Grèce. Le Congrès de la GSEE (Confédération Générale des Travailleurs de Grèce) dans un contexte de crise historique

Le GSEE «manifeste» dans l'ordre
La GSEE «manifeste» dans l’ordre

Par Antonis Ntavanellos

La GSEE est la Confédération unique du secteur privé, qui représente aussi des grandes entreprises qui ont été privatisées, par exemple dans le secteur bancaire. ADEDY est la Confédération du secteur public – «les fonctionnaires» – et rassemble (officiellement) 1264 syndicats du 1er niveau et 52 fédérations. On peut se rapporter, pour diverses informations en langue française concernant le mouvement syndical grec, à l’article de Christina Karakioulafis, du département de sociologie de l’Université de Crête, publié dans la revue Les Mondes du Travail, novembre 2012. Il faut avoir à l’esprit que les principaux partis politiques «historiques» – soit le PASOK, la Nouvelle Démocratie, le Parti communiste, SYRIZA – sont représentés directement dans les organisations syndicales par le biais de fractions organisées et d’un système clientélaire qui s’exprime, en particulier, dans le secteur public, avec des traces dans le secteur privé suite à des privatisations. La «crise de représentation» syndicale s’est manifestée avant même les années 2000 (baisse du taux de syndicalisation estimé à 29% en 2010 par les plus «optimistes», estimation qui est le sujet de débats); dans les très nombreuses petites entreprises, de moins de 20 travailleurs-travailleuses, la structure syndicale d’entreprise est peu ou pas présente. Sans mentionner le «déficit» d’organisation parmi les chômeurs et chômeuses, les travailleurs migrants, les jeunes précarisés, des secteurs de la main-d’œuvre féminine.

La tendance liée au PASOK (Mouvement socialiste panhellénique) se nomme PASKE. L’«effondrement» du PASOK et les attaques menées par la coalition gouvernementale, à laquelle le PASOK appartient, ont ébranlé sa représentation syndicale. La fraction liée à la Nouvelle Démocratie, le parti du gouvernement Samaras, se dénomme DAKE. SYRIZA a une présence diversifiée, dont l’Intervention Autonome (IA) est une des expressions significatives. La coalition de la gauche radicale Antarsya a une présence dans divers lieux de travail et cette présence traduit, parfois, les «nuances politiques» – ou plus – dans Antarsya. Le KKE (le PC) dirige une sorte de «front de masse syndical» nommé PAME, mais dispose aussi d’une présence dans la GSEE (avec le DAS) et l’ADEDY. (Rédaction A l’Encontre)

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Les syndicats de base, les processus de coordination, les campagnes de solidarité sont les «avancées» précieuses du moment, qui peuvent donner une signification totalement différente à l’intervention aussi bien au niveau de la GSEE que de l’ADEDY.

Dans un tournant historique pour le mouvement ouvrier, le 35e congrès de la GSEE, qui aura lieu à Alexandroupoli [la capitale de la région d’Evros en Thrace, c’est un port et un centre commercial significatif dans le nord-est de la Grèce] se développe dans l’indifférence générale.

Presque aucun des problèmes majeurs des travailleurs et des chômeurs ne parviendra à être discuté dans ses salles de réunion, à transpercer le mur de la glaciale inertie bureaucratique qui depuis longtemps prévaut dans la Confédération.

La direction de Yannis Panagopoulos dans PASKE, en alliance avec DAKE, ont imposé aux sommets des syndicats l’acceptation des politiques mémorandaires [les plans d’austérités imposés par la Troïka et leurs relais en Grèce], réduisant le rôle de la GSEE en amortisseur des soubresauts que la colère provoque dans la classe ouvrière. Les grèves générales successives ont, d’une part, été décidées sous la pression de la base, mais, d’autre part, ont été organisées de façon à ce que le mouvement des travailleurs et travailleuses ne puisse obtenir des résultats déterminants.

A la fin de cette période, les directions syndicales bureaucratiques étaient: 1) incapable de se constituer une relève ; 2) en crise profonde et définitive.

Elles sont incapables de se renouveler, même avec des pertes. Le 35e Congrès ne sera pas le reflet de la conjoncture actuelle, mais de votes éparpillés dans les syndicats, votes qui ont pu avoir lieu il y a des mois.

Le 35e congrès sera le reflet d’une représentation biaisée, renforcée par le terrorisme patronal, mais aussi par «conquête» de PASKE-DAKE (et malheureusement aujourd’hui par le PAME), qui consiste à imposer à des dizaines de syndicats des opérations frauduleuses d’une ampleur incroyable. Malgré cela, aussi bien PASKE que DAKE connaîtront des pertes, avec pour résultat que la prochaine direction de la Confédération aura pour nécessité, afin de pouvoir exercer son contrôle, la collaboration étroite de ces deux plateformes impitoyablement amies.

Pourtant, dans le même temps, PASKE-DAKE connaissent une crise profonde. Du côté de PASKE est apparue la scission d’EMEIS (Front Uni des Syndicats Puissants) à partir de syndicalistes sociaux-démocrates «radicaux» (GENOP-DEI, EK Athènes, etc.). La rupture aurait pu être encore plus profonde, si ceux qui en ont pris l’initiative avaient agi avec plus d’audace et plus vite.

Du côté de DAKE, la situation est trouble, suite aux conflits entre les partisans de Samaras «antimémorandums», et les batailles entre les «Karamanlistes» [le dernier de la dynastie étant Konstantinos Karamanlis, premier ministre du 10 mars 2004 au 6 octobre 2009] et les «samaristes».

La base s'exprime...
La base s’exprime…

Ceci n’est cependant que le sommet de l’iceberg. Le grand problème des bureaucrates est que leurs options actuelles ne peuvent mobiliser presque personne, qu’ils se trouvent davantage confrontés à l’écœurement de la grande majorité des travailleurs. Le terme péjoratif de «patrons» va aujourd’hui comme un gant au courant majoritaire de la GSEE.

PAME, qui avait théoriquement évolué sur une base anti-bureaucratique, a échoué. Dans aucun des secteurs qu’il contrôle, il n’est parvenu à montrer des exemples crédibles d’une résistance plus efficace. Il perd des forces sur le terrain, tandis que son maintien à certains postes reflète souvent des processus artificiels.

L’Intervention Autonome (IA) connaîtra une montée, mais pas équivalente au bond de SYRIZA dans la société, en termes d’audience et de résultats électoraux. Cela est dû à des difficultés spécifiques au sein des syndicats, aux conservatismes dans l’opposition à la bureaucratie, et surtout à la présence très limitée de forces organisées dans le secteur privé.

Les forces syndicales de la gauche interviendront à Alexandroupoli, représenteront leurs positions dans la prochaine direction et continueront à agir en son sein. C’est juste. Mais peu de choses sortiront de cette activité. La priorité doit être donnée à l’activité par en bas.

Le mouvement ouvrier en est revenu à l’époque où le facteur décisif est l’intervention sur le lieu de travail, le rassemblement des collègues, le potentiel pour une intervention réelle. Ce travail fera apparaître une nouvelle génération de syndicalistes, ainsi que des nouveaux syndicats. Ce facteur modifiera finalement les relations au sein des syndicats, balayant largement les cendres de la bureaucratie.

Les syndicats de base, les processus de coordination, les campagnes de solidarité sont les «avancées» précieuses du moment. Cela peut donner une configuration et un sens totalement différents à l’intervention aussi bien au niveau de la GSEE que de l’ADEDY.

Dans le même temps, une autre activité est nécessaire, au-delà du syndicalisme classique: la solidarité envers les chômeurs, l’action contre les coupes dans les dépenses sociales, la revendication d’écoles publiques, d’hôpitaux, de crèches, etc.

Cette activité doit renforcer les relations entre les travailleurs syndiqués et la «population» en général, les personnes qui mènent la bataille de la résistance populaire dans les quartiers, les écoles, les villages. Et inversement: la réorganisation des syndicats ne peut qu’être l’affaire de toute la société, de toute la gauche. Une très large campagne – ayant pour mot d’ordre «adhérez aux syndicats, exigez des syndicats, changez les syndicats» – doit se déployer partout de façon urgente.

Parce que nous savons aussi que de la «bergerie» de Yannis Panagopoulos le seul fromage qui sort est le compromis et la soumission.

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Ce texte est paru en grec sur le site de Rproject. Antonis Ntavanellos est membre de la direction de Syriza, un des animateurs de la «gauche» de la coalition Syriza et membre de la direction de DEA (Gauche ouvrière internationaliste). Cet article – qui date du 20 mars 2013 – a été traduit pour le blog Socialinfo Grèce.

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Les résultats sur Congrès du GSEE sont les suivants, selon le site web tvxs.gr

Avec de grandes pertes, 6 sièges en tout, la tendance syndicale PASKE, liée au PASOK, s’est imposée comme la première force au cours des élections du 35e congrès de la GSEE

PASKE a élu 16 représentants parmi les 45 membres de la direction de la Confédération, contre les 22 qu’elle détenait lors du précédent congrès.

Parmi les gagnants, il faut compter les tendances Intervention Autonome (Syriza) avec cinq sièges contre trois auparavant, et le débutant EMEIS (syndicalistes dissidents du PASKE), avec trois sièges.

DAS, la tendance syndicale du KKE voit aussi augmenter son influence d’un siège (passant de 9 à 10). DAKE maintient son nombre de sièges (11) qu’elle détenait dans la précédente direction de la GSEE.

Résultats selon le site du GSEE (cf. socialinfo Grèce)

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