France: une réforme très symbolique

Par Hubert Huertas

C’est l’histoire d’une souris qu’on prend pour une montagne. Une souris parce que la «réforme» des retraites adoptée hier par le gouvernement n’est qu’un ajustement, elle ne remet pas en cause les réformes des gouvernements de droite, elle entérine l’allongement à 40 ans voté en 2003 pour les fonctionnaires, puis le report de 40 à 42 ans de durée de cotisation décidé en 2010.

Ces réformes concernaient tous les Français au travail. Vingt millions de personnes au minimum. La décision d’hier en intéresse un peu plus de cent mille, donc moins de un pour cent.

• Mais c’est quand même une montagne, parce qu’elle revisite une bataille érigée en symbole.

• Nicolas Sarkozy avait fait du chiffre 60 un nombre d’or. La frontière entre le bien et le mal, et c’est cette sacralisation qui avait provoqué les plus grosses manifestations jamais enregistrées en France depuis des décennies.

• Au mois de mai 2010, quand l’allongement avait été confirmé, les cortèges avaient plafonné tout au plus à un million de personnes selon la CGT et trois cent cinquante mille selon le ministère de l’Intérieur. Le 19 octobre suivant, les syndicats en annonçaient trois millions cinq cent mille et le ministère un million cent mille.

Pourquoi cette multiplication par presque quatre?

• Parce qu’entre-temps les partenaires sociaux, comme on dit, avaient réclamé des aménagements, sur la pénibilité, les carrières longues, les femmes, ou les chômeurs âgés, mais que le pouvoir avait fait de son intransigeance une marque de fabrique.

• Peu importait que ces soixante ans soient devenus résiduels, et qu’il soit impossible ou presque, de totaliser 42 ans de cotisation avant l’âge de soixante-deux, soixante-trois, soixante-cinq ans.

• Il le fallait parce qu’il le fallait, parce que c’était un dogme, le dogme d’une espèce de religion où la foi était appelée «confiance des marchés».

• La retraite à soixante ans n’existait presque plus, dans les faits. Mais il fallait l’achever tout de suite, fût-ce en humiliant les syndicats, ces «corps intermédiaires» que le candidat sortant (Sakozy) aurait l’intention de volatiliser deux ans plus tard.

• Ainsi, c’est un symbole très symbolique que le nouveau président Hollande a voulu rétablir, en remettant par là même les syndicats dans le jeu. Ce que François Hollande a décrété, ce sont en fait les concessions que son prédécesseur a refusées bec et ongles.

• Il le fait à la veille des législatives (1er tour le 10 juin et 2ème le 17 juin). A l’électoralisme du coup de menton (de Sarkozy), il se fait fort d’opposer l’électoralisme du dialogue. Il le fait au nom de la justice, en oubliant toutefois les principales victimes de l’allongement des carrières.

• Ces victimes sont les chômeurs âgés, dont on exige toujours qu’ils travaillent plus longtemps, même s’ils sont sans emploi, et souvent sans ressources. (7 juin 2012, France Culture)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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