Les adieux intéressés de Soubie à l’Elysée

Par Emmanuel Lévy

Dans les diverses contributions sur l’analyse du mouvement social s’opposant à la contre-réforme des retraites en France, nous avons souvent mentionné le nom de Raymond Soubie, le conseiller de Sarkozy qui, sur son téléphone portable, disposait des numéros de dirigeants syndicaux (Chérèque, Thibault), afin d’assurer la «négociation», en parallèle du mouvement. Voir, entre autres, l’article qui lui est consacré, publié en date du 24 septembre 2010, sur ce site.
En Suisse, «l’écologiste et socialiste» Moritz Leunberger, grand comique intellectuel zurichois, selon certains, ne fait pas dans l’aller et retour entre privé et public, comme Raymond Soubie. Il cherche simplement la récompense du privé. Ainsi : «l’ancien conseiller fédéral socialiste Moritz Leuenberger, qui assistait, il y a un peu plus d’un mois, au percement du tunnel de base du Gothard, a été proposé comme nouveau membre du conseil d’administration d’Implenia. Un mandat qu’il estime à «environ 100’000 francs par an» informe la TSR. Aura-t-il l’appui de la direction d’UNIA, afin de faciliter la «négociation» de la Convention collective (CCT) dans le gros-œuvre ? Une sorte de nouveau tunnel à inspecter, avec ses sous-traitants.
(Rédaction).

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Raymond Soubie a pris sa retraite: il n’est plus que l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy. Mais Raymond-la-science n’en arrête pas pour autant sa carrière de parrain du système social français. Il retrouve son fauteuil de président du cabinet Arfilia, actif dans le conseil, l’événementiel et l’information social… Et il l’a fait savoir dans un mail d’adieu depuis son adresse élyséenne, qui ressemble à une plaquette de pub. Marianne le publie et le commente.

Le départ de Raymond Soubie était prévu. Une fois sa réforme sur les retraites promulguée, le conseiller social sortant de l’Elysée n’a donc étonné personne en faisant parvenir un petit mail d’au revoir à ses contacts dans les milieux patronaux, syndicaux et politiques. Son secrétariat au Château, encore à sa disposition ce mardi 23 novembre, leur a donc fait parvenir un petit mot d’adieu, dont Marianne a pu avoir copie. La tonalité, très «business», du mail suggère une question souvent chuchotée mais jamais réellement posée du conflit d’intérêt. Et d’ailleurs nombre de phrases reprennent mot pour mot le communiqué officiel d’AEF, l’agence d’information spécialisée dans le social dont il retrouve la direction…

Le mail commence très classiquement donc:
«Je quitte demain mardi 23 novembre 2010 mes fonctions à l’Elysée, comme convenu avec le Président de la République. Depuis plusieurs mois, j’avais exprimé mon souhait de reprendre la présidence d’Arfilia, ma société holding familiale, fonction que j’avais abandonnée lors de mon entrée à l’Elysée en 2007.»

Raymond-la-science qui a passé sa vie à enchaîner les allers et retours entre ses activités publiques, et privées, sait tout l’intérêt patrimonial à retirer d’une mutualisation de ces deux vies. Outre les habituelles références à ses futures activités, et l’attention mise à donner ses prochaines coordonnées, Raymond Soubie, ex-conseiller Elyséen, s’est livré à une véritable promotion de Raymond Soubie, à nouveau président d’Arfilia.

Mais laissons, au nouveau président présenter son holding familial, où siège Danielle Deruy, sa femme, telle que vantée dans son mail :
«La holding Arfilia a pour objet de prendre et de gérer des participations, généralement majoritaires, ou ayant vocation à le devenir, dans divers domaines d’activités, en particulier, mais pas exclusivement, dans le secteur de l’information professionnelle sur Internet et dans le conseil.»

Pour ceux qui l’ignoreraient encore, Raymond Soubie précise :
«Dans le domaine de l’information professionnelle, Arfilia est déjà l’actionnaire majoritaire du Groupe AEF, dont je prends aussi la présidence. Marc Guiraud, fondateur et actuel président, devient vice-président et directeur général, Danielle Deruy et Philippe Kienast conservent leurs fonctions de directeurs généraux.»

Groupe AEF, c’est pas de la petite bière, ainsi que le confirme le mail qui se poursuit telle une plaquette de présentation:
«Groupe AEF comprend les agences d’informations spécialisées AEF (éducation, enseignement supérieur, recherche & innovation, cursus & insertion, ressources humaines, politiques de l’emploi, formation professionnelle, protection sociale), AEDD (Energie & Environnement, RSE & Eco-responsabilité), AULH (Aménagement, Urbanisme, Logement social et Habitat) et AISG (Sécurité globale), ainsi que Verbatim Communication (communication éditoriale et événementielle).»

Car la communication, Raymond Soubie, c’est son dada. Et de la communication à l’événementiel, il n’y a qu’un pas. Enfin pas question de faire dans les Bart-Mitzva, communions et autres hennés. Ici, on fait dans le social, précisément le secteur sur lequel Raymond Soubie avait la haute main depuis l’Elysée, et continue selon certains à l’avoir en dehors. Lesquels le surnomment volontiers le parrain du paritarisme.
«Groupe AEF est aussi actionnaire majoritaire de la société Arcaneo, organisateur de congrès et conférences dans le domaine des ressources humaines, de la mobilité et du développement des talents.»

Mais Raymond n’oublie pas sa spécialité: le conseil. Il avait cédé Altedia, le voilà de retour dans le business avec Alixio:
«Dans le domaine du conseil, Arfilia va prendre prochainement le contrôle de la majorité du capital d’Alixio, société de conseil en stratégie, organisation, management, communication et ressources humaines créée en juin 2010. Je deviendrai président d’Alixio. Xavier Lacoste, précédemment directeur général d’Altedia, en sera directeur général, avec, à ses côtés, Philippe Kienast et Danielle Deruy. Alixio va prendre le contrôle de la société Alixio Care Management Consulting, société de conseil en organisation aux entreprises et organismes d’assurance, de prévoyance, de protection sociale, de santé et de services à la personne créée en juillet 2010 sous le nom de Keen.»

Et ça tombe bien. Il y a tout plein de marchés qui vont s’ouvrir pour Keen. Celui qui s’est fait bombarder – il n’y a pas de petits revenus pour un futur jeune retraité – au Conseil Economique, social et environnemental (CESE) par Nicolas Sarkozy, n’ignore rien des opportunités de business que recèlent les interstices du paritarisme. A côté du conseil aux organismes de prévoyance, il pourra prospérer en distillant ses conseils avisés sur la cinquième branche de la sécu dont Nicolas Sarkozy a annoncé la création lors de son interview TV.
«Après trois ans passés au service de l’Etat, je souhaite reprendre mes activités d’entrepreneur et travailler au développement de ces deux secteurs, tant par croissance organique que par acquisitions: l’information d’un côté, le conseil de l’autre. Groupe AEF et Alixio, bien qu’ayant un actionnaire majoritaire commun, sont deux sociétés totalement indépendantes l’une de l’autre.»

Voilà donc une activité qui marche sur ses deux jambes, comme semble tenir à le préciser Raymond Soubie.
Et de finir sur ses autres casquettes, sources elles aussi de pouvoir:
«Par ailleurs, je continuerai à exercer mes fonctions de président du Théâtre des Champs Elysées, comme celles, toutes récentes, de président du groupe des personnalités qualifiées et de membre du Conseil Economique Social et Environnemental.»

Bon appétit Raymond la Science !

* Article publié dans l’hebdomadaire français Marianne, en date du 24 novembre 2010.

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