Etats-Unis. «75 000 employé·e·s de Kaiser Permanente ont entamé la plus grande grève du secteur des soins»

La formule «ULP Strike» renvoie à une grève de protestation contre une «unfair labor practice»: «pratique déloyale» par la direction, ici lors de négociations.

Par Sharon Zhang

Plus de 75 000 d’employé·e·s de la santé des hôpitaux Kaiser Permanente [groupe de soins intégrés gérant 39 hôpitaux et des centres de soins] à travers le pays ont commencé à faire grève mercredi matin 4 octobre, lançant ce que le syndicat considère comme la plus grande grève de l’histoire des Etats-Unis dans le secteur de la santé, après que le contrat des salarié·e·s a expiré samedi sans qu’aucun nouvel accord ait été conclu [pour quatre ans].

Les grévistes sont essentiellement concentrés en Californie, bien que des milliers de salarié·e·s aient également débrayé dans l’Oregon, l’Etat de Washington et le Colorado pour une grève qui devrait durer trois jours. [Selon CNN du 5 octobre: «la Coalition syndicale de Kaiser a déclaré qu’elle prévoyait une grève plus longue en novembre si un nouveau contrat de travail n’était pas négocié d’ici là».] Conjointement, environ 400 employé·e·s à Washington, D.C. et en Virginie ont débrayé pendant une journée. Les grévistes sont notamment des infirmiers et infirmières qualifiés, des techniciens des services d’urgence, de la radiologie, des services d’échographie et des pharmaciens.

Comme les salarié·e·s engagés dans les récentes autres grèves dans le secteur de la santé, les employé·e·s de Kaiser sont exaspérés par les problèmes de sous-effectifs et affirment que la direction de Kaiser semble négliger les soins aux patient·e·s à l’avantage des profits. Ils/elles se disent surchargés de travail et incapables de répondre correctement à toutes les sollicitations de leurs patients en raison de leur nombre élevé et des contraintes strictes de temps.

«Les dirigeants de Kaiser refusent de nous écouter et négocient de mauvaise foi les solutions dont nous avons besoin pour mettre fin à la crise du manque de personnel chez Kaiser», a déclaré Jessica Cruz, infirmière professionnelle diplômée du centre médical de Kaiser Los Angeles, dans une déclaration. «Je vois les inquiétudes de mes patients lorsque je dois les presser et me dépêcher de passer au patient suivant. Ce n’est pas le genre de soins que je veux donner. Nous nous épuisons à essayer de faire le travail de deux ou trois personnes, et nos patients souffrent lorsqu’ils ne peuvent pas recevoir les soins dont ils ont besoin à cause du manque de personnel de Kaiser.»

Les syndicats représentatifs des salarié·e·s [Coalition of Kaiser Permanente Unions représente 85’000 membres, la coalition réunit quatre syndicats] se battent également pour une augmentation des salaires. En août, ils ont revendiqué un salaire minimum de 25 dollars de l’heure, avec des augmentations de 7% durant les deux premières années et de 6,25% les deux suivantes [la direction propose un maximum de 4% d’augmentation chaque année pendant quatre ans]. Kaiser a proposé des salaires minimums de 21 et 23 dollars de l’heure [1], en fonction du lieu de travail, et le mois dernier a mis en avant un système salarial à deux niveaux [différence entre nouveaux embauchés et anciens]. Les syndicats affirment que des salaires plus élevés dans tous les secteurs du groupe Kaiser pourraient attirer davantage de salarié·e·s et contribuer à atténuer les problèmes dits de pénurie de main-d’œuvre.

La pandémie a eu un impact considérable sur les effectifs du secteur de la santé dans tout le pays et celui-ci n’a pas encore réussi à s’en remettre. Keven Dardon, chargé de la réception et de l’orientation médicale des patients dans le centre médical Sunnyside de Clackamas, dans l’Oregon, a déclaré au Guardian du 3 octobre que son service avait été réduit de 60 à 40 employé·e·s pendant la pandémie. Dès lors, les patients doivent maintenant faire face à de longues files d’attente et à des retards lors de leur rendez-vous. «L’hôpital et les consultations médicales que nous avons ici en ont vraiment souffert. C’est pour cela que nous nous battons. Les employé·e·s de première ligne exigent que les dirigeants de Kaiser Permanente viennent à la table des négociations. Nous avons proposé des solutions pour résoudre le problème du personnel, nous avons fait des tonnes de propositions, mais nos dirigeants ne nous écoutent pas, ils ne viennent tout simplement pas négocier pour ne serait-ce que prendre en considération ces propositions.»

La Coalition des syndicats de Kaiser Permanente affirme que les dirigeants de Kaiser pourraient résoudre ces problèmes s’ils le voulaient. Rien qu’au cours des six premiers mois de cette année, Kaiser Permanente a réalisé un bénéfice de 3 milliards de dollars et a déclaré avoir réalisé plus de 21 milliards de dollars de bénéfices au cours des cinq dernières années. Pendant ce temps, 49 de ses dirigeants reçoivent un salaire annuel de plus d’un million de dollars. (Article publié sur le site Truthout le 4 octobre 2023; traduction rédaction A l’Encontre)

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[1] Rocio Chacon, représentante syndicale dans le comité de négociation, déclare que de nombreux employé·e·s n’ont pas les moyens de se loger dans les villes où ils travaillent en raison de l’augmentation du coût de la vie, et certains d’entre eux se résignent à dormir dans leur voiture. «A l’heure où nous parlons, des infirmières dorment dans leur voiture pour deux raisons. D’une part, elles ne peuvent pas faire face au coût de la vie ici et doivent donc se déplacer, ce qui implique deux ou trois heures de route. D’autre part, en raison du manque de personnel, elles travaillent 14 ou 16 heures et sont donc fatiguées. La “solution” est donc de rester dans leur voiture du lundi au vendredi.» – CNN, 5 octobre (Réd.)

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