Russie. Appel à soutenir Oudaltsov et Navalny

Sergueï Oudaltsov arrêté le 6 mai 2012 sur la place Pouchkine

Par Carine Clément

A la veille de l’investiture de Vladimir Poutine, le 6 mai dernier à Moscou, a eu lieu une manifestation d’ampleur massive à Moscou (dite la «Marche des millions»). Elle a réuni plus de 80’000 personnes et s’est terminée par de violents heurts avec la police.

Les forces de l’ordre avaient encerclé la Place Bolotnaia, où les manifestants prévoyaient de tenir leur meeting. Cette provocation a suscité la colère des manifestant·e·s qui ont refusé d’avancer et ont organisé un sit-in spontané à l’abord de la Place. La police a réagi en tentant de disperser le rassemblement, frappant les manifestant·e·s avec des matraques et interpellant nombre d’entre eux. Au total, plus de 400 personnes ont été arrêtées, dont le leader du Front de gauche Sergueï Oudaltsov et le blogueur leader du mouvement anti-corruption Alexeï Navalny.

Les deux chefs de file du mouvement de protestation contre les élections truquées, qui dure en Russie depuis décembre 2011, ont été libérés le lendemain de leur interpellation. Pour aussitôt se joindre aux «promenades populaires» qui ont commencé dans la capitale dès le lendemain de la «Marche des millions», en signe de solidarité avec les personnes incarcérées, contre les violences policières et l’investiture de Poutine. Depuis le 9 mai 2012, au soir, un campement autogéré fonctionne en plein centre de Moscou, rassemblant jour et nuit entre 100 et plusieurs milliers de personnes, sur le boulevard «Tchisty Prudy».

Cette «tolérance» a été obtenue grâce à la mobilisation de milliers de personnes depuis le 7 mai au matin, qui se retrouvent par l’intermédiaire d’Internet et organisent des sit-in au centre-ville, avant d’être délogés par les policiers et de se réinstaller ailleurs. Lassés de jouer au chat et à la souris (et en l’absence de toute justification formelle à d’éventuelles arrestations), les forces de l’ordre ont abandonné l’affaire.

Dans la nuit du 8 au 9 mai, lors de l’une de ces «promenades», Oudaltsov et Navalny ont à nouveau été arrêtés, alors qu’ils ne faisaient que discuter avec des centaines d’autres personnes rassemblées sans slogans et sans pancartes, devant le monument aux héros de Plevna [en commémoration de la victoire de la bataille de Plevna dans la guerre contre la Turquie de 1877-1878], dans le quartier de Kitaï-Gorod, près du Kremlin.

Tous deux ont été condamnés à 15 jours de détention. Sergueï Oudaltsov a aussitôt entamé une grève de la faim, qui a sérieusement aggravé son état de santé. Or son hospitalisation n’a été autorisée par les autorités pénitentiaires que le 14 mai.

Par ailleurs, tous deux sont sous examen dans le cadre de l’enquête sur des affrontements entre forces de l’ordre et manifestants intervenus lors de la «Marche des millions». Le pouvoir pourrait avoir envie de faire un exemple. Certaines sources bien informées parlent de deux ans d’incarcération.

* Carine Clément. Directrice de l’Institut d’Action collective, Moscou

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Russie: Appel à solidarité

Camarades! Aujourd’hui, nous, militants de gauche en Russie, nous nous adressons à vous pour demander votre solidarité et soutien.

En Russie a commencé un affrontement ouvert entre de larges mouvements démocratiques et le régime corrompu, autoritaire et oligarchique de Poutine.

Les résultats des élections de décembre 2011 (parlementaires) et de mars 2012 (présidentielle) ont été cyniquement falsifiés par le pouvoir. Alors que les campagnes électorales se sont déroulées sous la pression administrative totale du pouvoir. Seuls des candidats triés sur le volet ont été admis à participer à ces élections.

La violation démonstrative des droits démocratiques a suscité une vague massive de protestation, qui se nourrit non seulement de l’indignation contre les trucages électoraux, mais également du mécontentement croissant contre la politique néolibérale du régime poutinien.

Des centaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue dans toute la Russie depuis décembre. La dernière manifestation à Moscou, le 6 mai 2012, a été violemment dispersée par les forces de l’ordre.

Après les violences contre les manifestants, l’oligarchie est passée aux répressions contre les leaders du mouvement citoyen. Deux d’entre eux sont plus menacés que d’autres de représailles; Sergueï Oudaltsov et Alexey Navalny.

Ils purgent en ce moment une peine de prison de 15 jours. Mais il existe une réelle menace pour que soit fabriqué contre eux un faux procès pour délit criminel, ce qui signifie plusieurs années de détention.

Pour le mouvement de gauche, dont nous faisons partie, la répression contre Sergueï Oudaltsov, l’un des leaders du Front de gauche, risquerait de freiner la dynamique de renaissance des forces de lutte contre le capitalisme en Russie.

Oudaltsov est en effet devenu le leader de gauche démocratique le plus connu en Russie aujourd’hui, l’une des principales figures de proue du large mouvement citoyen qui se développe dans notre pays. Pour le pouvoir, il symbolise la menace d’une résistance organisée à la dictature du capital, et pour nombre d’entre nous, son nom est devenu symbole de la lutte pour un avenir démocratique et social en Russie.

Nous nous faisons d’autant plus de souci pour Sergueï que son état de santé est sérieusement détérioré par plusieurs grèves de la faim successives contre les répressions policières. Et que le pouvoir a longtemps freiné son hospitalisation. Nous craignons une tentative de se débarrasser physiquement de lui.

Camarades! Nous avons besoin de votre solidarité et de votre soutien ! Nous nous adressons aux partis et organisations de gauche, aux mouvements sociaux et citoyens, ainsi qu’à tous ceux qui ne restent pas indifférents face à la lutte pour les droits sociaux et citoyens en Russie.

Organisez dans vos pays des actions de protestations devant les ambassades russes en exigeant l’arrêt des répressions contre Sergueï Oudaltsov, Alexeï Navalny et les autres militants citoyens de notre pays.

Nous demandons aux députés des partis de gauche et démocratiques de déclarer publiquement leur soutien aux réprimés, aux organisations de défense des droits de l’homme de reconnaître prisonniers politiques Oudaltsov, Navalny et les autres victimes des répressions policières. (Traduction DP-CC)

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