De Pékin aux «Panama Papers»

Au moins huit membres, actuels ou anciens, du comité permanent du bureau politique, dont des membres de la famille de Xi Jinping, disposaient de sociétés offshore - Wong Maye-E/AP/SIPA
Au moins huit membres, actuels ou anciens, du comité permanent du bureau politique, dont des membres de la famille de Xi Jinping, disposaient de sociétés offshore – Wong Maye-E/AP/SIPA

Par Alain Ruello et Yann Rousseau

Tenue étroitement par le Parti communiste, la presse d’Etat chinoise n’évoque naturellement pas ce lundi le contenu explosif des “Panama Papers” diffusé par plusieurs grands médias de la planète.

Ces fichiers, épluchés depuis un an par 378 journalistes issus de 77 pays, doivent pourtant agiter les coulisses du pouvoir à Pékin car ils mettent en lumière les activités troubles des proches de plusieurs cadres du régime dans des paradis fiscaux.

Les journalistes qui ont étudié 11,5 millions de documents provenant du cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca ont ainsi découvert que des membres de la famille ou des associés d’au moins huit membres, actuels ou anciens, du comité permanent du bureau politique, la plus haute instance politique du pays, avaient disposé de sociétés offshore. Si le contrôle de ce type de structure, qui peuvent servir à dissimuler d’importants avoirs aux autorités fiscales, n’implique pas automatiquement un comportement délictueux, la découverte de cette “pratique” dans une partie des élites politiques chinoises risque de relancer le débat à Pékin sur la réalité de la lutte contre la corruption mise en scène par l’exécutif.

Le beau-frère de Xi Jinping, la fille de Li Peng…

Les “Panama Papers” évoquent, par exemple, les activités de Deng Jiagui, le beau-frère du président chinois Xi Jinping qui a fait de cette lutte anti-corruption l’une de ses principales priorités depuis qu’il a pris ses fonctions en 2013. Epoux de la sœur aînée de Xi Xinping, Deng Jiagui est devenu l’unique actionnaire en 2009 de deux sociétés écrans dans les îles vierges britanniques baptisées “Best Effect Enterprises Ltd” et “Wealth Ming International Limited.” Les deux entités de l’homme d’affaires, qui a fait fortune dans l’immobilier, auraient été mises en sommeil lorsque Xi Jinping a accédé aux plus hautes fonctions en Chine.

Les documents du cabinet Mossack Fonseca mettent aussi en lumière le nom de Li Xiaolin, la fille de Li Peng, qui a été Premier ministre de 1987 à 1998, ou encore celui de Jasmine Li, la petite fille de Jia Qinglin, l’ancien numéro quatre du pouvoir chinois. Membre jusqu’en 2012 du comité permanent du bureau politique du parti communiste, cet ancien protégé du président Jiang Zemin a longtemps présidé la Conférence consultative politique du peuple chinois.

Un architecte français jamais inquiété

Selon les fichiers découverts, sa petite fille, qui a étudié à étudié à Stanford avant de faire carrière dans le monde de l’art, aurait “contrôlé” depuis qu’elle est adolescente une société offshore baptisée “Harvest Sun Trading Limited”. Une structure qui lui avait été officiellement “cédée” pour un dollar par un grand distributeur chinois de montres de luxe.

Si une partie des activités illégales de Bo Xilai, l’ancien ministre du commerce chinois et maire de Chongqing, avait déjà été révélée lors de sa condamnation en 2013, à une peine de prison à perpétuité pour corruption, les “Panama Papers” pointent les détails de l’ingéniérie financière montée par son épouse avec l’aide de l’un de ses proches, le Français Patrick Henri Devillers pour dissimuler des actifs de la famille. L’architecte avait ainsi aidé au début des années 2000 Gu Kailai, la femme de Bo Xilai, à mettre en place une firme aux îles Vierges britanniques afin d’acquérir en toute discrétion une prestigieuse villa à Cannes. Lors de son procès pour le meurtre d’un autre de ses associés – un Britannique – Gu Kailai avait expliqué que les millions de dollars utilisés pour payer la villa avaient été versés par un homme d’affaires que son mari avait “aidé”. Interrogé par les autorités chinoises sur son rôle dans ces affaires, l’architecte français n’a jamais été inquiété par Pékin. (Les Echos du 2 avril 2016)

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