liées à la consommation de secteurs populaires. Ils disposent, en effet, d’investissements notables dans des entreprises de biens alimentaires.

Les initiatives prises contre les syndicats indépendants (voir l’article publié sur ce site en date du 17 décembre 2011 – Le mouvement ouvrier face à une culbute) et la campagne conduite contre les Socialistes Révolutionnaires ainsi que d’autres forces sociales et politiques s’inscrivent dans ce contexte.

Il y a presque un an, Moubarak était renversé. Aujourd’hui, ceux et celles qui réclament un salaire minimum, le droit à une organisation syndicale indépendante, des droits démocratiques et sociaux pour les femmes, des droits sociaux élémentaires… doivent faire face à un pouvoir militaire et à des forces politiques islamistes organisées. Un défi majeur. (25 décembre 2011)

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[1] Traduction faite par Pierre-Yves Salingue
[2] Traduction effectuée par Pierre-Yves Salingue; le texte en anglais est paru sur le site socialistworker.org de l’ISO (Etats-Unis)

 

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