Santé. Le bruit, plus qu’une nuisance, un problème de santé publique

Trafic nocturne à Paris, le 24 novembre 2016. Il n’ y pas que les «Gilets jaunes» qui fassent du bruit sur les Champs-Elysées» (AFP/Archives)

Par Delphine Chayet

Stress, sommeil perturbé, atteintes auditives, fatigue, mais aussi baisse des capacités d’apprentissage et troubles cardio-vasculaires… Les effets nocifs du bruit sur la santé sont aujourd’hui bien démontrés par la littérature scientifique. En octobre 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a sonné l’alerte en faisant du bruit «un risque environnemental majeur pour la santé physique et mentale» en Europe. Pourtant, les pouvoirs publics n’en ont pas fait une priorité. Sommée par une directive européenne de 2002 d’élaborer tous les cinq ans des plans de prévention des nuisances sonores dans les agglomérations de plus de 100’000 habitants [il y a de nombreuses petites agglomérations à la frontière de la Suisse, par exemple, qui subissent des «nuisances sonores» terribles. Réd.], la France a déjà reçu deux mises en demeure en raison de son inaction.

• Le rapport publié hier par Bruitparif, association dont la mission est de mesurer et cartographier les nuisances sonores en Île-de-France, vient rappeler l’acuité de cet enjeu. Selon ce document de 130 pages, 90 % des habitants de la région – soit plus de 9 millions de personnes – sont exposés dans la journée à des niveaux sonores supérieurs aux valeurs recommandées par l’OMS (plus strictes que les seuils réglementaires français). Le coût économique induit est estimé à 5,4 milliards d’euros par an par les chercheurs.

La circulation routière est la principale responsable de ces nuisances. L’Île-de-France a un réseau de 40’000 km de routes, dont plus de 1000 km d’autoroutes et voies rapides. En comparaison, les trafics aérien et ferroviaire gênent un nombre plus restreint de riverains, mais ils ont un impact sanitaire individuel beaucoup plus élevé en raison de la succession des pics sonores qu’ils génèrent. La nuit, le bruit des transports diminue. Mais 87 % de la population francilienne vit tout de même dans un logement exposé à un niveau de nuisances extérieures dépassant l’un des objectifs nocturnes fixés par l’OMS.

Géographiquement, le phénomène se concentre essentiellement dans le Grand Paris. Les zones où sont implantés des aéroports, autour d’Orly, de Roissy et du Bourget, comptent aussi une forte proportion de riverains surexposés à des nuisances sonores. Vient ensuite la ville de Versailles, qui subit le bruit du trafic routier.

• «Le bruit est bien plus qu’une simple atteinte à la qualité de vie. Il est désormais considéré comme la deuxième cause de morbidité environnementale, derrière la pollution atmosphérique », souligne Fanny Mietlicki, la directrice de Bruitparif. C’est aussi un facteur de renforcement des inégalités, comme le montre le rapport, les populations les plus exposées étant généralement les plus défavorisées.

Mais ces nuisances restent sous-estimées par les pouvoirs publics, qui renâclent à intégrer la lutte contre le bruit dans leur politique d’aménagement du territoire. Des mesures concrètes peuvent être prises, leur rappellent les auteurs du rapport. Certaines supposent des investissements lourds (poser un revêtement acoustique sur les routes très fréquentées, construire des murs antibruit), d’autres demandent de l’imagination (planter des arbres et des végétaux pour limiter la diffusion du bruit) ou de la volonté politique (réduire la vitesse de circulation dans les zones les plus denses, encourager les voitures et scooters électriques, éviter la construction de logements en zone bruyante)…

• Cela ne se fera que sous la pression du grand public, qui a longtemps considéré la question du bruit comme un simple inconfort mais commence à prendre conscience de sa nocivité. Les trois quarts des habitants de la région se déclarent ainsi préoccupés par les nuisances sonores, et un Francilien sur quatre avoue avoir pensé à déménager à cause du bruit, selon un sondage. Ils sont aussi 41 % à en éprouver les effets sur leur propre santé, mentionnant la fatigue, l’irritabilité, le besoin de parler plus fort et les difficultés de concentration.

«Chacun peut agir à son niveau en réduisant son empreinte sonore, rappelle de son côté Jean-Louis Horvilleur, président du conseil scientifique de Bruitparif. Éviter de klaxonner, bien choisir son électroménager ou poser des tapis et des rideaux… Cela peut paraître mineur, mais nous avons tous une part de responsabilité – et donc un rôle à jouer pour limiter la pollution sonore. » (Tribune publiée dans Le Figaro du 9 février 2019)

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