Inde. La récolte de la grève pour le Darjeeling

Par Julien Da Sois

Deuxième producteur mondial de thé derrière la Chine, l’Inde est secouée depuis mardi 7 août par une grève générale des ouvriers du thé, dans les plantations de Darjeeling dans l’est de l’Inde. Ils exigent une augmentation de leur salaire de 50 centimes par jour.

«Plus de 400’000 ouvriers de quelque 370 plantations participent à cette grève de trois jours» dans l’État du Bengale Occidental, a précisé à l’AFP Aloke Chakraborty, président du comité central du syndicat des ouvriers du thé. «Le salaire minimum journalier d’un ouvrier à la plantation est de 169 roupies (2,46 dollars, 2,12 €). Nous avons demandé une augmentation de 20% à 203 roupies (2,96 dollars, 2,55 €)», a-t-il ajouté.

Une inflation importante

Selon Jean-Joseph Boillot, économiste spécialiste de l’Inde au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), cette requête s’explique par l’augmentation du prix des biens de consommation courante dans le pays. «Comme l’inflation en Inde est significative, la hausse des salaires demandée vise seulement pour les ouvriers du thé à maintenir leur pouvoir d’achat», explique-t-il. D’après l’OCDE, l’inflation dans le deuxième pays le plus peuplé de la planète (avec environ 1,3 milliard d’habitants) a atteint l’an dernier 2,5%, après 5,9% en 2015 et 4,9% en 2016.

Par rapport aux travailleurs des autres secteurs, ces ouvriers profitent de l’effet de masse. «La plupart des gens en Inde travaillent dans le secteur dit inorganisé ou informel, avec très peu de possibilités de faire grève. Les plantations de thé réunissent, elles, des milliers de travailleurs sur un même lieu. Donc c’est beaucoup plus facile pour eux de s’organiser», analyse l’économiste.

Selon les médias indiens, une vingtaine de syndicats locaux soutiennent la grève. Ils n’ont pas choisi la date au hasard: elle tombe en pleine période de mousson, quand la production atteint des sommets et que les pertes financières peuvent être très importantes. Pour l’instant, les grévistes n’ont pas perturbé le travail dans les plantations de Darjeeling.

Le thé indien en pleine crise

Mais pas sûr que le gouvernement accède à la demande des syndicats. «Le secteur du thé en Inde va très mal. Les prix baissent. Les grandes compagnies, comme le groupe industriel Tata, se retirent du marché. Et puis le thé exporté s’est vu refuser l’accès à certains pays développés, aux Etats-Unis et en Europe notamment, à cause des pesticides utilisés pour le produire», indique Jean-Joseph Boillot. Un véritable problème sachant que la majorité du thé produit en Inde, comme le Darjeeling, considéré comme le champagne des thés noirs, est destinée à l’exportation. «Nous sommes sensibles à la question et essayons de trouver une solution pour augmenter le salaire minimum des ouvriers», a tout de même déclaré à la presse un ministre régional, Gautam Dev.

L’an dernier à la même époque avait déjà eu lieu une grève dans ces mêmes plantations de Darjeeling. En cause, un conflit séparatiste entre les Gorkhas, une ethnie d’origine népalaise, et le gouvernement du Bengale Occidental. Vingt-cinq syndicats de travailleurs des plantations avaient décidé de rallier cette grogne pour réclamer l’application de leur salaire minimum. Le mouvement social avait duré quatre mois, de juin à septembre, et avait fait s’effondrer la production de thé dans l’État. (Article publié dans La Croix, en date du 11 août 2018, titre A l’Encontre)

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