G20. Travailler pour se rendre insignifiant

w020160909525448077511Par Alejandro Nadal

Le communiqué final de la réunion du G20 le week-end dernier (4-5 septembre) à Hangzhou, en Chine, est anodin. Cela est explicable de par l’agenda superficiel de ce G20 face aux défis qu’affronte l’économie mondiale. Et, bien entendu, cela est dû également à la composition disfonctionnelle du G20. Les tensions politiques et commerciales entre Washington, Moscou et Pékin sont déjà bien trop fortes pour permettre qu’un tel conclave débouche sur quelque chose de constructif.

Le plus révélateur fut le document préparé pour cette réunion par le FMI, Perspectives et défis mondiaux (imf.org). Bien qu’il ait cherché à choisir soigneusement ses mots, le rapport observe que l’économie mondiale affronte un horizon plein de défis. La croissance pour cette année sera plus faible qu’en 2015 et pour 2017 le pronostic n’est pas bon.

Le FMI reconnaît que les économies capitalistes développées n’en finissent pas de sortir du marasme déflationniste. Plus de sept ans ont passé qui ont vu s’appliquer une politique monétaire flexible avec des taux d’intérêt à leur limite la plus basse sans avoir pu réactiver la demande et l’investissement. Continue de dominer un scénario de surendettement de fort nombreuses entreprises et de feuilles de bilan fragiles dans le secteur financier. Continue aussi une pernicieuse chute du taux de productivité, ce qui pourrait signifier qu’on atteint les limites de la vague d’innovations des vingt dernières années. En matière de commerce mondial domine un biais déclinant dans le volume d’échanges. Finalement, les faibles incitations à l’investissement sont accompagnées d’une intensification de l’inégalité.

Mais, pour ne pas présenter une image si négative, le FMI a recours à la vieille histoire des marchés émergents. Renaît alors ce récit de la récupération de la Chine, de l’Inde qui maintient une croissance vigoureuse et d’un Brésil où revient la confiance du secteur privé (c’est un appui au nouveau gouvernement Temer issu du coup d’Etat institutionnel et de son programme de réformes néolibérales). Cette partie du diagnostic est sans fondement et ignore les analyses plus sérieuses de la nature et des limites de la croissance dans ces marchés émergents.

Pour équilibrer sa pseudo-analyse de l’économie mondiale, le FMI conclut par ses recommandations pour sortir de la stagnation. Trois points en ressortent.

Premièrement, en matière de politique macroéconomique le FMI recommande de maintenir une politique monétaire de posture flexible jusqu’à ce que diminue la tendance déflationniste. Par exemple, en Europe il faut maintenir le taux d’intérêt à la limite zéro, ainsi que l’injection de liquidité, parce que la situation des banques reste très fragile. Et en matière fiscale, le FMI insiste sur la nécessité d’appliquer une politique d’investissement publique plus «amicale à la croissance». Quand existent des marges de manœuvre (comprenez: toujours sans abandonner l’austérité), la dépense publique doit être dirigée vers des secteurs comme l’éducation afin de diminuer l’inégalité. Certes, le lien entre les bas salaires et l’inégalité continue de ne pas exister pour le FMI. Du côté des rentrées fiscales, le FMI insiste sur le fait qu’il faut recourir aux impôts indirects (comme la TVA) parce qu’il pense qu’ils sont moins négatifs pour la croissance. Par contre, le FMI ne veut rien entendre pour ce qui a trait à l’augmentation de la charge fiscale des plus riches et préfère les impôts régressifs, bien que dans le même paragraphe il mente en affirmant que ces impôts n’affectent pas la croissance.

Deuxièmement, le FMI signale qu’il faut plus de réformes structurelles de type néolibéral. C’est-à-dire que la dérégulation et la privatisation doivent continuer. Dans le secteur financier, le FMI est préoccupé par l’apparition de tendances à la régulation des flux de capitaux, comme si le casino financier n’avait rien eu à voir avec la crise.

Troisièmement, le FMI recommande de poursuivre la promotion du programme de libéralisation commerciale. Le commerce mondial a crû à un taux décevant durant les cinq dernières années. En particulier, le commerce des biens de capital et de produits intermédiaires a baissé plus que les branches de biens de consommation à cause du taux réduit d’investissement dans les principales économies. Ce qui est nécessaire, selon le FMI, c’est renforcer l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui se languit depuis l’échec de sa ronde de négociations de Doha [suspension en 2006]. Mais c’est oublier que la dérégulation commerciale mondiale a déjà parcouru son orbite et que les accords commerciaux dans l’Atlantique et le Pacifique ne servent qu’à renforcer des éléments comme les règles sur l’investissement et sur les brevets, les marques et les droits d’auteur. Cela signifie que ce qui est recherché, c’est de durcir les structures oligopolistiques de marchés qui ne bénéficient qu’aux grandes entreprises transnationales. Assurément, rien de tout cela ne permet d’affronter le grave problème de l’énorme excès de capacité installée qui caractérise la structure des principales branches industrielles de l’économie mondiale.

Aucun des problèmes structurels de l’économie mondiale n’a donc été identifié ni traité dans les réunions du G20. Pendant ce temps, le G20 travaille avec ardeur à se convertir en une entéléchie (une entité de perfection) insignifiante. (Article publié dans SinPermiso le 10 septembre 2016; traduction A l’Encontre)

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Alejandro Nadal est économiste, membre du conseil éditorial de SinPermiso.

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