Dette publique: faut-il envisager le défaut?

Par Romaric Godin

C’est une petite phrase qui fait beaucoup jaser. Lundi 27 février, au détour de la discussion sur France Inter, Benoît Hamon, le candidat du Parti socialiste, a indiqué qu’il «faudra regarder ce qu’on pourra rembourser ou ne pas rembourser» dans la dette publique. Et d’ajouter: «Il y a une dette vis-à-vis des banquiers que nous pouvons tout à fait renégocier.» Autrement dit, le candidat de la Belle Alliance Populaire (BAP) ne propose rien de moins qu’un défaut partiel sur la dette publique, le premier depuis 1797 et la fameuse «banqueroute des deux tiers» mise en place par le Directoire.

Ceci avait évidemment de quoi provoquer les cris d’orfraies des défenseurs de la «signature française». L’argument avancé pour balayer d’un revers de main cette proposition est souvent la même: tout défaut, même partiel, s’accompagnerait d’une défiance immense envers la France de la part des marchés financiers. La République se verrait immédiatement fermer les portes de ces marchés, sauf, peut-être à court terme et à des prix prohibitifs. Ergo: la proposition de Benoît Hamon n’est pas sérieuse, et c’est la preuve que ce dernier ne veut pas gagner, etc.

Reste à savoir s’il faut écarter cette idée d’un revers de main ou s’il ne s’agit que d’une défense d’une certaine vision de la dette publique et de son remboursement visant à clore immédiatement un débat que l’on ne veut pas voir s’ouvrir. Pour savoir si la proposition d’une restructuration de la dette publique est une aberration ou non, il faut prendre un peu de recul. La dette publique française représente actuellement 96,1% de la richesse nationale. C’est certes beaucoup même si, historiquement, la France a su faire face à des situations plus critiques, comme en 1945 où la dette représente 245% du PIB. Mais l’essentiel n’est pas ce grand agrégat. L’essentiel est de savoir ce que coûte la dette publique au budget et à l’économie française.

Pas d’urgence sur la dette

Le coût de la dette au budget français s’élevait en 2016 à 44,5 milliards d’euros, soit environ 2% du PIB nominal. C’est une charge très raisonnable en comparaison de plusieurs pays voisins comme le Portugal ou l’Italie, par exemple, et qui bénéficie de l’aplatissement de la courbe des taux d’intérêt et de la baisse de ces taux, fruit de la politique de la BCE. En 2014, le service de la dette pesait encore 46,65 milliards d’euros (2,17 % du PIB nominal). A mesure que la France renouvelle sa dette, autrement dit s’endette à nouveau pour rembourser ses engagements passés, le montant de ce service de la dette se réduit mécaniquement. Remplacer un emprunt à 10 ans contracté voici dix ans, lorsque les taux demandés à la France étaient de 4,11% par un emprunt à 10 ans à 0,87%, taux moyen de ce 28 février, réduit évidemment les dépenses que la France doit consacrer à ses créanciers. C’est pourquoi le projet de loi de Finances a estimé que le service de la dette s’élèvera à 41,8 milliards d’euros cette année.

A priori, donc, la dette est «supportable». La politique la plus logique serait alors de mener une politique équilibrée visant à réduire graduellement le déficit public sans déstabiliser l’économie. L’Etat français inspire assez de confiance pour pouvoir renouveler sans peine sa dette, la profondeur de son marché de la dette est suffisante pour être un élément clé d’un portefeuille moyen d’investissement et il n’y a aucun risque de cessation de paiement, de «faillite» à vue d’homme. Bref, il n’y a aucune urgence.

Une dette qui reste un poids

Reste que si ce poids est a priori «supportable», il n’est pas neutre économiquement. D’abord parce que la situation actuelle ne durera pas éternellement. Les taux réels finiront par remonter, alourdissant à nouveau la facture, d’autant que, déficit budgétaire aidant, le poids nominal de la dette croîtra, réduisant l’effet sur les taux. Par ailleurs, les sommes consacrées au service de la dette ne sont pas négligeables, même si elles ne sont plus le premier poste de dépense de l’Etat, mais le second derrière l’enseignement scolaire (50,06 milliards d’euros prévus par la loi de finances 2017).

Si la France demeure en déficit primaire, autrement dit si les dépenses publiques demeurent supérieures à ses recettes hors service de la dette, ce dernier exerce naturellement une pression sur le budget et contraint à des mesures d’ajustement par les hausses d’impôts ou par la baisse de la dépense publique. Autant de mesures qui pèsent sur l’activité économique du pays, notamment, comme on le verra, dans le contexte du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance (TSCG), aussi appelé «pacte budgétaire», signé par Nicolas Sarkozy (lorsque François Fillon était Premier ministre) et ratifié à la demande de François Hollande (lorsque Emmanuel Macron était secrétaire général adjoint de l’Elysée) en 2012.

Sans compter évidemment les éléments politiques: s’endetter excessivement, c’est perdre de l’autonomie politique et c’est se placer sous la direction de ses créanciers. Le cas de la Grèce illustre parfaitement cette situation. S’il n’y a pas d’urgence, il est normal qu’un prétendant à l’Elysée puisse proposer des solutions pour réduire le poids de la dette et assurer l’autonomie de la politique économique du pays.

Un chemin «naturel» vers le désendettement?

Il est donc naturel qu’un tel candidat s’interroge sur cette question de la dette. Les candidats du centre et de la droite, Emmanuel Macron et François Fillon, proposent face à ce problème la méthode qui est celle promue aujourd’hui dans le cadre du TSCG au nom des «engagements européens». Ce traité prévoit une trajectoire de retour de la dette publique au niveau permis par le Traité de Maastricht (60% du PIB) par la limitation de tout déficit structurel (hors variations conjoncturelles) à 0,5% du PIB et une réduction du poids excessif de la dette publique d’un vingtième par an en moyenne. Pour la France, il lui faudra donc réduire en théorie son «surplus» d’endettement (36% de son PIB, soit environ 801 milliards d’euros) de 5% par an, soit 40 milliards d’euros par an. Les propositions d’Emmanuel Macron et de François Fillon proposent donc des baisses drastiques de la dépense publique pour rentrer dans les clous, dégager des excédents primaires et réduire le ratio d’endettement.

Une stratégie qui a échoué

Le problème de cette stratégie est cependant connu et a été démontré: la réduction violente des dépenses publiques accroît en réalité le poids de la dette plutôt qu’il le réduit. Les cas des pays du sud de l’Europe sont là pour le prouver. L’effet de cette consolidation sur la demande intérieure conduit à un recul des recettes et à un alourdissement des dépenses sociales qui, in fine, alourdissent la dette. De plus, la faiblesse de la croissance fait très souvent progresser le ratio. Les cas espagnol ou italien, pour prendre ceux des pays de grandes tailles, l’ont prouvé. Dans les deux cas, malgré des efforts considérables, les déficits sont restés élevés et la dette a explosé. Elle est passée en Italie, entre 2010 et 2016, de 115,4% à 132,3% du PIB alors que le pays dégage des excédents primaires et a réduit son déficit budgétaire sur la même période de 4,2% à 2,6% du PIB. A cela s’ajoute un autre élément: ces politiques de dévaluation interne sont déflationnistes. Elles visent à maintenir les salaires bas, voire à les réduire, ce qui réduit la demande interne. Dès lors, l’inflation est faible et, partant, le poids réel de la dette est de plus en plus élevé, contraignant à de nouveaux efforts. La récente crise de la zone euro devrait, en théorie, disqualifier ce type de solutions qui, pourtant, sont au cœur des projets des favoris à la présidentielle française.

Certes, les deux candidats espèrent que les «efforts» français décideront l’Allemagne à relancer l’économie de la zone euro, mais rien ne prouve que ce «contrat» soit possible et là encore, l’expérience espagnole, grecque et portugaise devrait tendre à la prudence sur ce chapitre.

L’arme de l’inflation et de la croissance

Dès lors, le scénario présenté comme «raisonnable» à la question de la dette ne le semble guère. Il est donc naturel d’en chercher d’autres. L’inflation et la croissance sont donc les armes les plus efficaces contre la dette publique contractée dans la devise du pays. On l’oublie souvent, mais l’explosion de l’endettement public est un fait général (pas seulement français) depuis plus de trente ans dans l’ensemble des pays développés notamment parce que les taux de croissance et les taux d’inflation de ces pays n’ont cessé de chuter. Rappelons que le taux de croissance allemand de 2016, de 1,9%, a été jugé comme «impressionnant» par nombre d’observateurs alors qu’il aurait été, dans les années 1970, jugé bien décevant.

Dans ce cadre, une politique de relance budgétaire peut, a priori, se présenter comme une arme contre la dette si elle débouche sur une vraie relance de l’activité qui dynamise la croissance et l’inflation. C’est le fameux théorème de madame Rabourdin dans Les Employés ou la Femme supérieure de Balzac, source du «keynésianisme vulgaire», un siècle avant l’économiste britannique: «le rôle d’un ministère des Finances est de jeter l’argent par les fenêtres, il lui rentre par les caves». Les observateurs s’alarment souvent de «l’explosion» des dépenses publiques prévues dans certains programmes mais, en soi, ces dépenses ne représentent rien: il convient de les rapporter à la croissance et à l’inflation créée. Evidemment, la vraie difficulté réside dans cette capacité de la puissance publique, dans le cadre de la nouvelle division mondiale du travail, à provoquer ce sursaut de façon durable.

Les écueils de la solution monétaire

A cela s’ajoute la version monétaire, défendue parfois par le Front National, mais pas dans sa version «monnaie commune» puisque l’euro restera la devise d’endettement du pays. Cette méthode consiste à revenir au franc et à relibeller dans cette devise la dette émise en France selon la fameuse «Lex Monetae», loi qui veut que la dette émise sur un territoire est libellée dans la devise qui y a cours légal. Le franc devant se déprécier fortement, la dette en francs s’en trouvera réduite d’autant. A cela s’ajoutera l’effet inflationniste de cette dévaluation qui viendra encore réduire la valeur réelle de la dette publique. C’est un moyen classique de réduction de la dette, utilisé fréquemment dans l’histoire, notamment lorsque la valeur métallique des monnaies pouvait être modifiée. Les rois de France étaient très friands de cette méthode pour ruiner leurs créanciers.

Pour autant, cette solution, qui rappelle celle des années 1920, n’est pas une solution miracle. D’abord, l’économie devra rembourser les dettes publique et privée de droits étrangers en devise, il faudra donc constituer des réserves en devises. Ensuite, cette solution ne réduit pas en soi le déficit budgétaire, ni donc le besoin de refinancement. Or, les investisseurs auront besoin de compensations à cette dépréciation pour prêter à la France sous forme de taux réels élevés. Pour faire face aux besoins en devises et en capitaux, il faudra donc relever les taux réels, ce qui aura un impact sur la croissance.

On pourra certes en appeler à la Banque de France renationalisée pour imprimer des francs et faire des avances au Trésor, mais cette méthode, on le sait, a des limites et accentue encore la dépréciation de la monnaie. Comme en 1928 lors de la création du franc Poincaré, il sera sans doute in fine nécessaire de stabiliser la monnaie et de procéder à des mesures d’austérité pour rétablir la confiance des marchés. Tout dépendra sans doute de l’effet monétaire sur la compétitivité des exportations, mais la France de 2017 n’est pas celle de 1928: elle ne dispose pas d’un potentiel productif solide et n’évolue pas dans une économie mondiale et européenne dynamique.

Le défaut, moyen fréquent de régler la dette

Reste alors une troisième solution à la dette: le défaut. C’est une méthode plus fréquemment employée qu’on ne le pense généralement en France. Le fameux ouvrage de 2009 de Kenneth Rogoff et Carmen Reinhart, Cette fois, c’est différent. Huit siècles de folie financière (Ed. Pearson, 2019) par ailleurs contestable dans ses conclusions, a eu du moins le mérite de rappeler que le défaut souverain est une donnée constante de l’histoire économique. Le cas le plus connu étant l’annulation de 1953 lors de la conférence de Londres, de la quasi-totalité de la dette allemande contractée avant-guerre, y compris des réparations dues dans le cadre du traité de Versailles, pourtant signé alors par le gouvernement du Reich. La proposition de Benoît Hamon, appuyée par Thomas Piketty, n’est donc pas l’énormité que l’on prétend, même si elle tranche dans l’histoire française contemporaine.

En revanche, il est logique que le défaut, qui est quasiment toujours partiel (il ne concerne qu’une partie des créanciers), provoque l’exclusion des Etats qui le pratiquent des marchés financiers. Les investisseurs, dans ce cas, estiment que les autorités de cet Etat ne sont pas capables de remplir leurs obligations. Ce manque de confiance est difficilement compensable par des taux, sauf à des niveaux prohibitifs. On préfère alors préserver son capital.

Que faire en cas de perte d’accès aux marchés?

Dans ce cas, tout dépend alors des besoins du pays. Si la Grèce fait entièrement défaut aujourd’hui, ce qui est présenté comme l’apocalypse par ses créanciers, elle ne perdra pas grand-chose. Déjà exclu des marchés financiers, le pays dégage un excédent primaire de 2% du PIB et n’a donc pas de besoins immédiats de refinancement. L’Etat grec pourra donc vivre comme il le fait aujourd’hui et même mieux puisqu’il pourra réutiliser tout ou partie de son excédent primaire consacré actuellement intégralement ou presque au remboursement de sa dette.

Ce n’est pas le cas de la France qui, si elle se débarrassait immédiatement de la dette, se retrouverait confrontée à un besoin de financement résiduel de 27,5 milliards d’euros (pour reprendre les chiffres du projet de loi de finances 2017), soit 1,23% du PIB. Si l’on refuse alors le recours à la monétisation de la dette par la banque centrale, qui suppose la sortie de la zone euro, il faudra réduire le déficit public de ce 1,2% du PIB et maintenir, ensuite, des dépenses en ligne avec l’évolution des recettes. En réalité, la gestion quotidienne de la trésorerie de l’Etat supposera sans doute d’avoir recours à la dette à court terme à prix très élevés et, donc, de dégager des excédents. Au final, néanmoins, l’austérité sera réelle, l’Etat aura peu de marge de manœuvre, mais cette politique reste moins sévère que celle promise par une application stricte du pacte budgétaire.

Un moratoire avant une solution en zone euro?

Reste que, comme on l’a dit, le défaut total n’intervient jamais. Benoît Hamon prétend seulement instaurer un défaut partiel et Thomas Piketty défend, lui, un moratoire sur la dette le temps de mettre en commun les dettes supérieures à 60% du PIB dans la zone euro et de bâtir une stratégie d’amortissement de ce surplus de dettes, n’excluant pas un défaut. Cette vision est logique: le problème de l’endettement est celui de la zone euro plus que celui de la France et c’est la politique menée par la zone euro dans son ensemble à partir de 2010 qui a conduit à l’explosion des dettes publiques. Néanmoins, cette dernière option paraît peu probable, car c’est une ligne rouge de la position allemande. Même les sociaux-démocrates allemands risquent de ne pas accepter cette «socialisation des dettes», y compris avec des garanties budgétaires et de «réformes» extrêmement strictes. Thomas Piketty espère pouvoir l’imposer par un «parlement de la zone euro» où les pays du sud seraient majoritaires, mais là encore, on voit mal comment un gouvernement fédéral allemand pourrait accepter de signer un tel traité. Rappelons que, dans le traité sur le MES (Mécanisme européen de stabilité), l’Allemagne a demandé un droit de veto au directoire de la nouvelle institution.

Les banques paieront?

Quoi qu’il arrive, la question sera de savoir qui faire payer en cas de défaut. Un défaut de dette n’est autre qu’une forme de redistribution de richesses: les créanciers doivent subir une perte au bénéfice de leurs débiteurs. Qui assumera ces pertes? Benoît Hamon évoque les «banques». Certes, mais nul n’est prêt à tenter une crise bancaire et cette bonne volonté risque de faire long feu. On l’a vu avec l’union bancaire: la décision de faire payer les déposants et les créanciers des banques a conduit à un détournement continuel des règles. Les banques demeurent des géants intouchables: liées entre elles par d’innombrables engagements, elles risquent de faire payer les défauts souverains par des risques de défaut sur les dépôts, sans compter l’investissement direct des particuliers dans la dette publique. Or, dans ce cas, c’est l’Etat qui devrait venir à la rescousse des particuliers. Il pourrait perdre d’une main ce qu’il a gagné de l’autre. Le préalable à ce type de défaut serait donc d’abord une réforme financière pour réduire un tel impact, mais ce serait un chantier colossal.

Une dette illégitime?

Une partie de la dette pourrait certes être annulée en vertu des concepts de «dette odieuse» ou «illégitime», souvent utilisés lorsqu’un régime non démocratique a été instauré dans un pays ou que les règles normales de fonctionnement de l’Etat de droit ont été brisées, comme par exemple dans le cas grec selon la Commission sur la dette grecque du printemps 2015. Jean-Luc Mélenchon prétend notamment pouvoir annuler 400 milliards d’euros, soit un cinquième du stock de dettes à ce titre en considérant que c’est le prix des baisses de prélèvement aux plus fortunés et aux entreprises en France depuis 2000. Mais ce concept est très contesté. Une dette illégitime doit empêcher un pays de respecter les droits humains ou doit violer les lois nationales. Ici, l’illégitimité est incertaine et donnera lieu à un combat juridique. D’autant que ceux qui ont contracté la dette ne sont pas les responsables de la baisse des prélèvements visés et n’ont pas toujours eu conscience de contracter une dette pouvant être illégitime. Il n’est pas sûr que même la justice française accepte une telle définition.

Un tabou brisé

Au final, aucune solution ne semble simple concernant la dette. Ce n’est cependant pas une raison pour ne pas ouvrir le débat et se contenter de mener une politique d’orthodoxie financière qui serait la seule possible. Certes, la France moderne s’est constituée en 1789 autour de la sacralisation de la dette publique, en opposition aux banqueroutes à répétition de la monarchie. Le 13 juillet 1789, c’est autant la crainte de la faillite que celle des soldats royaux qui ont provoqué l’insurrection. Ce jour-là, l’Assemblée constituante fermait le débat par un décret qui proclamait: «Nul pouvoir n’a le droit de prononcer l’infâme mot de banqueroute, nul pouvoir n’a le droit de manquer à la foi publique sous quelque forme que ce soit.» Mais 228 ans plus tard, le débat démocratique doit être en mesure de tout inspecter et de choisir des solutions, fussent-elles loin d’être idéales en sortant de cette sacralisation. Finalement, le débat ouvert par Benoît Hamon et Thomas Piketty aura au moins cette valeur de briser un des derniers tabous de la politique française.

Les limites du débat

Ce débat doit cependant être conscient de ses limites. Si aucune solution n’est simple et idéale, c’est qu’en réalité, le capitalisme contemporain fonctionne, depuis les années 1970, avec le carburant de la dette privée et publique, alimenté lui-même par une finance progressivement dérégulée. Le désendettement dans un tel système relève de la gageure. Il peut y avoir des cas exceptionnels et ponctuels, comme celui de l’Allemagne de 1953, mais qui ne saurait valoir règle générale. On remarque, du reste, que, très souvent, un faible endettement public s’accompagne d’un fort endettement privé (Danemark, Suède, Pays-Bas, par exemple) ou que les mesures de consolidation budgétaire ont conduit à l’explosion de la dette privée (Portugal ou Grèce, par exemple). Si le défaut peut, dans certaines circonstances, être un outil utile, il n’est pas une panacée. On oublie que la source du surendettement actuel est la crise financière de 2007-2008 bien davantage que la dépense publique elle-même. La dette n’est en réalité qu’une question secondaire, une conséquence des vrais maux de l’économie contemporaine qu’est la baisse tendancielle de la productivité et de la croissance alimentée par la financiarisation extrême de l’économie. (Article publié sur le site de La Tribune en date du 28 février 2017)

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