Etats-Unis: la police antiémeute à la rescousse de Wal-Mart!

Manifestation de solidarité avec les employé.e.s en grève de  Wal-Mart

Par Carlos Enriquez

D’Obama-Romney, on en parle. De cette quotidienneté moins. Le 1e octobre 2012, quelque 600 personnes se sont rassemblées à Elwood, Etat d’Illinois, pour manifester aux côtés de 38 grévistes d’un entrepôt de Wal-Mart [chaîne de distribution avec un chiffre d’affaires en 2011 de 421,8 milliards de dollars et 16,4 milliards de bénéfices]. La structure de salarié·e·s Warehouse Workers for Justice (WWJ), appuyée par le syndicat United Electrical, Radio and Machine Workers of America (UE), a organisé l’événement.

Deux semaines auparavant, le 15 septembre 2012, les ouvriers et ouvrières avaient quitté l’entrepôt – qui fait partie de la chaîne logistique de Wal-Mart – afin de protester contre les représailles exercées à l’encontre d’employé·e·s ayant dénoncé devant la justice des conditions de travail cruelles et des manquements réguliers à l’obligation de rémunérer les heures de travail. Une personne a décrit les poursuites engagées contre les pratiques déloyales de cette entreprise comme «un emplâtre sur une jambe de bois».

D’après Bill Bailey, qui a pris part à la grève, 30 ouvriers et ouvrières (sur une centaine) ont d’abord quitté les entrepôts, rejoints ensuite par 8 autres. Pour Bailey, «cette journée va changer la donne». Les ouvriers et ouvrières d’Elwood ont franchi le pas après qu’un débrayage similaire a eu lieu en Californie du Sud, chez un autre exploitant d’entrepôts Wal-Mart.

Les grévistes, bien qu’ils aient pour employeur Schneider Logistics et ne soient pas des employé·e·s directs de Wal-Mart, sont convaincus que leurs mauvaises conditions de travail sont le fait de Wal-Mart. Ce dernier est en train de créer un modèle que les autres entrepôts des géants de la grande distribution sont obligés de suivre. Depuis longtemps, Wal-Mart a la réputation de tout faire pour obtenir de ses divers fournisseurs des mesures de réduction des coûts et des prix cassés, et les exploitants d’entrepôts de l’entreprise ne font pas exception.

La petite ville d’Elwood, à une heure de route au sud-ouest de Chicago, est «l’une des plaques tournantes du commerce d’importation les plus importantes de la planète», comme le dit l’un des ouvriers de l’entrepôt.

Le Syndicat international des employés du secteur des services (Service Employees International Union, SEIU) et Chicago Jobs With Justice ont affrété des bus de Chicago à Elwood pour transporter des sympathisants. Différents groupes étaient présents, parmi lesquels le syndicat des enseignants de Chicago (Chicago Teachers Union), Workers United, United Food and Commercial Workers, Action Now, Stand Up Chicago, Arise, Occupy Chicago, ainsi que d’autres coalitions et d’autres campagnes de lutte contre les abus commis par le géant de la grande distribution.

La manifestation, qui s’est tenue deux semaines après l’entrée en grève des ouvriers et ouvrières, avait en fait été prévue depuis longtemps par le groupe WWJ, qui voulait braquer les projecteurs sur les conditions de travail désastreuses dans ces entrepôts.

De nombreuses personnes ont pris la parole pour décrire les mauvais traitements qu’inflige Wal-Mart aux travailleurs et travailleuses: les conditions extrêmes à l’intérieur des entrepôts, où le thermomètre oscille de 48°C (120°F) en été à des températures négatives en hiver, les discriminations sexuelles et raciales, les heures supplémentaires impayées et d’autres prélèvements indus sur les salaires – en tout, Wal-Mart doit plus d’un million de dollars à ses employé·e·s – sans oublier les traumatismes, les électrocutions et autres accidents qui ont entraîné des blessures, voire la mort de certains.

Un des orateurs a expliqué comment l’entreprise a obligé un ouvrier victime d’un accident très grave à se soumettre à un test de dépistage des drogues avant de le laisser partir pour l’hôpital.

Le taux de rotation des salarié·e·s est si élevé que Mike Compton, qui travaille dans cet entrepôt depuis plus de trois mois, se décrit déjà comme un «vétéran» – un phénomène directement lié aux conditions de travail épouvantables et aux représailles exercées par l’entreprise contre les personnes qui ont osé dénoncer le problème.

«Pour eux, nous ne sommes que des corps, explique Compton. Ils se fichent de notre santé. Pour eux, il faut toujours mettre les bouchées doubles. Ils ne sont jamais satisfaits.»

Bob Kinglsey, directeur de l’UE, s’est exprimé à propos des entreprises dont le pouvoir ne cesse de croître et des combats que tous les travailleurs et travailleuses doivent mener pour combattre cette dynamique. Il a ajouté que l’UE était déterminé à soutenir la campagne des Warehouse Workers for Justice.

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Après le rassemblement, les manifestants ont pris la direction de l’entrepôt et ont défilé en entonnant des slogans tels que «Hey, hey, ho ho, poverty wages have to go!» (Les salaires de misère, ça suffit), «Wal-Mart is unfair, all we want is our fair share!» (Wal-Mart n’est pas réglo, toute ce qu’on veut, c’est notre part du gâteau) et «What’s Wal-Mart have to hide? Sweatshop products made inside» (Qu’a donc Wal-Mart à cacher? Du travail de forçat).

Arrivé devant la grille d’entrée, un groupe de 17 personnes composé d’ouvriers, d’ouvrières et de sympathisant.e.s, parmi lesquels des membres de la communauté religieuse et des militant.e.s, se sont assis au milieu de la route pour bloquer l’entrée et empêcher les convois d’approvisionner le centre de distribution. Ils ont entonné le célèbre hymne des droits civiques «We Shall Overcome», repris en chœur par les 600 personnes venues les soutenir.

Il n’a pas fallu longtemps à la police d’Elwood pour qualifier cette action d’«illégale». Des agents de police en tenue d’intervention sont arrivés sur les lieux, suivis d’un véhicule blindé muni d’un dispositif à ondes acoustiques de longue portée (LRAD) – un genre de canon qui projette des sons à un niveau douloureux, voire dangereux pour disperser les manifestants. La police a menacé de faire usage de gaz lacrymogènes et d’autres moyens «moins létaux» s’ils refusaient de lever le camp.

Après être restée un court moment à distance, la police a arrêté un à un les 17 manifestants. On est cependant en droit de se demander pourquoi la police devrait arrêter des manifestants pacifistes qui réclament justice au lieu de la direction de l’entrepôt qui a imposé des conditions de travail dures au point de causer régulièrement des blessures, des maladies voire la mort.

Cette démonstration de force disproportionnée de la part de la ville d’Elwood, Illinois, ne doit rien au hasard. Situé au cœur d’une aire d’entreposage gigantesque – l’une des plus grandes concentrations d’entrepôts de la planète avec ses 50 km2 et les 150’000 personnes qui y travaillent – ce site n’est pas un entrepôt comme les autres.

En outre, l’intimidation a toujours été la solution privilégiée par Wal-Mart et d’autres géants de la grande distribution face à un individu, un syndicat ou tout autre élément perçu comme une menace pour leurs recettes.

Les ouvriers et ouvrières des entrepôts sont également conscients de ce qui se joue. Curtis Tucker, ouvrier de l’entrepôt, n’est pas dupe: «Nous n’attirerions pas autant de monde sur un parking d’Elwood, Illinois, si ce que nous faisions n’était pas unique.» (Traduction A l’Encontre)

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Cet article a été publié sur le site socialisteworker.org, site animé par l’ISO (Etats-Unis)

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