
Ce fut un génocide que de nombreux dirigeants du monde entier ont tenté d’ignorer. Au printemps 1994, sous couvert d’une guerre, les extrémistes hutus du Rwanda ont commencé à exterminer la population tutsie avoisinante, tuant plus de 800 000 civils et forçant environ 2 millions de personnes à fuir le pays. Au début de cette campagne meurtrière de 100 jours, les Nations unies ont découragé tout engagement international, la qualifiant de «conflit interne». Toutefois, lorsque l’opinion publique occidentale a compris ce qui se passait, de nombreux pays ont envoyé de l’aide. Cet été-là, le président Bill Clinton – qui avait traîné les pieds malgré l’avertissement de l’ambassade états-unienne locale quant à l’imminence des massacres – a finalement demandé au Congrès une aide de 320 millions de dollars. Yossi Sarid, ministre israélien de l’Environnement [de 1992 à 1996 – membre du Meretz], est arrivé au Rwanda avec une délégation médicale pour aider les survivants. Selon le journaliste Antony Loewenstein, la démarche de Yossi Sarid n’était toutefois qu’une façade, car «avant et pendant le génocide», même après l’embargo décrété par la plupart des pays, le gouvernement israélien avait envoyé des armes aux forces hutues – mitraillettes Uzu et fusils d’assaut Galil, grenades et munitions – en plusieurs cargaisons d’une valeur de plusieurs millions de dollars.
Ce n’était pas la première fois, ni la dernière, que des armes et des équipements technologiques israéliens tombaient entre des mains malfaisantes. Dans son récit saisissant, The Palestine Laboratory: How Israel Exports the Technology of Occupation Around the World (Verso, mai 2023), Antony Loewenstein passe en revue les exportations de matériel de guerre moderne d’Israël vers la junte fasciste d’Augusto Pinochet au Chili, le tyrannique Shah d’Iran, les génocidaires guatémaltèques (où l’aile droite du pays a ouvertement appelé à la «palestinisation» des Mayas indigènes – entre 1981 et 1983), et, plus récemment, les régimes autoritaires de Russie, d’Arabie saoudite, des Emirats arabes unis, de Hongrie, d’Inde et d’Azerbaïdjan, qui a procédé au début de l’année à un nettoyage ethnique de milliers d’Arméniens dans le sud-ouest du pays (Times of Israel, 5 octobre 2023).