Kosovo. En vue des élections anticipées du 11 juin, trois cartels se forment

Hashim Thaçi et Kadri Veseli

Par Hysni Bajraktari

Il ne restait plus qu’une dizaine de minutes avant minuit, mardi 16 mai 2017, délai légal pour officialiser les coalitions en vue des élections législatives, quand la nouvelle est tombée: un choc pour les profanes, une nouvelle sans surprise pour les plus informés.

Le Parti démocratique du Kosovo (PDK) de Kadri Veseli et Hashim Thaçi, l’Alliance pour l’Avenir du Kosovo (AAK) de Ramush Haradinaj, et l’Initiative pour le Kosovo (Nisma) de Fatmir Limaj se sont associés pour les législatives anticipées du 11 juin au Kosovo. Une première depuis la fin de la guerre de 1999. Les partis politiques issus de la «branche armée» de la lutte pour l’indépendance du Kosovo envisagent donc de gouverner le pays ensemble. Jusqu’à présent, l’AAK et Nisma se positionnaient officiellement comme une «vraie opposition» au PDK.

Quelques jours plus tôt, le PDK s’était allié à Nisma pour faire chuter le gouvernement du Premier ministre Isa Mustafa (Ligue démocratique du Kosovo — LDK). «Les politiciens mettent les intérêts des citoyens du Kosovo avant leurs intérêts privés», expliquait quelques heures plus tard le vice-président du PDK, Enver Hoxhaj. Une allusion au «retrait» de son chef, Kadri Veseli, qui laisserait Ramusha Haradinaj briguer le poste de Premier ministre.

Cette «coalition des commandants» de l’UÇK a suivi l’annonce de la «coalition de la droite», conclue quelques heures auparavant entre la LDK d’Isa Mustafa et l’Alliance pour le nouveau Kosovo (AKR) de l’homme d’affaires controversé Behgjet Pacolli. Isa Mustafa avait lui-même mis en avant la candidature d’un de ses fidèles au poste de Premier ministre, l’économiste technocrate Avdullah Hoti, ministre sortant des Finances.

Seul face aux deux grandes coalitions menées par le PDK et la LDK, il y a le mouvement Vetëvendosje qui se positionne désormais comme «social-démocrate». Son fondateur et chef de file, Albin Kurti, en appelle au changement face «au crime et la corruption des partis traditionnels».

Quant à la Liste Srpska, téléguidée par Belgrade, elle ne sera plus seule dans la course pour assurer les dix mandats constitutionnellement réservés aux Serbes du Kosovo. Dirigée par Slavko Simi?, et dominée par les cadres du Parti progressiste de Serbie (SNS) du Premier ministre serbe et Président élu, Alexandre Vu?i?, elle devra désormais faire face au Parti des Serbes du Kosovo (Partija Kosovskih Srba – PKS) de l’ancien chef de Srpska, Aleksandar Jablanovi?. Les partis minoritaires non-serbes (rroms, bosniaques et turcs), qui se rallient traditionnellement au vainqueur, se partageront les mandats restants.

Quelle majorité parlementaire?

Les listes électorales comptent quelque 1,9 million d’électeurs, bien que selon le dernier recensement de 2011, le nombre d’habitants au Kosovo ne dépasse pas la barre des 1,8 million. «Cette question revient à chaque élection», explique Valdete Daka, chef de la Commission électorale. «Les listes comprennent tous les électeurs enregistrés dans les actes de l’état civil. Nous recevons les informations provenant des actes de naissance fournis par le Bureau de l’état civil. La diaspora a également le droit de vote, ainsi que toutes les personnes enregistrées.»

Ce scrutin sera le troisième depuis la proclamation unilatérale d’indépendance en février 2008, et la campagne devrait une fois de plus s’axer sur le renversement (ou non) du PDK qui dirige de facto le Kosovo depuis la fin de la guerre et de jure depuis 2007.

Plusieurs dossiers sensibles attendent le futur gouvernement. L’Associastion des municipalités à majorité serbe validée à Bruxelles dans le cadre du dialogue avec Belgrade mais rejetée par la Cour constitutionnelle du Kosovo, ainsi que les premières accusations attendues du Tribunal spécial du Kosovo, chargé de juger «les crimes graves présumés commis en 1999 et 2000 par les membres de l’Armée de libération du Kosovo (UÇK) contre des minorités ethniques et des opposants politiques» s’amoncellent comme autant de nuages dans le ciel politique kosovar.

Etant donné la loi et le système électoral en vigueur au Kosovo, la future majorité parlementaire reste difficilement prévisible. Sans oublier le fait que les coalitions inattendues de dernière minute ont souvent troublé les électeurs. Les scénarios envisageables ne sont toutefois pas nombreux: un gouvernement «musclé» des anciens comandants de l’UÇK mené par Ramush Haradinaj et dominé par Kadri Veseli, en plus de la Liste Srpska, ou bien une nouvelle «grande alliance» PDK-LDK, ou encore une percée d’Albin Kurti et d’Avdullah Hoti. Réponse le 12 juin. (Courrier des Balkans, 20 mai 2017)

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