France. Quand les fascistes tuent

3425400_4_24ca_clement-meric-sur-une-image-diffusee-par-le_10dd60737b60f87644a39a4f6dbfcd0bClément Méric, «élève modèle»,
«tué pour ses idées»

Par Mathilde Gérard

De ce jeune homme, on ne connaît qu’une photo, diffusée par le groupe Action antifasciste dont il était membre: une image en noir et blanc montrant un visage de profil, poupin, les cheveux soigneusement coiffés, la chemise à carreaux impeccablement boutonnée. Au lendemain d’une très violente altercation avec des skinheads, dans le quartier Havre-Caumartin à Paris (9e arrondissement), Clément Méric, 19 ans, a trouvé la mort, jeudi 6 juin, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. L’auteur présumé de l’agression aurait été arrêté, selon le Ministère de l’intérieur.

Originaire de Brest, il avait obtenu l’an dernier son bac S avec mention Bien après une scolarité au lycée public L’Harteloire. Le proviseur du lycée, interrogé par Le Télégramme, Jean-Jacques Hillion, a décrit «un élève brillant, je dirais même un élève modèle. On ne décroche pas un bac S avec mention Bien, pour ensuite intégrer Sciences Po Paris par hasard…» Il était «courtois et respectueux des autres, a renchéri le proviseur, pleinement engagé dans les instances du lycée, en tant que délégué ou représentant des élèves. Il était particulièrement éloquent et on sentait en lui l’âme d’un jeune homme capable d’endosser des responsabilités.»

Quatre personnes soupçonnées d'avoir participé à l'agression du jeune homme, mort de ses  blessures en milieu d'après-midi, ont été arrêtées  (Le Monde.fr)
Quatre personnes soupçonnées d’avoir participé à l’agression du jeune homme, mort de ses blessures en milieu d’après-midi, ont été arrêtées
(Le Monde.fr)

Ses parents, récemment partis en retraite dans le Gers, enseignaient le droit à l’Université de Bretagne-Occidentale (UBO, à Brest): le droit public pour son père et le droit privé pour sa mère. D’anciens étudiants ont évoqué une famille très sympathique et ouverte d’esprit, bien connue de toute la faculté de droit.

«Ce n’était pas un bagarreur»

Clément Méric s’était installé à Paris en septembre pour y poursuivre ses études à Sciences Po. A l’unisson, tous ses camarades de promotion ont parlé d’un «jeune garçon très engagé», «qui ne disait jamais un mot plus haut que l’autre», «une crème», «le type de personne que tout le monde voudrait avoir dans son entourage». «Il a été tué pour ses idées», a évoqué avec effroi un camarade de première année.

Le jeune homme, qui militait déjà quand il était lycéen et était proche notamment de la section brestoise de la Confédération nationale du travail (CNT), s’est très vite rapproché, comme étudiant, du syndicat Solidaires Etudiant-e-s Sciences Po ainsi que du groupe Action antifasciste Paris-banlieue (AAPB). L’organisation, héritière des «redskins», s’était engagée ces derniers mois en faveur de la loi sur le mariage gay. Une vidéo disponible sur le Web montre d’ailleurs le jeune homme, vêtu d’un tee-shirt orange, foulard rouge noué autour du coup, défier les partisans de la «Manif pour tous» (à 1’20 et à 2′).

Tous ceux qui ont fréquenté l'étudiant de Sciences Po, agressé mortellement mercredi dans Paris,  décrivent un jeune homme brillant, très engagé dans la mouvance antifasciste. (LeMonde.fr)
Tous ceux qui ont fréquenté l’étudiant de Sciences Po, agressé mortellement mercredi dans Paris, décrivent un jeune homme brillant, très engagé dans la mouvance antifasciste. (LeMonde.fr)

Selon plusieurs de ses proches, «il n’était pas engagé dans un parti politique», son militantisme était syndical et essentiellement axé dans la lutte contre le fascisme. «Il était très critique du Front de gauche et de l’UNEF [l’Union nationale des Etudiants de France], qui mobilisent aujourd’hui autour de son nom, a décrit Camille (dont le prénom a été changé), elle aussi militante de Solidaires Sciences Po. Tout le battage politique actuel l’aurait mis en rogne. C’est parce qu’il était militant antifasciste qu’il a été agressé.»

Lors d’une conférence de presse tenue jeudi en début d’après-midi, les membres d’AAPB ont tenu à souligner que Clément Méric «n’était pas un bagarreur, ni un monstre de guerre». C’est d’ailleurs en allant acheter des vêtements à une vente privée qu’il a été agressé, ont-ils avancé.

De nombreuses manifestations étaient prévues en fin de journée ou en soirée dans de nombreuses villes de France pour rendre hommage au jeune homme. (Article publié le 6 juin 2013 sur LeMonde.fr)

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Communiqué de SUD Solidaires Etudiants – Paris

Le mercredi 5 juin 2013, en sortant d’un magasin de vêtements, près de la gare Saint-Lazare, notre camarade Clément, syndicaliste à Solidaires Etudiant-e-s et militant antifasciste a été battu à mort par des membres de l’extrême droite radicale. Clément est décédé des suites de ses blessures,  dans la nuit, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Les étudiants de Sciences Po Paris rassemblés le 6 juin devant leur établissement en signe de recueillement vis-à-vis de leur camarade, Clément Méric
Les étudiants de Sciences Po Paris rassemblés le 6 juin devant leur établissement en signe de recueillement vis-à-vis de leur camarade, Clément Méric

La mort de notre camarade s’inscrit dans le contexte de la progression d’un mouvement fasciste violent en France et ailleurs en Europe. Sa  perte nous accable et notre douleur est encore aggravée par la certitude que nombreux et nombreuses sont celles et ceux qui, militant-e-s antifacistes, personnes exposées à l’homophobie et/ou au racisme, auraient pu et peuvent encore en être victimes.

Aujourd’hui, toutes nos pensées vont à sa famille et à ses proches à qui nous exprimons toute notre solidarité.

A la mémoire de notre camarade et ami, rendez vous à 17h aujourd’hui jeudi 6 juin au passage du havre, Métro Havre Caumartin.

Solidaires Étudiant-e-s SciencesPo

 

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Communiqué de SUD Etudiant / Précaire (Lausanne, 6 juin 2013) Pour stricte information, nous donnons connaissance d’un communiqué émis depuis l’Université de Lausanne, dont le contenu politique appartient évidemment aux signataires

L’extrême-droite radicale se renforce partout en Europe. Les actions violentes contre des militant-e-s, des syndicalistes, mais aussi les violences homophobes et racistes se multiplient. Les mouvements anti-égalitaires et anti-syndicalistes sont partout à l’offensive et tentent d’occuper l’espace public. Ils profitent d’un terreau fertile qui à force de promouvoir la discrimination, la haine et l’infériorisation de fractions entières de la société fini par légitimer les actions violentes des groupes fascistes.

Hier, c’est un camarade de Solidaires Etudiant-e-s (organisation sœur), Clément Méric, âgé de 18 ans et étudiant à Sciences Po qui a été assassiné par ces bandes, vraisemblablement par le Groupe JNR (Jeune Nationaliste Révolutionnaire). Déclaré en état de mort cérébrale à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrièr le soir même, il avait été battu à mort, à coup de poing américain, en sortant d’un magasin de vêtements près de la gare Saint-Lazare. Il était connu pour son engagement syndical et antifasciste.

C’est un jour noir pour le syndicalisme étudiant. C’est avec une profonde tristesse et révolte que nous apprenons son décès. Toutes nos pensées et notre solidarité vont à sa famille, ses ami-e-s et ses camarades. Nous appelons à soutenir massivement toutes les actions de solidarité qui auront lieu chez nos camarades français.

Cet acte barbare dévoile l’état de violence qui règne contre les militant-e-s de l’égalité. En Suisse aussi, le climat politique, la médiatisation populiste et les appels à la discrimination et au tout-sécuritaire doivent être combattus. Car les groupes de l’extrême droite radicalisé sont bien la pointe d’un processus plus vaste qui cherche sans cesse à faire taire, à promouvoir l’inégalité, et la répression contre les mouvements d’émancipation.

No Pasarán!

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