Brésil. «Nous avons besoin de rediscuter le modèle de société avant de déterminer une réforme politique»

1d94f442b8c1c6b7924faa4274501ab0Entretien conduit par Valeria Nader et Gabriel Brito avec Jorge Luiz Souto Maior

Nous sommes encore dans la chaleur de la vague de manifestations qui nous permettent de croire dans la possibilité de changement d’orientation pour le pays, en dépit du désarroi qui affecte encore les gouvernements constitués [à l’échelle des Etats et de l’Etat fédéral, ou des grandes villes] ,  même pas capables de renoncer à la répression militaire dans les rues, et qui sortent des tiroirs des propositions qui y dormaient depuis longtemps, mises maintenant sur la table avec une rapidité inédite.

Pour discuter et commenter un peu sur le mois qui a ébranlé les structures du pays et aussi sur la réforme politique divulguée aujourd’hui [le 24 juin Dilma Rousseff annonce un référendum sur une «réforme politique»] et offerte maintenant avec enthousiasme par Dilma Rousseff, le Correio da Cidadania a interviewé le juriste et professeur de l’USP (Université de São Paulo) Jorge Luiz Souto Maior.

Pour Souto Maior, le moment actuel «restera pour l’histoire comme un événement de rupture, de transformation de la part de la société brésilienne, qui ne sera jamais plus la même, c’est certain. Les institutions brésiliennes, qui ont subi fortement le poids de la manifestation populaire, ne seront plus les mêmes non plus», résume-t-il.

Le juriste souligne cependant, que les manifestations populaires exigent, dans leur fond, une intervention sociale plus grande de l’Etat, dans le sens d’organiser et promouvoir adéquatement les services publics essentiels. Mentionnant en outre que les signes donnés jusqu’ici par le gouvernement dans ce sens sont très génériques, il lance un avertissement important quant au thème sur lequel le gouvernement s’est le plus penché jusqu’ici, celui aussi qui a reçu la couverture médiatique la plus grande, celui de la réforme politique: «Nous avons besoin de discuter le modèle de société que nous voulons pour déterminer la mesure de l’action que nous voulons de la part des politiques et du gouvernement. Je pense que la question, d’une actualité pressante, de l’intervention plus active de l’Etat dans les thèmes qui relèvent des droits sociaux et de l’économie, est quelque chose de plus important que celle de déterminer simplement la forme de l’élection des politiques.»

Quant à l’idée d’une Assemblée Constituante pour mener à bien une réforme politique, que celle-ci soit instituée d’une manière ample – une manière justement de réaliser une révision plus profonde du modèle de société que ce soit d’une manière plus spécifique – convoquée sous forme d’un Amendement Constitutionnel, en accord avec la Constitution – Souto Maior ne la perçoit pas comme opportune. «Je crois que cette réforme politique peut avoir besoin d’une constituante, mais la proposition partielle – en dehors d’un contexte disons révolutionnaire – et dans le cadre pur et simple d’un ajustement du modèle de société actuelle, est très dangereuse, dans la mesure où on ouvre par là la porte à la fragilité de la Constitution comme un tout, tant en ce qu’elle a de mauvais comme en ce qu’elle a de bon. Et la Constitution de 1988, il est important de le rappeler, fait partie d’un pacte de reconstruction de la société brésilienne, sous la forme d’un Etat Social Démocratique , qui en réalité n’a pas encore été mis en œuvre (…) Nous avons encore besoin d’appliquer réellement la Constitution de 1988.»

Le juriste ne craint pas finalement qu’il y ait des reculs, car, par-dessus tout, le peuple a pris les rues pour mettre en avant ses revendications urgentes, comme il y a bien longtemps on ne le voyait pas. «De telles revendications de masse représentent une espèce d‘enterrement de la logique  néolibérale» complète-t-il, ajoutant que le moment actuel doit être vu aussi sous la perspective de la crise internationale du capitalisme et de son modèle de production et de société, en dernière analyse  l’authentique mèche de la révolte.

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Voici l’entretien complet avec Jorge Luiz Souto Maior

Correio da Cidadania: Comment appréciez-vous et que signifie dans votre analyse le développement des événements politiques depuis le début des manifestations jusqu’au moment actuel?

Le professeur de Droit de l'USP, Jorge Luis Souto Maoir, en «débat» avec la police
Le professeur de droit de l’USP, Jorge Luis Souto Maior, en «débat» avec la police

Jorge Luiz Soto Maior: J’évalue très positivement ce moment, parce que c’est la démonstration claire et évidente que les personnes, en général, ont perçu que toute mobilisation a besoin de luttes. Et surtout la population a utilisé la mobilisation directe pour défendre avec plus de force une plus grande intervention de l’Etat dans la vie sociale, dans le sens de l’amélioration des services sociaux. D’une certaine manière, le moment actuel représente un peu une sortie de cette situation que nous avons vécue jusqu’ici, d’isolement, d’individualisme et d’un certain égoïsme, apportant un peu des valeurs de solidarité dans cette société qui en a tellement besoin. Je vois tout ce qui est arrivé  de façon très positive du point de vue démocratique , politique et aussi par sa connotation sociale forte.

Correio da Cidadania: Pensez-vous que le moment le plus effervescent connaît déjà un recul, un refroidissement?

Jorge Luiz Souto Maior: L’effervescence est encore présente, mais je trouve – pour ce que j’en ai vu directement – qu’elle a tendance à diminuer. Non pas que je veuille que le volume des manifestations diminue. De toute manière, ce qui est arrivé, ne restera pas dans l’histoire comme quelque chose de simplement passager. Cela restera pour l’histoire comme un moment de rupture, de transformation de la part de la société brésilienne, qui ne sera plus jamais la même, cela est certain. Les institutions brésiliennes qui ont subi fortement le poids de la manifestation populaire ne seront pas non plus les mêmes.

Le sentiment de force, acquis par les manifestations, ne sera pas perdu non plus à l’avenir. Il y a eu beaucoup de conquêtes concrètes, même si les revendications étaient assez diversifiées. Il y a eu des conquêtes et des pas en avant concrets qui s’annoncent encore comme possiblement plus grands encore comme nous pourrons le voir à travers une éventuelle réforme politique. Par conséquent, ces avancées futures seront une démonstration claire que les mobilisations sociales sont importantes.

Correio da Cidadania: Qu’auriez-vous à dire des réactions et des mesures qu’ont prises les élus, les maires, les gouverneurs et la présidente de la République ?

Jorge Luiz Souto Maior: Je trouve que les réactions des gouvernants, indépendamment des partis – eux tous, c’est important de le dire – démontrent une évolution face aux manifestations, manifestant exactement l’avancée du mouvement. Parce que dans un premier moment, les gouvernants ont méprisé la force des mobilisations ou ont voulu les étouffer, utilisant de vieilles stratégies de répression. Et ils ont dû changer d’attitude, ils ont été forcés de changer d’attitude face aux événements qui se sont succédés et qui sont devenus une «nouvelle mondiale», les amenant à prendre des mesures concrètes en faveur des revendications, au moins pour une partie d’entre elles [prix des billets rétablis à l’ancien niveau, promesse concernant l’investissement dans l’éducation, en pourcentage des revenus du pétrole et gaz (à plus de 2000 mètres de profondeur) – ce qui risque d’être un miroir aux alouettes, tant la rentabilité effective du pétrole pre-sal est un point d’interrogation, sans mentionner qui contrôlera ces revenus. Rédaction A l’Encontre].

Cela montre, par conséquent , que les mobilisations représentent beaucoup de victoires et l’une d’elles est exactement celle-ci: l’évolution des propres gouvernants face aux mobilisations sociales, acceptant maintenant le défi du futur en relation à ce qui doit arriver maintenant. Parce que les questions qui sont en jeu le sont pour à court terme, elles sont sur le point d’arriver, tout au moins si on en croit le discours des politiques eux-mêmes.

Quelle sera l’attitude des gouvernants face aux mobilisations sociales, avec des revendications plus impératives et plus urgentes, venues des périphéries des villes, des classes sociales, surtout des travailleurs et travailleuses? Les mouvements sociaux qui, en grande partie, sont criminalisés, ont maintenant une importante possibilité d’être vus à travers leurs revendications démocratiques, sociales et aussi leurs mobilisations, donnant une impulsion au dialogue et à l’évolution concrète des accords sociaux, politiques et économiques. Nous allons voir comment tout cela va se passer. En principe, il semble qu’il y aura nécessairement des avancées.

Correio da Cidadania : En ce qui concerne les mesures annoncées précisément par la présidence de la République, en matière de santé, éducation, transports et système politique, comment les avez-vous reçues en général?

Jorge Luiz Souto Maior : il est évident que quelques-unes des solutions exigées par les revendications, concernant la santé publique, l’éducation publique et surtout le transport gratuit, ne peuvent être résolues du jour au lendemain. De toute manière, le gouvernement a présenté quelques solutions qui ne sont pas ni définitives ni satisfaisantes. Il convient de vérifier à partir de maintenant l’efficacité de telles mesures sur un court temps afin que nous comprenions si effectivement elles représentent une quelconque avancée en relation avec les revendications populaires.

Personnellement je ne sais dire si les mesures officielles vont y conduire; je trouve qu’il faut que soient faites des propositions plus importantes, plus larges, plus définitives. Même ainsi, ceci est une vérification à être faite immédiatement, pour que nous sachions si quelqu’une de ces annonces représente une évolution. Personnellement, je crois qu’il s’agit de propositions trop génériques et nous aurions besoin de définitions plus concrètes.

Le débat vient à peine commencé et il a besoin d’être approfondi ; il n’est pas possible d’en rester à peine à la promesse qu’une partie déterminée des royalties du pétrole seront destinées dans le futur – un pourcentage X du budget – à l’éducation et à la santé. Il est nécessaire de savoir combien en seront données de fait, à l’éducation, à la santé, et comment cet argent va être effectivement employé, quelles sont les politiques concrètes pour viabiliser l’éducation publique de qualité et l’accès à celle-ci, dans l’enseignement primaire, secondaire et supérieur.

Comment sera en fait l’accès à la politique, à l’éducation, à la santé publique, surtout face aux intérêts privés dans le domaine de la santé et aussi de l’éducation?

Ce sont des questions suffisamment importantes à aborder et à traiter et il est insuffisant de les aborder sous le seul angle des sommes qui y sont consacrées. Il est nécessaire de savoir concrètement comment et si l’argent sera utilisé, quelles seront exactement les politiques pour la résolution du cadre actuel des problèmes, etc.

Correio da Cidadania: En ce qui concerne  de nouvelles dispositions qui doivent être prises, la réforme politique est le thème sur lequel le gouvernement a porté toute son attention jusqu’à présent et celui qui a reçu  la couverture médiatique la plus grande – et pour ce résultat, la présidente Dilma Rousseff a annoncé l’Assemblée Constituante – est  tellement critiquée qu’elle est déjà abandonnée. Comment voyez-vous la nécessité et l’urgence de promouvoir une réforme politique dans notre pays?

Jorge Luiz Souto Maior: Je ne connais pas profondément cette question. J’ai vu et lu pas mal de choses en général de personnes mettant en avant la «réforme politique» comme une manière capable d’apporter des bénéfices pour le pays, avec pour perspective celle d’améliorer les formes de représentation.

Je vois des discussions sur comment les hommes politiques pourraient représenter plus démocratiquement la société, comment l’élection pourrait être faite de manière à trouver des représentants ou politiques mieux connectés à la volonté populaire.

De toute manière, je ne sais pas si cela suffit. Nous avons besoin de discuter de quel modèle de société nous voulons, pour déterminer ce que nous attendons des hommes politiques et du gouvernement. Je pense que la question, qui est déjà à l’ordre du jour, de l’intervention plus active de l’Etat dans des thèmes qui ont à voir avec les droits sociaux et à l’économie est quelque chose de plus important que le fait de déterminer la forme de l’élection des hommes politiques.

Il semble que l’on coure le risque de considérer tous les problèmes vécus dans la société en général, comme produits de la politique et de sa représentation, comme si les problèmes découlaient seulement de la classe politique et des partis, négligeant les discussions plus importantes sur la crise économique nationale et mondiale, qui exige l’examen du modèle de production capitaliste. C’est-à-dire qu’ il manque la perspective économique et sociale qui dépasse l’action collective, pure et simple, des politiques.

La société a besoin de participer plus activement du débat concernant le modèle d’organisation et de gestion de sa vie, étant donné la stagnation vécue au niveau mondial par le mode de production capitaliste, ce qui par conséquent nécessite au minimum une reconfiguration, débouchant sur une réévaluation profonde.

Correio de Cidadania:  Toujours sur ce qui concerne la réforme politique: beaucoup plaident qu’une Constituante serait plus effective qu’un instrument limité, comme le plébiscite. Pour beaucoup c’est une modalité très opportuniste. Il existe depuis ceux qui défendent une Constituante très large – une manière justement de mener à bien une révision plus profonde du modèle de société – jusqu’à ceux qui proposent une «Assemblée constituante spécifique (qui révise) convoquée conformément à la Constitution, par Amendement Constitutionnel, pour relier les institutions politiques de la République au peuple, qui est le pouvoir constituant réel» ainsi que l’a clamé le gouverneur du Rio Grande do Sul, Tarso Genro. Comment prenez-vous position dans ce débat ?

Jorge Luiz Souto Maior: Pour ce que j’en ai vu, en termes de nécessité, le moment de réaliser une constituante paraît ne pas exister. Je crois que cette réforme politique peut nécessiter une Constituante, mais la proposition partielle  – hors d’un contexte disons révolutionnaire – dans le cadre purement et simplement d’un ajustement du modèle de société actuelle est très dangereuse. Cela dans la mesure où elle ouvre la porte sur la fragilité de la Constitution comme un tout, tant dans ce qu’elle a de mauvais que dans ce qu’elle a de bon. Et la Constitution de 1988, c’est important de le rappeler, a fait partie d’un pacte de reconstruction de la société brésilienne, sous la forme d’un Etat Social-démocratique, qui en réalité n’a pas encore été implanté. Je penche beaucoup de ce côté: nous avons, en fait, encore besoin de mettre en œuvre con concrètement la Constitution de 1988 dans la société, en réalisant des améliorations profondes dans la vie quotidienne, à travers elle.

Manifestation à Rio de Janeiro le 24 juin 2013
Manifestation à Rio de Janeiro le 24 juin 2013

Je souligne que l’amélioration de l’actuel modèle de société a besoin d’autres évaluations, a besoin d’une participation nouvelle, d’un nouveau pacte qui aurait besoin d’être très discuté, profondément pensé et imaginé, cela passant par une évaluation profonde de la société brésilienne. Et utiliser simplement une Constituante, dans une perspective  partielle, sans une discussion plus ample, cela n’est pas le meilleur chemin.

Activer le plébiscite suggéré par la présidente me paraît préférable et plus adéquat, car il peut provoquer aussi des effets notables, attirant dans ce cas les personnes dans la rue pour ouvrir un débat politique concret, élevant le niveau de la discussion. Cela a un effet important. Il y a quelques argumentations  contraires au plébiscite, car il existe des questions complexes qui concerneraient le vote direct de la population. Mais je crois que de ce point de vue il y a un certain préjugé quant aux possibilités de compréhension de la société en général, concernant ses propres problèmes.

Je pense que la société d’aujourd’hui, surtout les étudiant·e·s et les jeunes, est très apte et rapide dans la compréhension des choses, beaucoup plus intelligente qu’elle ne l’a été dans le passé et assez engagée, même s’il y en a beaucoup qui disent le contraire, que ces jeunes se trouvent là pour rien. Cela n’est pas vrai. Il y a une certaine sous-estimation sur ce que représente ce mouvement politique pour les jeunes. Je crois, donc, qu’ils sont eux, assez aptes pour conduire la discussion.

Correio da Cidadania: Abordons quelques détails d’une éventuelle réforme politique; on parle de vote par district, de vote proportionnel sur des listes fermées, de financement public de la campagne parmi d’autres aspects. Que pouvez-vous développer sur ces points ou que prioriseriez-vous comme éléments essentiels pour une réforme politique dans le pays?

Jorge Luiz Souto Maior: Si je dois choisir un point , il me semble que la question du financement public de la campagne est le plus important à être relevé. Mais, en fait, tous les points mentionnés ont leur importance.

Correio da Cidadania: Croyez-vous que le moment actuel crée des circonstances politiques favorables pour mener à bien une réforme politique qui, même circonscrite à l’ordre bourgeois, ait une marque plus progressive, qu’elle combatte fermement «la privatisation des mandats» [allusion au système d’intrication entre élus et business], et par conséquent qu’elle puisse contrarier les propres intérêts du système économique en vigueur ?

Jorge Luiz Souto Maior: J’ai l’impression que oui. J’ai l’impression que les forces sociales ou la conscience actuelle tendent, réellement du côté de la revendication sociale, des droits sociaux et une intervention plus active de l’Etat dans l’économie et dans la réalité sociale, dans le sens de la diminution des inégalités, évitant la diminution des droits sociaux comme nous sommes en train de le vivre.

Je crois que la société tendra vers une réforme qui vise ce qu’elle ne connaissait pas, et non seulement la réaffirmation d’un modèle économique néolibéral, ce que, en fin de compte, a montré le moment actuel. Je pense que de telles revendications de masse représentent une espèce d’enterrement de la logique néolibérale.

De ce point de vue, les gens ne peuvent qu’être optimistes pour ce qui viendra. De toutes les manières, que l’on soit pessimiste ou optimiste, je pense que le problème n’est pas celui-là. Je pense que nous devons nous donner la chance de connaître à fond la société dans laquelle nous vivons. Il n’y a pas à avoir peur de ce qui sortira des manifestations populaires, car en fin de compte, nous avons besoin de connaître à fond notre société.

Correio da Cidadania: Que pensez-vous, finalement, qu’il puisse arriver avec le développement de ces intenses événements des dernières semaines, à court et moyen terme?

Jorge Luiz Souto Maior: C’est très difficile à imaginer. Il est déjà difficile de comprendre le présent, plus difficile encore de prévoir le futur. Si nous avions conversé il y a un mois, je me risque à dire que nous ne serions pas ici dans cette conversation, avec tous les faits qui ont déjà eu lieu. En réalité, non seulement la société brésilienne, mais le modèle de société mondiale, va à grands pas vers l’état de stagnation, vers le chaos même. Il suffirait d’allumer la mèche pour que les choses se présentent, plus précisément en ce qui concerne la réalité sociale. C’est ce qui a fini par arriver, d’une certaine forme la prévision n’était pas si difficile à faire. Mais, prévoir ce qui va se passer maintenant, après tout ce qui vient d’arriver, c’est difficile. L’unique chose que je puisse dire, avec une grande sûreté, c’est qu’ il n’ y aura pas de marche arrière, la situation pousse devant nous, en avant.

La pire lecture que l’on puisse faire c’est de dire que tout va revenir à la situation antérieure, au statu quo ante, que rien de tout cela n’a valu la peine, que cela a été seulement un feu de paille. Cela n’arrivera pas et je crois que, effectivement, cette prévision par contre est possible à faire. Mais savoir jusqu’où va la limite est d’une grande difficulté parce que je trouve que les problèmes identifiés ne seront pas résolus rapidement et que l’insatisfaction va demeurer, d’autres problèmes de nature sociale vont tendre à se manifester, même encore dans le cadre de l’actuelle logique économique.

La revendication vient toujours à l’intérieur d’une autre perspective économique, celle d’avancer sur les droits des travailleurs. Si cela se répète, de quelle manière les travailleurs réagiront-ils, de quelle manière la société va-t-elle se mobiliser contre, comment se comporteront les mouvements sociaux, revendiquant un logement, revendiquant la justice sociale, revendiquant de meilleures conditions de vie, de travail, comment les réponses seront effectivement données, c’est toute une dynamique qui est à l’ordre du jour, encore sans conclusions.

Il s’agit d’une dynamique qui va générer des effets multiples et imprévisibles. Parce que de toute manière, feindre que ces choses ne sont pas en train de se passer, ainsi que nous le faisions jusqu’ici, agissant comme si la société était en pleine cohésion, bien unie à partir d’un bien commun etc… ce n’est plus une position soutenable. Dans un certain sens, la société est unie, mais dans ce cas, pour la recherche d’une autre société, une société qui surmonte tous les problèmes posés et identifiés. Il n’est plus possible de feindre que de tels problèmes n’existent pas. Comment les personnes mobilisées se contenteraient, éventuellement, d’une non-solution des problèmes, voilà quelque chose qu’on ne peut pas prévoir. Mais certainement une telle dynamique continuera à se développer. (Traduction de Jean Puyade pour A l’Encontre; article publié dans Correio da Cidadania le samedi 6 juillet 2013)

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Valeria Nader, journaliste et économiste, est éditrice du Correio da Cidadania; Gabriel Brito est journaliste.

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