Pérou. «Ollanta Humala a choisi la droite économique»

Ricardo Napuri
Ricardo Napuri

Entretien avec Ricardo Napuri
conduit par Mario Hernandez

Mario Hernandez: L’idée de cet entretien est d’actualiser le contexte politico-social dans ton pays, le Pérou, en profitant notamment de ton récent passage là-bas. Mais il y a certainement des événements que tu voudras commenter, notamment ceux autour de Evo Morales, le président de Bolivie, et la décision du gouvernement péruvien de ne pas participer au Sommet de Cochabamba [«sommet anti-impérialiste et anticolonialiste» qui s’y est tenu fin juillet-début août 2013].

Ricardo Napuri: Non seulement le gouvernement péruvien n’a pas participé à ce sommet, alors même que Ollanta Humala [Président du Pérou apprécié par Jean-Luc Mélenchon] par est actuellement le président de Unasur [Union des Nations Sud-américaines, dont le traité constitutif a été signé en 2008 à Brasilia], mais en outre, ce qui est encore plus grave, il n’a même pas pris l’initiative de le convoquer. On ne peut comprendre qu’il agisse de la sorte qu’en analysant la situation politique.

Il y a trois ans, Ollanta se déclarait nationaliste. J’ai dit à l’époque qu’il était un nationaliste progressiste, car il se présentait avec un programme nationaliste et il s’appuyait sur des bases populaires, contrairement aux autres candidats à l’élection présidentielle: Keiko Fujimori [fille de Fujimori], Toledo (un agent états-unien), Kusinski (états-unien qui se présentait comme étant péruvien) et Castañeda (un homme de droite). Ollanta s’est notamment engagé à défendre les communautés indigènes et l’environnement, à soutenir les droits citoyens, à essayer de récupérer les 4’000 millions de dollars de profits abusifs encaissés par les entreprises minières pour les redistribuer sous forme d’aide sociale. Mais une fois arrivé au gouvernement, malgré sa volonté d’effectuer des changements ou d’appliquer des réformes, Ollanta s’est heurté à la structure du pouvoir réel.

Au Pérou, il existe une oligarchie conservatrice traditionnelle, plus importante que l’oligarchie bolivienne, qu’on appelle «la rosca» [la clique] et le poids des entrepreneurs miniers y est considérable. A tel point qu’on dit qu’ils ont négocié un investissement de 60’000 millions de dollars en projets miniers. C’est ainsi que Humala s’est très vite vu obligé de choisir entre le respect de ses promesses électorales et la pression des groupes oligarchiques, surtout miniers, qui exploitent de manière génocidaire les communautés paysannes et les régions au mépris de l’environnement. Il a finalement opté pour la droite économique, en introduisant au gouvernement des agents des Chicago Boys, de l’économie nord-américaine et de ces entreprises minières au détriment des gens de gauche qui l’avaient aidé à accéder au pouvoir.

Ses décisions – dont la non-convocation au Sommet de Cochabamba et son absence – sont en rapport avec ses engagements auprès de ladite Alliance du Pacifique qui lie le Chili, la Colombie, Panama, le Mexique et maintenant le Costa Rica, aux Etats-Unis, en opposition à Unasur et au Mercosur, que les Etats-Unis considèrent comme un front hostile, ou semi-hostile, à leurs intérêts dans la région. Ollanta Humala est donc devenu un agent de cette Alliance du Pacifique, dirigée par les Etat-Unis, et dont l’objectif est d’empêcher les gouvernements dits progressistes de continuer à faire des avancées dans ce que nous pourrions appeler une résistance limitée aux excès de l’exploitation du capitalisme aussi bien national qu’étranger.

MH: Les conseils d’un certain ex-trostskiste qui lui est proche ne sont probablement pas étrangers à cette décision?

napuriRN: J’ai longuement traité la question de Luis Favre [soit le «trotskiste» auquel fait allusion MH ; il ne doit pas être un inconnu pour Mélenchon, vu leurs «liens», passés, avec le courant dit lambertiste en France – du nom de son dirigeant historique: Lambert] – frère de Jorge Altamira [dirigeant du Partido Obrero d’Argentine] – dans mon livre Pensar América Latina [Ed. Herramienta, Buenos Aires, 2010].

Il s’agit d’un personnage qui, malgré ses antécédents trotskistes, s’est converti au capitalisme. Il a été engagé comme conseiller par Humala dans la dernière phase du processus électoral, au moment où il entrait dans une impasse, puisqu’il lui manquait 10% de voix pour gagner le deuxième tour des élections.

Le Brésil lui a alors dépêché Favre, un proche de Lula et qui a fait une carrière politique importante en tant que conseiller de ce type de droite [Parti des Travailleurs]. Favre est mouillé dans toutes les affaires de corruption, y compris au Brésil. Tout comme l’Equatorien Duran Barba, conseiller de Mauricio Macri [grand capitaliste argentin à la tête du gouvernement de Buenos Aires], Favre est devenu un expert en la matière. Il a conseillé Humala d’abandonner son programme électoral en faveur d’une nouvelle feuille de route et d’une politique de concessions pour gagner les votes de la classe moyenne la plus conservatrice. Il a finalement eu gain de cause. Humala a, d’une part, abandonné son programme initial de résistance aux investissements étrangers, de réduction des profits des entreprises minières et du versement de quelques 4’000 millions de dollars pour des programmes d’aide. Humala s’est également débarrassé de tous les conseillers et amis de l’ancienne gauche qui l’avaient élevé à sa position dans le cadre politique national.

Il est évident que ces conseils de Luis Favre étaient en lien non pas avec son passé d’ex-militant trotskiste, marxiste, mais avec son rôle en tant qu’agent du capital et de représentant économique des entreprises monopolistiques brésiliennes au Pérou.

Maintenant son rôle devient moins important, dans la mesure où l’épouse de Humala, dont il devait aussi être le conseiller, ne se présentera finalement pas comme candidate à la présidence. Malgré sa conversion en agent du capital, le fait que cet ex-trotskiste devienne le conseiller non seulement du président de la République, mais également de la candidature de sa femme a également suscité une forte opposition.

MH: Dans quelques jours la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye devrait rendre son verdict sur litige ayant trait à la frontière maritime entre le Pérou [qui a saisi la CIJ en janvier 2008] et le Chili, litige qui date de la guerre de 1879 [la Guerre du Pacifique, qualifiée aussi de guerre du nitrate qui opposa Chili, Pérou et Bolivie].

RN: Il ne s’agit pas de la Guerre du Pacifique, mais d’une zone maritime de pêche. Ce n’est pas comme le cas de la Bolivie, qui a demandé de pouvoir récupérer les 400 km perdus au cours de cette guerre. Le Pérou réclame 400 miles maritimes qui sont en dispute avec le Chili.

MH: Comment cette situation est-elle vécue? Y a-t-il des discussions?

RN: Au Pérou cette affaire n’a pas suscité beaucoup d’émotions car ce sont les intérêts qu’imposent les Etats-Unis à l’Alliance du Pacifique qui l’emportent. Ainsi, malgré la controverse, le Pérou a des rapports amicaux avec le Chili et les deux gouvernements ont déclaré qu’indépendamment de l’issue du litige ils s’en tiendront à l’alliance réactionnaire impulsée par les Etats-Unis face aux gouvernements dits progressistes en Amérique latine. D’ailleurs, je pense que, comme c’est habituellement le cas à la Cour de La Haye, le jugement sera un match nul.

MH: La semaine dernière on a appris que le premier des deux réservoirs d’eau exigés par le gouvernement péruvien pour permettre le démarrage du projet aurifère par l’entreprise Yanacocha, dont le principal actionnaire est l’entreprise états-unienne Newmont, avait été complété. Ce projet minier, soutenu par le gouvernement péruvien, se situe au nord du Pérou, à 4’000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Dès qu’ils l’ont appris, des milliers de paysans s’y sont rendus pour manifester leur opposition au démarrage de ce projet. Ils y ont construit des huttes pour pouvoir rester sur place le temps nécessaire pour faire aboutir leur cause: «Nous sommes plus de 5’000 paysans à nous mobiliser autour de la lagune pour éviter que la construction du projet Conga ne la détruise» a expliqué le dirigeant Milton Sanchez. [voir à ce sujet le dernier article publié à ce sujet sur ce site en date du 6 juin 2013]

Dans le rapport dont nous avons pris connaissance on mentionne aussi l’incident qui s’est produit à Bagua en 2009, alors que Alan Garcia [dernière présidence juillet 2006 – juillet 2011] gouvernait encore le pays, quand l’opération policière pour expulser des indigènes a entraîné 33 morts, dont 23 policiers et 10 indigènes. Ayant ainsi posé le cadre, j’aimerais que tu nous parles de ce projet minier qui a dégénéré et entraîné la mort d’un grand nombre de civils.

RN: Comme je le disais tout à l’heure, on a promis au Pérou un investissement de 60’000 millions pour développer l’extraction minière. Mais il s’agit là d’un investissement sauvage dans la mesure où aucune mesure n’est exigée pour protéger l’environnement. Et ce n’est pas comme si l’affaire de Conga était un événement isolé. C’est une constante dans notre pays. Si cet investissement devait se concrétiser, nous aurons 3, 4, 5 Congas. N’oublie pas que, à Conga, il y a eu cinq morts et quarante et un blessés.

Ce qui est inquiétant c’est que le candidat choisi pour remplacer Humala à la présidence est justement le général Oscar Valdez, qui était ministre lors de la tuerie de Conga et dont l’essentiel du programme consiste à garantir – au besoin d’une «main dure» – cet investissement multimillionnaire. Selon Valdez, les événements de Conga étaient un avertissement. Il accuse de gouvernement d’avoir capitulé devant les manifestants et de n’avoir pas permis que Yanacocha, une entreprise états-unienne, fasse ce qu’elle avait prévu à l’origine.

Ollanta Humala
Ollanta Humala

Le mouvement de résistance a été important, il a même donné naissance à un mouvement politique dont le responsable dans la région de Cajamarca, Salas, se présente comme candidat à la présidence de la République.

Pour comprendre le cas de Conga, il faut le situer dans le contexte du drame de tous les pays miniers et qui subissent l’agression des tels investissements sauvages avec le consentement de leurs gouvernements. J’ai déjà évoqué comment Ollanta Humala a capitulé en renonçant aux engagements pris avant son élection. Le cas de Conga est celui de tous les pays miniers en Amérique latine qui vont souffrir ou souffrent actuellement du même problème. Correa, en Equateur, par exemple, tout en se prétendant progressiste, se montre favorable à l’exploitation de ces richesses minières. Son argument est fondé sur le fait que le pétrole cessera d’être la principale recette au niveau national et que les entreprises étrangères n’auront d’autres solutions que de s’engager dans l’extraction minière. Comme beaucoup d’autres dirigeants qui défendent ce type d’exploitation, Correa se heurte à l’opposition de communautés paysannes. Il faut savoir que cette exploitation minière n’est pas «propre», elle ne profite pas à l’Etat national ni aux citoyens. Elle soumet le pays, des secteurs entiers de la population et des travailleurs à une exploitation des plus cruelles.

En effet, l’objectif des investissements miniers est la recherche d’un maximum de rentabilité, et contrairement à ce que prétendent leurs porte-parole ils ne créent pas d’emplois. Cette exploitation minière peut être effectuée avec peu de main-d’œuvre parce qu’il s’agit de mines à ciel ouvert, exploitées avec des techniques modernes nuisibles pour l’environnement. En détruisant l’environnement qui fait vivre les communautés locales ce type d’exploitation les prive de leur droit de vivre.

MH: Tu as fait allusion dans une discussion à la formation du Frente Amplio de Izquierda (FAI). J’ai lu les déclarations d’un des principaux instigateurs du FAI, le Dr Antonio Zapata Velasco, qui disait: «Nous encourageons les aspirations des gens à s’enrichir en termes de liberté». Dans mes lectures, j’ai constaté qu’on tente d’établir le lien entre la création du FAI et la candidature de Alfonso Barrantes à la mairie de Lima avec la Gauche unie (IU) en 1983 [il exerça son mandat de 1984 à 1987 ; IU s’est dissoute comme parti en 1992]

Je suis étonné qu’on ne parle pas du Front ouvrier, paysan, étudiant et populaire (FOCEP) auquel tu as participé en 1978. Ma question serait: quels rapports existe-t-il entre d’une part ce FAI qui s’est formé en vue des prochaines élections municipales et régionales en 2014 et celles présidentielles de 2016, et d’autre part l’IU le FOCEP?

RN: Tu as déjà donné le contexte. En fait, il y a très peu de rapports. L’IU était un front d’organisations de gauche, dont la majorité d’origine marxiste: des maoïstes, le Parti communiste, étaient des groupes militants et il y avait des militants qui se revendiquaient socialistes et marxistes. Barrantes a été le maire de Lima au nom de ce front de gauche qui avait un programme socialiste.

Il y a encore moins de rapports entre le FAI et le FOCEP. En 1978, nous avons formé le FOCEP avec des organisations trotskistes, des dirigeants des mineurs, des organisations sociales et d’étudiants, ce qui était inhabituel dans la vie politique latino-américaine et péruvienne. En outre notre programme était effectivement socialiste. Le FAI, par contre est un front de circonstance auquel participe par exemple l’ex-ambassadeur en Argentine, ministre du cabinet de Toledo, conseiller de Ollanta Humala et qui a maintenant été déplacé.

La majorité des participants au FAI sont issus de la gauche, mais ils se sont recyclés et sont devenus ce que nous pourrions appeler la« gauche capitaliste», ce qui est très différent de la gauche socialiste et marxiste. Le FAI est un front strictement électoral, formé par des ex-collaborateurs de Ollanta Humala, qui ne leur avait pas donné la possibilité de s’exprimer politiquement dans son Parti nationaliste. Certains ont même occupé des postes au gouvernement. Ce front, qui n’a pas d’objectif socialiste ou de gauche, s’assume en tant que force progressiste à l’intérieur de l’ordre capitaliste du pays. Il n’a donc rien à faire ni avec le IU et encore moins avec le FOCEP que nous avions constitué en vue des élections à l’Assemblée constituante en 1978.

Le Che et Ricardo Napuri, à Cuba
Le Che et Ricardo Napuri, à Cuba

MH: Revenons à une réalité plus en lien avec l’Argentine: tu avais dénoncé l’ex-dictateur Jorge Videla pour t’avoir appliqué le Plan Condor [plan initié par Pinochet qui a mis en place une internationale – réunissant des militaires du Chili, de l’Argentine, de l’Uruguay, du Paraguay, de Bolivie, du Pérou – de la répression, de l’assassinat, de la torture contre des opposants qui trouvaient «refuge» dans un pays voisin; en mars 2013, un procès s’est ouvert contre 25 militaires Argentins et un Uruguayen à Buenos Aires]. Maintenant que Videla est mort [le 17 mai 2013], où en est restée cette procédure?

RN: Je faisais partie d’un groupe de treize personnes, en majorité des candidats à l’Assemblée constituante péruvienne dont je viens de parler. C’était à un moment de bouleversements sociaux, avec une grève générale, et le gouvernement du dictateur Morales Bermudez était en train de tomber victime de ses propres contradictions. Mais dans un dernier geste désespéré, ce dernier a lancé une vague de répressions contre 4 ou 5’000 militants et dirigeants syndicaux. C’est à ce moment-là que Hugo Blanco, d’autres dirigeants paysans et moi-même avons été séquestrés. Nous avons été emprisonnés par le Régiment 8 et après avoir reçu une raclée, nous avons été ligotés aux sièges d’un avion avec vingt policiers qui pointaient sur nous leurs mitraillettes. Ils nous ont remis au Régiment de Montagne dans la province argentine de Jujuy. Tout cela s’est passé en 1978, à la veille du Championnat mondial de football. Cela faisait partie intégrante du Plan Condor. L’Opération Condor était le résultat d’un accord entre les dictatures des pays sud-américains, une campagne conjointe qui avait pour objet de réprimer leurs opposants et créer une coordination contre-révolutionnaire au service des Etats-Unis, qui avaient impulsé cette opération.

Il y a trois ans j’ai porté plainte contre Videla et le dictateur péruvien. Il y a deux ans, le juge Noberto Oyarbide avait statué en ma faveur. En deuxième instance, la procédure devait passer à la Chambre d’appels, mais Videla est mort et le verdict n’a donc pas été appliqué. Mais au Pérou les choses se sont passées autrement, parce que dans le réquisitoire de Oyarbide, il y a le lancement d’un mandat d’arrêt international contre Morales Bermudez, qui aurait dû être jugé en Argentine comme on l’avait demandé à l’époque, avec Pinochet. La Cour suprême péruvienne s’est rapidement prononcée dans le sens de la territorialité, autrement dit Bermudez serait jugé au Pérou pour que la justice internationale ne puisse pas intervenir. Si l’ex-dictateur péruvien sort de l’Argentine, il sera immédiatement arrêté. Il y a un mois je me suis rendu au Pérou pour réactiver cette procédure en cours et nous espérons qu’il y aura une condamnation.

Dans le cas argentin on m’a dit que la chose ne s’arrêtera pas là et qu’il y aura une série d’autres procès en rapport avec le Plan Condor. Actuellement le juge Garzon [de l’Etat espagnol] s’y est intéressé et il est en train d’étudier la question. Mon avocat, Pablo Llonto et d’autres juristes sont en train de réfléchir à une réactivation de l’affaire malgré la mort de Videla. Ils ont l’idée de l’ajouter au dossier central de manière à ce que cette affaire fasse partie du jugement final de l’Opération Condor qui devrait être prononcé au cours de ces prochains mois.

MH: Avant de clore cet entretien, encore une dernière question. J’ai appris que l’ex-président Alan Garcia avait commué les peines de 5’500 personnes, dont celles de 400 narcotrafiquants. Que peux-tu me dire là-dessus?

RN: Oui, les narco-trafiquants paient des pots-de-vin de 10 à 20’000 et jusqu’à 500’000 dollars pour qu’on les sorte de prison. C’est justement pour cette raison que Garcia est jugé.

MH: Y a-t-il des chances pour qu’il aille en prison?

RN: Difficile à dire parce qu’il y a beaucoup de corruption dans la politique péruvienne, ainsi que de grandes combinaisons entre les éléments réactionnaires. Les partisans de Fujimori, par exemple, s’associent avec ceux de l’Alliance populaire révolutionnaire américaine (APRA), autrement dit avec Alan Garcia. Ensemble ils constituent une force majoritaire dans le Parlement.

MH: Avec 37 membres…

RN: En outre, le gouvernement de Humala, qui est minoritaire, a le soutien de Toledo, qui est également jugé parce que sa belle-mère a acheté des propriétés dans le pays d’une valeur de plus de 200 millions de dollars.

L’ex-président Fujimori est en prison, mais Ollanta Humala a failli le gracier, seule la réaction des libéraux, surtout de Vargas Llosa et celles à un niveau international, l’en ont empêché.

Il y a des alliances et des accords pourris entre tous ces gens, il n’y a donc aucune garantie qu’Alan Garcia, qui s’est déjà annoncé comme candidat à la présidence et qui a lancé son programme de gouvernement, puisse être incarcéré par une Cour suprême qu’il a lui-même nommée. Comme tu le vois, d’importants instruments de pouvoir sont en œuvre. Il ne faut pas se faire trop d’illusions sur l’existence d’une justice ou un contexte politique capables d’empêcher la libération de Fujimori ou d’incarcérer Toledo pour vol et Alan Garcia pour complicité avec les narcotrafiquants. S’ils ont pu amasser des énormes fortunes c’est grâce à des accords non seulement avec les narcotrafiquants, mais également avec la DEA (Drug Enforcement Administration) et grâce aux pots-de-vin pour les investissements miniers étrangers.

Voilà le contexte de ce que nous pourrions appeler la vie politique officielle au Pérou, qui est parmi les plus corrompues d’Amérique latine. (Traduction de A l’Encontre)

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L’entretien a été réalisé pour l’émission de la radio Flor de la canela et publié le 3 août 2013. Ricardo Napuri, militant marxiste-révolutionnaire péruvien, vivant actuellement en Argentine, a été député de l’Assemblée constituante en 1980 et sénateur. Il est né en 1925 à Lima. Plus d’une fois dans sa vie militante il fut contraint à l’exil et arrêté par les forces de police. Ainsi, en mars 1973, le gouvernement du «militaire progressiste» Velasco Alvarado l’a déporté au Chili; en septembre 1973, suite au coup d’Etat de Pinochet, il fut contraint de chercher refuge en France. En mai 1978, le général Morales Bermudez, maître du Pérou, l’a fait séquestrer et déporter en Argentine, d’où il réussit à rejoindre la France. Sa vie militante ne cessa d’être marquée par l’engagement, la réflexion critique, mais tout autant par le refus de la compromission. Un militant attachant pour tous ceux qui le connaissent. (Rédaction A l’Encontre)

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