Brésil. Le chômage monte à 12,7% et frappe 13,4 millions de personnes

Jair Bolsonaro et Paulo Guedes

Par Juan Luis Berterretche

Entre janvier et mars 2019, 13,4 millions de personnes étaient à la recherche d’un emploi au Brésil, soit 1,2 million de plus que les chômeurs enregistrés lors du trimestre précédent (octobre-décembre 2018), durant lequel le taux de chômage était de 11,6%.

La mesure précédente de l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE) pour le trimestre de décembre 2018-février 2019 a révélé un taux de chômage de 12,4%. Les mises à pied ont donc augmenté tout au long du trimestre.

Les secteurs qui ont enregistré les plus fortes pertes d’emplois sont l’administration publique, la défense, la sécurité sociale, l’éducation, la santé, les services sociaux et la construction, selon l’IBGE.

L’agence a noté qu’au dernier trimestre, le Brésil avait un taux record de sous-utilisation de sa main-d’œuvre de 25%, c’est-à-dire qu’un quart de la main-d’œuvre est sous-utilisé. Il y a 28,3 millions de chômeurs, de personnes sous-employées (moins de 40 heures d’activité par semaine) ou de personnes disponibles pour travailler mais incapables de trouver un emploi pour diverses raisons: par exemple, ne pas avoir d’argent pour voyager à la recherche de travail.

C’est le taux de sous-utilisation le plus élevé depuis le début de la série en 2012. Elle a également enregistré 4,8 millions de personnes «découragées», qui ont cessé de chercher du travail en raison d’échecs répétés dans leurs recherches. Il s’agit d’un nombre record dans la série. Le plus grand nombre de personnes «découragées» se trouvent dans l’Etat de Bahia: avec 768’000 personnes, et dans l’Etat Maranhão (capitale São Luis) avec 561’000 Brésiliens qui ont abandonné la recherche de travail.

En ce qui concerne le temps passé à chercher du travail, au Brésil, 45,4% des chômeurs étaient à la recherche d’un emploi depuis un mois à moins d’un an et 24,8% depuis deux ans ou plus.

La situation du marché du travail a un impact direct sur la confiance des consommateurs, qui réduisent le niveau de consommation en fonction de l’incertitude des perspectives d’emploi. Les entrepreneurs, pour leur part, évitent d’augmenter les investissements dans ce scénario économique national désastreux.

La chute du PIB

La baisse du Produit intérieur brut est de 0,2% au premier trimestre de 2019 par rapport au dernier trimestre de 2018.

Il s’agit de la première chute depuis le 4e trimestre de 2016. Elle était prévisible pour le «marché», confirmant sa lecture qui corroborait toutes les opinions économiques sérieuses, principalement de l’opposition la plus radicale qui considère désastreuse l’inutilité du gouvernement Bolsonaro et son équipe ignorante ainsi que de son ministre de l’économie «spéculative» Paulo Guedes. Ce dernier est un personnage exclusivement dédié à l’agiotage financier avec sa banque BTG Pactual et à travers ses 30 sociétés de spéculation parasitaire dans les paradis fiscaux.

Cette baisse du PIB résulte en partie de l’impact du crime brutal de Vale à Brumadinho [voir sur ce site l’article consacré à «cet accident»] et du recul de l’agriculture, de la baisse des investissements et du recul de la construction civile. Il s’agit du premier résultat trimestriel négatif depuis le quatrième trimestre 2016 (-0,6%).

Examinons les données :

  • L’industrie a chuté: -0,7%, le pire résultat depuis le 4e trimestre 2016, la chute avait été de -1,8%.
  • L’industrie extractive: -6,3% (un recul record).
  • Agriculture: -0,5%, le pire résultat depuis le troisième trimestre 2017.
  • Investissements: -1,7%.
  • Construction civile: -2%.
  • Exportations: -1,9%.
Rupture du barrage de Vale dans la région de Brumadinho (Etat du Minais Gerais)

Parmi les principaux secteurs, c’est l’industrie qui a connu le plus fort recul. Cette contraction est la conséquence directe de l’industrie extractive (fer), qui reflète principalement les catastrophes criminelles de l’entreprise Vale. Surtout la rupture du barrage de la mine Córrego do Feijão à Brumadinho (Etat du Minais Gerais). Avec un bilan supérieur à celui de la catastrophe précédente dans le troisième bassin hydrologique du pays, le Rio Doce, qui a fait 19 morts. A Brumadinho, 236 des 300 personnes disparues sous une marée de boue empoisonnée et de déchets miniers avaient déjà été identifiées en mai.

Dans l’immédiat, d’autres crimes possibles contre l’environnement sont mis en évidence, comme le risque actuel de rupture imminente d’une digue de la mine Congo Soco à Barão dos Cocais – à 100 km de Belo Horizonte – où le dragage de boue et de déchets miniers le long du fleuve Sao João est en danger. Ils ont déjà commencé à expulser des gens qui pourraient être ensevelis et empoisonnés par l’industrie criminelle de Vale.

Mais ce n’est pas seulement l’industrie extractive qui est en baisse. Les résultats négatifs s’accumulent également dans plusieurs autres secteurs industriels.

Par exemple, la production industrielle dans le secteur du textile et de l’habillement est en baisse depuis quatre trimestres consécutifs. Pendant ce temps, le gouvernement de «l’imbécile» Bolsonaro et ses enfants ainsi que sa famille mafieuse continuent de soutenir le ministre de l’Economie Paulo Guedes, un spéculateur financier intéressé à vendre à bas prix des entreprises de l’Etat fédéral, à détruire le système de retraite du pays tout en aidant à démanteler l’éducation publique ainsi que les droits et libertés acquis pendant des décennies de luttes populaires.

«L’optimisme» de commande

Les indices économiques actuels viennent de confirmer la stagnation générale de l’économie. Il y a un an, une étude de la Banque centrale du Brésil prévoyait une perspective de croissance du PIB se situant dans la fourchette de 3% d’ici à 2019. A ce moment, il n’existait en réalité aucune information objective permettant de prédire une telle conclusion. C’était simplement «l’optimisme du gouvernement», sans fondement dans la réalité, qui pouvait soutenir de telles attentes fantaisistes. La «croissance de 3% du PIB d’ici à 2019» n’était rien d’autre que des illusions politico-idéologiques de l’autorité monétaire brésilienne.

Les consultants financiers qui n’ont pas dénoncé les mensonges de la Banque centrale du Brésil perdent maintenant du temps à essayer de donner un nom propre à la catastrophe économique brésilienne. Et ils contestent qu’il s’agisse d’une «récession», d’une «stagnation» ou d’une «dépression». C’est une perte de temps absolue alors qu’ils auraient dû mettre en garde contre les prédictions mensongères de la Banque centrale de l’Etat brésilien.

Aujourd’hui, les sociétés financières et les banques privées consultées par la Banque centrale assument qu’il s’agissait d’une vaste tromperie. Sur une période de 52 semaines, les pronostics ont été réduits et s’établissent actuellement à une croissance de 1,24% du PIB pour 2019. Il s’agit d’une erreur de 60% par rapport aux prévisions de la Banque centrale du Brésil. Rappelons que certains économistes réduisent déjà à 1% les possibilités de croissance du PIB de cette année.

Il est maintenant clair qu’il s’agissait d’une opération de la Banque centrale visant à créer de fausses attentes à l’égard du futur gouvernement Bolsonaro, assurant un «effet de levier à la supposée capacité» de Paulo Guedes. Elle est en train de se dégonfler.

Et bien sûr, aucune autorité de la Banque centrale n’assumera la responsabilité d’une telle croissance future du PIB artificiellement exagérée et des dommages causés à la société dans son ensemble. Rappelons-nous aussi que ce désastre économique a commencé en 2015 lorsque Dilma Rousseff a nommé Joaquim Levy au ministère des Finances. Ce dernier a immédiatement lancé une politique d’austérité comme orientation officielle du gouvernement, et à partir de ce moment, l’économie du Brésil a sombré dans la pire récession de son histoire entre 2015 et 2016.

Avec la disparition des illusions sur commande de la Banque centrale, les perspectives pour l’année en cours sont les pires possible.

Rappelons également que les statistiques de l’IBGE font état d’une croissance continue des inégalités économiques dans le pays, avec 43,4% de personnes en situation de pauvreté et 12,5% de la population dans l’extrême pauvreté.

Pour la même période dans la pyramide de la richesse totale du pays: les familles composant le 1% des plus riches se sont déjà approprié 30% de la richesse totale du Brésil. Alors que 5 multimilliardaires accumulent déjà l’équivalent du patrimoine de la moitié de la population brésilienne. C’est le résultat de la «financiarisation économique» du Brésil. 

Un nouvel élément de réalité: le début d’une résistance populaire?

Le 15 mai, le Brésil s’est étonnamment arrêté à l’occasion d’une grève nationale de l’éducation. L’énorme paralysie a touché plus de 70 universités dans 200 villes brésiliennes. Des manifestations ont été organisées contre une réduction de 30% du budget des universités publiques. Plus d’un million de personnes ont été mobilisées. L’énorme manifestation a surpris le gouvernement Bolsonaro qui, jusqu’à ce jour, avait multiplié des attaques agressives de toutes sortes sans aucune réaction populaire d’ampleur.

Préparation d’une assemblée plénière pour la grève du 14 juin

Le 30 mai, au moins 136 villes dans 25 Etats et le district fédéral (Brasilia) ont de nouveau interrompu leurs activités éducatives. Avec quelques réactions tumultueuses contre la police militaire qui a réagi en attaquant les manifestants avec du gaz poivré. Apparemment, c’est à Brasilia qu’a eu lieu la plus grande confrontation.

Entre-temps, les syndicats qui n’avaient pas encore manifesté une réaction apte à répondre aux différentes offensives gouvernementales, à tous les niveaux, après le succès des mobilisations dans l’éducation, ont commencé à lancer une campagne pour une grève générale le 14 juin.

Des séances plénières syndicales, dans les Etats, sont actuellement organisées pour préparer la mobilisation de la grève générale. Il ne fait aucun doute que la terrible situation de montée du chômage décrite au début de cet article pourrait faire de cette situation un élément d’une mobilisation de masse. Le slogan contre la réforme réactionnaire du système des retraites, qui ajoute plusieurs années de travail supplémentaires et pille les finances publiques, a sans aucun doute aussi suscité une forte opposition.

Mais il faut tenir compte du caractère provocateur et agressif du gouvernement Bolsonaro et de sa base sociale: un secteur de la classe moyenne «facistoïde et raciste» a trouvé dans un président honteux et insultant, pour la première fois, un leadership adapté à son goût. Nous ne serions pas surpris que ce secteur puisse drainer environ un tiers de la population brésilienne. Les statistiques actuelles de soutien au président lui donnent ce chiffre.

Les premiers pas de la résistance populaire – qui n’a pas encore réussi à formuler une proposition alternative disposant d’un soutien populaire massif – vont donc être décisifs.

Si nous ne réagissons pas par la force et au même niveau que l’attaque rétrograde que nous inflige ce gouvernement, il est fort possible que l’occasion de le faire battre en retraite soit perdue. C’est un moment privilégié où la surprise et la poussée des mobilisations populaires peuvent nous offrir des éléments d’une contre-offensive. (Santa Catarina, 5 juin 2019; texte envoyé par l’auteur, traduction A l’Encontre)

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*