Nicaragua. 2019: la phase post-Ortega

La Commission permanente des droits humains au Nicaragua (CPDH) a reçu 30 plaintes, au cours de la première semaine de janvier, concernant des arrestations totalement illégales.

Chronique depuis San José

1.- Depuis avril 2018, l’épicentre du pouvoir, la structure constitutionnelle, est irréversiblement touché. A partir de ce moment, la viabilité du développement national est nulle et non avenue avec Ortega-Murillo au pouvoir.

2.- En d’autres termes, il y a eu un tournant, la société nicaraguayenne s’est réveillée et a revendiqué ses droits politiques et sociaux qui avaient été usurpés.

3.- Les partis politiques ou les partis «satellites» du FSLN ont été exclus du processus social en cours. Ils se sont révélés être des mercenaires du système.

4.- Il n’y a pas moyen de sortir de la crise sociopolitique avec le maintien du schéma politique et économique d’alliance du grand capital avec le gouvernement Ortega-Murillo.

5.- Dans le champ de la politique nationale nicaraguayenne, il y a beaucoup de simulations, c’est comme un bal masqué: tous les politiciens traditionnels prétendent une chose alors qu’en réalité ils agissent différemment.

6.- Le régime Ortega-Murillo est terminé, mais le nouveau gouvernement n’est pas encore né. Cette phase de transition est caractérisée par un désordre institutionnel. Ortega-Murillo restent au pouvoir, mais ils ne gouvernent pas, ils se maintiennent sur la base de la répression.

7.- La plupart des firmes sont en faillite, elles ont perdu environ 80% de leur capital. La débâcle économique aura des conséquences négatives sur la viabilité du régime Ortega-Murillo.

8.- Beaucoup d’entre nous pensent que les banques, dans les conditions actuelles, entreront dans une crise irréversible en mars 2019. L’argent va encore sortir des banques et du pays.

9.- La crise du système financier national peut forcer les grandes entreprises à faire pression sur le régime Ortega-Murillo pour qu’il recherche une solution négociée. Son erreur stratégique a été de ne pas négocier dès le début de la crise sociopolitique ouverte en avril 2018.

10.- Le mois de janvier 2019 est important, il y a plusieurs dates importantes qui marqueront l’avenir immédiat du Nicaragua :

  • Le 1er janvier, Bolsonaro a assumé la présidence du Brésil. Sur le plan politique, Bolsonaro est un mélange, pour faire court, de Trump et Pinochet, ce qui perturbe le rapport de forces en Amérique latine.
  • La réunion du Conseil permanent de l’OEA (Organisation des Etats américains), les 10 et 11 janvier, pour discuter, entre autres, du Venezuela a une importance continentale. L’isolement international du régime Maduro s’accélère rapidement : 13 pays d’Amérique latine, l’Union européenne et les États-Unis ne reconnaîtront pas le gouvernement Maduro [l’abstention de Lopez-Obrador a été nécessaire dans sa négociation tendue avec l’administration Trump]. L’affaiblissement du Venezuela a des répercussions négatives sur le Nicaragua, puisque c’était une source clé, malgré la réduction massive, de financement et d’aide pétrolière.
  • La réunion de l’OEA, à l’ordre du jour du 11 janvier, a inscrit la possibilité d’appliquer la Charte démocratique au Nicaragua. Les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) sont déterminants pour son approbation ou non.
  • L’annonce du pape François le 7 janvier dernier en faveur d’une négociation comme solution politique à la crise nicaraguayenne implique que l’épiscopat nicaraguayen assumera cette position face au régime, mais avec moins de marge de manœuvre pour Ortega-Murillo.
  • Une plus grande fragilité du régime due à l’aggravation de la crise économique sans pouvoir la résoudre du fait de sa dépendance face aux IDE (investissements directs étrangers), de l’absence d’une banque nationale fonctionnant, et parce que le régime ne comprend pas (ou ne peut ou ne veut pas comprendre) qu’il y a un changement de géopolitique mondial qui s’exprime dans une régionalisation des zones d’influence entre les Etats-Unis et la Chine, et y compris partiellement par la Russie en termes militaires.
  • La politique états-unienne envers l’Amérique du Sud est configurée sur le schéma d’une sorte de doctrine militarisée de James Monroe [elle est explicitée dans un discours de 1823 et mise en pratique antérieurement, mais, avec le maximum de force, entre 1891 et 1912]; par conséquent, penser à la possibilité de quitter la sphère d’influence américaine est une illusion sans aucun fondement.
  • Un isolement international accru du Nicaragua et un affaiblissement accéléré des pays de l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les Amériques).

11.- Nous sommes entrés dans la phase post-Ortega, une phase de transition qui peut être de courte durée en raison de l’aggravation de la récession économique, de la crise de l’ensemble du système financier et de l’isolement international accru.

12.- Pour cette raison, 2019 commence dans l’incertitude, avec des perspectives d’avenir atroces: plus de chômage, plus de pauvreté, plus de crise sociale, plus de crise économique. Beaucoup d’incertitude, de scepticisme et de manque de confiance. (San José/Costa Rica, 8 janvier 2019; traduction A l’Encontre)

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PS A l’Encontre: Dora María Téllez, ancienne commandante du FSLN, a vu sa maison attaquée et partiellement détruite. Dans une lettre accompagnant la plainte déposée contre la famille Ortega-Murillo, elle affirme: «Le régime est à bout de course.» (El Nuevo Diario et Infobae)

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