Soudan. Une grève de deux jours pour que les militaires cèdent le pouvoir

Des milliers de Soudanais ont entamé mardi une grève de deux jours dans le but de faire pression sur l’armée pour qu’elle cède le pouvoir à une administration civile.

Des centaines de passagers à l’aéroport de Khartoum et à la gare routière principale de la capitale soudanaise se sont retrouvés bloqués, alors que les travailleurs portaient des banderoles ou des badges portant la mention «Nous sommes en grève».

Les compagnies aériennes soudanaises Badr, Tarco et Nova ont suspendu leurs vols mardi, même si certains vols internationaux étaient encore prévus.

Les employés qui observaient la grève à la gare routière principale de Khartoum portaient des banderoles sur lesquelles était écrit: «Aujourd’hui, demain pas de bus car nous sommes en grève».

Avant l’action syndicale, les dirigeants de la mobilisation ont déclaré que des médecins, des avocats et des employés des secteurs de l’électricité, de l’eau, des transports publics, des télécommunications et de l’aviation civile étaient prêts à participer à la grève.

Cette grève intervient alors que les pourparlers entre le Conseil militaire de transition (CMT) et l’alliance des groupes d’opposition coalisés dans les Forces de la Déclaration de la Liberté et du Changement (FDLC) se sont enlisés après des semaines de négociations sur les personnes [représentants de la société civile et militaires] qui devraient avoir le contrôle suite à la destitution de l’autocrate de longue date Omar al-Bachir le mois dernier.

Wajdi Saleh, représentant d’un groupe qui fait partie des FDLC, a déclaré lundi à la fin de la journée qu’il n’y avait «toujours pas de percée» dans les négociations mais que le mouvement de protestation était prêt à négocier si les généraux proposaient de nouvelles négociations.

«Nous espérons que nous parviendrons à un accord avec le Conseil militaire et que nous n’aurons pas à faire la grève pour une durée indéterminée», a-t-il dit.

Saleh a déclaré que le CMT avait exigé d’obtenir une majorité des deux tiers, de huit contre trois, au sein du Conseil souverain qui dirigera le pays avant les élections.

Le chef adjoint du CMT, le lieutenant-général Mohamed Hamdan Dagalo, également connu sous le nom de Hemedti, a déclaré lundi que le conseil était prêt à céder le pouvoir rapidement, mais que l’opposition ne voulait pas sérieusement partager le pouvoir et voulait confiner les militaires à un rôle cérémoniel.

«Par Dieu, leurs slogans nous ont trompés. Je jure que nous avons été honnêtes avec eux à 100%», a déclaré Hemedti lors d’un dîner avec la police. «C’est pourquoi, selon Dieu Tout-Puissant, nous ne donnerons ce pays qu’à des mains sûres.»

Les militaires ont évincé et détenu Bachir le 11 avril, mettant fin à 30 ans de règne après 16 semaines de protestations de rue contre lui, menées par l’Association soudanaise des professionnels [syndicat créé en 2012], qui fait partie des FDLC.

Mais des milliers de manifestants campent toujours devant le quartier général militaire de Khartoum, exigeant la démission des généraux.

Hemedti et le chef du CMT, le général Abdel Fattah al-Burhan, ont fait l’objet de critiques après une tournée en Egypte, en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis, alors que les craintes d’influence extérieure augmentent [voir ci-dessous].

Le CMT a suggéré que si un accord ne peut être trouvé entre les deux parties, des élections devraient avoir lieu. «Nous ne disons pas que nous ne négocierons pas», a dit M. Hemedti. «Mais nous devons garantir que tout le peuple soudanais participe à cette affaire.»

Moubarak Ardol, qui représente le Mouvement populaire de libération du Soudan-Nord, a déclaré lors d’une conférence de presse qu’il était essentiel d’avoir un recensement précis et transparent avant la tenue des élections, car des millions de Soudanais restent déplacés ou réfugiés et seraient donc exclus. «Les élections ne peuvent se tenir dans la situation actuelle», a dit M. Ardol.

Si un accord n’est pas conclu avec le CMT, les membres de la coalition FDLC intensifieront la mobilisation en appelant à une grève illimitée et à une désobéissance civile indéfinie jusqu’à ce que le pouvoir soit remis aux civils, a dit Saleh. (Source: agences de presse et MEE; traduction A l’Encontre. Pour une analyse de la dynamique d’ensemble, voir l’entretien avec Gilbert Achcar publié sur ce site en date du 19 mai)

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Le dictateur Sissi affirme «soutenir la stabilité au Soudan»

L’Egypte, qui préside actuellement l’Union africaine, a exprimé son soutien au Conseil militaire du Soudan; M. Sissi a déclaré qu’il aidera à soutenir la stabilité au Soudan.

Le chef du Conseil militaire au pouvoir au Soudan s’est rendu samedi 25 mai 2019 en Egypte voisine – son premier voyage à l’étranger depuis que l’armée a renversé l’ancien président Omar al-Bachir le mois dernier à la suite de manifestations de masse contre son régime.

Abdel Fattah al-Burhan a rencontré le président égyptien Abdel Fattah el-Sissi, qui est lui-même un ancien chef militaire qui a obtenu le poste le plus élevé après avoir dirigé la destitution de l’ancien dirigeant élu de son pays, Mohamed Morsi.

La visite de M. Burhan intervient après l’annonce par les dirigeants soudanais d’une grève planifiée de deux jours et alors que les pourparlers avec l’armée sur l’instauration d’un régime civil sont suspendus depuis mardi, a indiqué l’AFP.

Les nations occidentales ont appelé les généraux à céder le pouvoir à une administration civile, tandis que le Conseil de l’armée au pouvoir a reçu le soutien des puissances régionales, dont l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis – deux proches alliés de l’Egypte.

La coalition Forces de la Déclaration de la Liberté et du Changement (FDLC) est en désaccord avec les généraux sur la question de savoir si l’organe de transition pour gouverner le Soudan doit être dirigé par une personnalité militaire ou civile.

L’Egypte, dont le président préside actuellement l’Union africaine, a exprimé son soutien au Conseil militaire du Soudan. M. Ssisi a déclaré qu’il aiderait à soutenir la stabilité au Soudan, qui partage bon nombre des préoccupations de l’Egypte en matière de sécurité.

Le mois dernier, Sissi a accueilli un sommet au cours duquel les nations africaines ont exhorté le bloc régional à accorder à Khartoum «plus de temps» pour un passage au pouvoir civil.

Le porte-parole présidentiel égyptien Bassam Radi a déclaré que Sissi avait reçu Burhan au Palais Ittihadia du Caire, la capitale.

Il n’y a pas eu de détails immédiats sur ce dont ils allaient discuter – mais la réunion sera surveillée de près par les groupes d’opposition et de protestation du Soudan qui ont averti l’Egypte de ne pas s’ingérer dans leur politique, a déclaré Reuters. (Source: agences de presse et MEE; traduction A l’Encontre)

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