
Par Franco Turigliatto
Le deuxième gouvernement Giuseppe Conte, annoncĂ© par le PrĂ©sident Sergio Mattarella le 4 septembre 2019, s’est instituĂ© après la crise du mois d’aoĂ»t dernier[1], composĂ© du Parti dĂ©mocrate (PD)[2] et du Mouvement 5 Ă©toiles (M5S)[3], a survĂ©cu tous ces derniers mois malgrĂ© ses constantes dissensions internes et instabilitĂ© permanente. On peut considĂ©rer ici comme quantitĂ© nĂ©gligeable la faible composante rĂ©formiste subalterne du gouvernement constituĂ©e par Liberi e Uguali [LeU, Libres et Ă©gaux, un amalgame de groupes analogues: Movimento democratico e progressista, issu du PD, Sinistra italiana, issue des cendres de la banqueroute social-dĂ©mocrate et du PD, et Possibile, issu du PD]. Le gouvernement a Ă©galement dĂ» faire face aux assauts politiques des partis de la droite, qui orientent et mobilisent d’importants secteurs de la sociĂ©tĂ©, sur les thĂ©matiques racistes, xĂ©nophobes et sĂ©curitaires. Il a enfin affrontĂ© deux dangereux Ă©cueils politiques, la promulgation de la loi sur le budget, en dĂ©cembre 2019, et les Ă©lections dans deux importantes rĂ©gions, l’Émilie-Romagne et la Calabre, fin janvier 2020.
Quatre Ă©lĂ©ments ont permis au gouvernement de se maintenir. Tout d’abord, la volontĂ© des deux partis qui le composent d’Ă©viter Ă tout prix de nouvelles et trop risquĂ©es Ă©lections politiques, alors que les sondages donnent la droite dure Ă plus de 50% des voix. Ensuite, l’attitude favorable des bourgeoisies italienne et plus gĂ©nĂ©ralement europĂ©ennes, par le biais des institutions de Bruxelles. En outre, le soutien ouvert des trois grandes centrales syndicales, y compris la CGIL[4]. Et enfin, la vĂ©ritable crainte d’importants secteurs de la sociĂ©tĂ© de voir arriver au gouvernement la Lega de Matteo Salvini[5] et son frère ennemi Fratelli d’Italia de Giorgia Meloni[6].
Il n’en reste pas moins que la poussĂ©e rĂ©actionnaire des partis de cette droite n’a pas faibli et que la sociĂ©tĂ© reste empoisonnĂ©e par les venins xĂ©nophobes, racistes et antisĂ©mites, du fait de l’absence d’un fort mouvement social des classes laborieuses. Les actes antisĂ©mites se sont dĂ©multipliĂ©s ces dernières semaines. Le Rapport Italie, de l’institut privĂ© de recherche Eurispes, fournit des donnĂ©es glaçantes sur le nombre de personnes croyant que la Shoah n’a pas existĂ©, celles-ci ayant passĂ© de 2.7% en 2004 Ă 15.6% aujourd’hui[7].
La loi sur les finances publiques (budget) et l’impossible discontinuitĂ©
L’Ă©cueil de la loi budgĂ©taire a Ă©tĂ© surmontĂ© grâce Ă des mesures significatives, d’un montant de 30 milliards d’euros, un «dĂ©bordement» rendu possible par ladite flexibilitĂ© dont a bien voulu faire preuve la Commission europĂ©enne. Cela reprĂ©sente un dĂ©ficit budgĂ©taire supĂ©rieur Ă 2%, ce qui a permis de geler les augmentations de la taxe sur la valeur ajoutĂ©e (TVA), qui auraient dĂ» ĂŞtre enclenchĂ©es en 2020, par automatismes dĂ©coulant de lois et règlements dĂ©jĂ adoptĂ©s au cours des annĂ©es passĂ©es. Ce montage a Ă©galement Ă©tĂ© rendu possible grâce Ă un assemblage de modestes interventions sociales très ciblĂ©es et de toutes aussi modestes augmentations fiscales savamment distribuĂ©es. Soulignons d’emblĂ©e que le gouvernement jaune-rose (M5S et PD) s’est abstenu de toucher aux Ă©nièmes et Ă©normes cadeaux pour le capital et les entreprises octroyĂ©s au moyen des dĂ©grèvements fiscaux adoptĂ©s par les gouvernements prĂ©cĂ©dents. Il n’a pas non plus remis en question les normes rĂ©pressives visant les migrant·e·s et les ONG qui leur portent secours en mer. Pas plus que celles qui criminalisent les luttes ouvrières et sociales.
Le PD voudrait prĂ©senter l’actuel gouvernement comme marquant une forte discontinuitĂ© par rapport au prĂ©cĂ©dent, dominĂ© par la figure de Matteo Salvini. Mais c’est lĂ mission impossible, vu les positions Ă©conomiques et politiques exprimĂ©es par ses deux principales composantes, le M5S et le PD, ainsi que par la nouvelle nĂ©e Italia Viva (IV) de Matteo Renzi[8]. Bref, les lois anti-populaires adoptĂ©es par le passĂ© dans les domaines sociaux, Ă©conomiques, civil, sont restĂ©es en vigueur, tout comme les lĂ©gislations Ă©tayant l’offensive des employeurs contre les conditions de vie des classes laborieuses, celles-lĂ mĂŞme qui ont provoquĂ© dĂ©moralisation, dĂ©sespĂ©rance et rage parmi les salarié·e·s et qui ont servi de rampe de lancement pour les tristes figures de Salvini et Meloni et leurs partis.
La première chose Ă faire pour un gouvernement qui affirmerait une discontinuitĂ© effective aurait Ă©tĂ© d’abroger les lois de la contre-rĂ©volution libĂ©rale et patronale, que ce soit les plus infâmes de Salvini, votĂ©es par la Lega comme par le M5S, ou celles adoptĂ©es auparavant par les gouvernements de centre-gauche, inscrites dans le marbre de l’austĂ©ritĂ©. Ici un exercice de mĂ©moire s’impose [voir l’encadrĂ© ci-après] pour saisir l’ampleur de ces attaques.
En ce qui concerne la politique internationale, l’Italie dĂ©fend ses intĂ©rĂŞts impĂ©rialistes Ă partir de son ex-colonie, la Libye, oĂą elle est solidement reprĂ©sentĂ©e par la multinationale de l’Ă©nergie et de l’extraction, L’Ente nazionale idrocarburi (ENI, Agence national des hydrocarbures). Par ailleurs quelque 8000 militaires italiens sont rĂ©partis dans plus de 40 pays, pour des missions coĂ»tant près de 1.5 milliards d’euros annuels Ă l’État. Pire encore, le 2 fĂ©vrier 2020 l’accord conclu avec la Libye a Ă©tĂ© renouvelĂ© automatiquement et pour trois ans, sans que le gouvernement ne fasse quoi que ce soit pour le bloquer ou ne serait-ce que pour le modifier, mis Ă part quelques dĂ©clarations dans le vide, pro forma. Il assurait ainsi le financement des garde-cĂ´tes et des camps de concentration oĂą sont enfermĂ©s ceux et celles qui tentent d’atteindre les rives de l’Europe.
Les élections régionales de Calabre et Émilie-Romagne
Dans ce contexte se sont dĂ©roulĂ©es, le 26 janvier 2020, les Ă©lections des Conseils rĂ©gionaux et des PrĂ©sidences de Calabre et Émilie-Romagne, consultations ayant valeur de test d’envergure nationale. Matteo Salvini en avait fait son cheval de bataille, dans le but non seulement de conquĂ©rir les deux gouvernements rĂ©gionaux, mais aussi de provoquer, par lĂ mĂŞme, la chute du gouvernement en place et de susciter ainsi des Ă©lections politiques nationales.
• En Calabre, la coalition de droite a remportĂ© un succès, avec 55% des voix, lui permettant de conquĂ©rir une rĂ©gion de plus. [Le M5S s’y prĂ©sentait sĂ©parĂ©ment du PD, recueillant 6,27% des suffrages (7,35% avec Calabria Civica), le PD a atteint presque 14%, la Lega et Forza Italia ont eu un score respectif de près de 12%,]. La coalition de centre-gauche passe de 61% des voix en 2014 Ă 30% en 2020, payant ainsi le prix de sa gestion politique calamiteuse. [Les partis de la coalition de centre-droite totalisaient 33% des voix en 2014 et 67% en 2020 et le M5S a lĂ©gèrement augmentĂ©, de 4,96% Ă 6,27%. Il faut toutefois relativiser ces scores, ou du moins les resituer dans une continuitĂ© en dents de scie, si l’on sait qu’en 2010 la droite atteignait 58%, le PD 32%, et qu’en 2005 le centre-gauche totalisait 59%, la droite 41%]. Avec 14% des voix, le PD est le parti le plus Ă©lu de la rĂ©gion, mais cela ne devrait pas amener Nicola Zingaretti, prĂ©sident de la rĂ©gion Latium et secrĂ©taire du PD, Ă crier victoire: l’abstention a atteint des sommets [56% selon les sondages], exprimant une dĂ©fiance et un repli de secteurs entiers de la population. Ce qui a laissĂ© la voie libre aux traditionnelles confrĂ©ries de pouvoir liĂ©es Ă la vieille Forza Italia[9], parvenue Ă rester en tĂŞte notamment grâce Ă deux listes satellites.
• Quant Ă l’affrontement Ă©lectoral en Émilie-Romagne[10], il a focalisĂ© toute l’attention. Depuis le lendemain de la seconde Guerre mondiale, c’est le territoire d’un enracinement profond du Parti communiste italien (PCI). Ce dernier l’administre de 1970 (annĂ©e de mise en place des conseils rĂ©gionaux) jusqu’en 1995 et, de 1995 Ă 2020, Ă travers les successives mutations du PCI, d’abord le Partito democratico della sinistra (PDS), puis les Democratici di sinistra (DS) et enfin le Partito democratico (PD). Les anciennes administrations rĂ©gionales du PCI avaient dĂ©ployĂ© d’efficaces politiques social-dĂ©mocrates, garantissant des services efficients Ă travers un pacte politique et social qui tenait ensemble les administrations locales, les salarié·e·s, les commerçants, les artisans, les coopĂ©ratives, certaines Ă©tant devenues de vĂ©ritables transnationales, ainsi que nombre de grandes et petites entreprises. La crise Ă©conomique larvĂ©e, les politiques d’austĂ©ritĂ© et les privatisations (notamment dans la santĂ©, les transports, sans mentionner le bĂ©tonnage du territoire), gĂ©rĂ©es par l’administration rĂ©gionale, ont exacerbĂ© les contradictions sociales, fragilisĂ© d’importants secteurs sociaux et ont fini par avoir raison de ce pacte social[11].
Si, durant de longues annĂ©es, la Lega – et ses prĂ©dĂ©cesseurs – n’ont pas pu traverser le fleuve PĂ´, qui sĂ©pare la Lombardie et la VĂ©nĂ©tie de l’Emilie, les choses ont changĂ© ces dernières annĂ©es.
Lors des Ă©lections nationales de 2018, puis des europĂ©ennes de 2019, le M5S mais aussi la Lega de Matteo Salvini ont atteint des scores supĂ©rieurs Ă 30%. Le scrutin rĂ©gional de 2014 avait donnĂ© la victoire au candidat du PD, Stefano Bonaccini [49% des voix], avec une faible participation [38%], mettant en Ă©vidence la dĂ©saffection croissante de larges secteurs populaires Ă l’Ă©gard du centre-gauche. Par contre, les Ă©lections de janvier 2020 ont connu une participation nettement supĂ©rieure [68%].

Matteo Salvini pensait pouvoir donner l’estocade au PD, conquĂ©rir le fortin historique de la gauche, en obtenant une victoire Ă la fois politique et historique. Il y a mis les moyens, avec une campagne mĂ©diatique forte, martelant propos xĂ©nophobes et racistes. Sa machinerie Ă©lectorale Ă©tait dirigĂ©e par son conseiller en communication Luca Morisi, Ă la tĂŞte d’un staff de 35 personnes qui couvrait les faits et gestes du leader 24 heures sur 24 heures, activant un vaste rĂ©seau permanent d’interventions et contacts de tout type, des plus classiques aux rĂ©seaux sociaux que la Lega a nommĂ© « La BĂŞte » [reprenant le nom de la machinerie Ă©lectorale de Barack Obama, certes diffĂ©rente].
Finalement son Ă©chec a soulagĂ© nombre d’Italiens, le PD et mĂŞme le gouvernement. Mais les chiffres sont inquiĂ©tants et dĂ©montrent combien la menace de la Lega est loin d’ĂŞtre dĂ©passĂ©e. Ses rĂ©sultats, dans l’ancien bastion « rouge », en valeurs absolues comme en pourcentages, sont impressionnants, de mĂŞme que sa capacitĂ© Ă orienter, dĂ©sorienter et mobiliser d’importants secteurs de la sociĂ©tĂ©.
Le candidat Ă la prĂ©sidence rĂ©gionale, Stefano Bonaccini (PD), a obtenu 51.4% des voix contre 43.6% pour la candidate des droites [Lucia Borgonzoni]. Le regroupement des partis, dit de centre-gauche, dĂ©passe de peu le 48% tandis que les forces de droite obtiennent un inquiĂ©tant 46%, dont 31.9% pour la Lega et 8.6% pour l’extrĂŞme-droite de Fratelli d’Italia, qui a doublĂ© ses voix, tandis que Forza Italia, de Silvio Berlusconi, obtient un score nĂ©gligeable.
Le candidat Bonaccini est parvenu Ă ses fins en captant le 65% des Ă©lecteurs qui lui avaient donnĂ© leurs suffrages lors de la prĂ©cĂ©dente consultation, le 17.7% des Ă©lecteurs qui s’Ă©taient abstenus, le 9% des Ă©lecteurs du M5S et le 6.1% des Ă©lecteurs du centre-droite[12]. Il a Ă©galement appuyĂ© sa campagne sur un rĂ©seau dense d’administrateurs locaux, de coopĂ©ratives, de syndicats, mais aussi du monde entrepreneurial et, last but not least, il a reçu un coup de main essentiel du «mouvement des sardines».
Les sardines
Les sardines sont un mouvement nĂ©, et ce n’est point un hasard, dans le chef-lieu de l’Émilie-Romagne, Bologne, en novembre 2019. Son but explicite visait Ă contrer la campagne de haine et de racisme du chef de la Lega. En un mois les sardines ont multipliĂ© les rencontres dans toutes les villes de la rĂ©gion, organisant de grands rassemblements comptant des dizaines de milliers de personnes, avec une forte prĂ©sence de jeunes, mais aussi un public plus âgĂ©. Il exprime l’inquiĂ©tude, prĂ©sente dans de larges secteurs, de voir s’affirmer un sens commun raciste et violent contre les plus vulnĂ©rables, alimentĂ© par les droites les plus rĂ©actionnaires.

Les sardines sont parvenues Ă interprĂ©ter mais aussi Ă rĂ©veiller les sensibilitĂ©s antifascistes, antiracistes et dĂ©mocratiques, en construisant un type de mobilisation correspondant Ă leur niveau de politisation. C’est un mouvement d’opinion publique, point encore abouti et n’ayant pas encore fait l’expĂ©rience de larges dĂ©bats sur les thĂ©matiques sociales.
Ses dirigeants se prĂ©sentent comme voulant effacer de la politique le langage de la haine et du racisme, ramenant le dĂ©bat Ă des normes de correction politique, voire Ă de l’angĂ©lisme. Mais au-delĂ de cette orientation politique, il ne fait pas de doute qu’ils ont Ă©tĂ© capables d’inciter nombre de jeunes et moins jeunes Ă aller voter, construisant une contre-tendance visible et de masse aux positions de Salvini et de la Lega.
Les jeunes dirigeants de ce mouvement ont des relations avec les milieux habituellement touchĂ©s par le PD, mais aussi avec des secteurs catholiques, qui se sont engagĂ©s afin de faire obstacle Ă la montĂ©e des droites «dures» et qui ont, comme rĂ©fĂ©rence, le cardinal de Bologne Matteo Zuppi. Des quotidiens comme La Repubblica, liĂ© au PD, ont soutenu inconditionnellement cette initiative en lui offrant une tribune avec, en ligne de mire, la relance et le renouveau du PD. Ă€ l’heure actuelle, de nombreuses initiatives se dĂ©roulent, destinĂ©es Ă orienter une partie de ses dirigeants vers la reconstruction d’un nouveau centre-gauche.
La crise du M5S
Le M5S traverse une grave crise politique et organisationnelle qui se solde par une chute de ses appuis Ă©lectoraux. Aux Ă©lections nationales de 2018, il avait obtenu 32% des voix, avec 10 millions de votes, et la constitution de larges fractions parlementaires Ă la Chambre et au SĂ©nat. Aux europĂ©ennes de 2019, il Ă©tait tombĂ© Ă 17.1% des voix, surclassĂ© par la Lega (34.3%) et mĂŞme par le PD (22.7%). Dans les deux dernières consultations Ă©lectorales de Calabre et d’Émilie-Romagne, il a connu une vraie catastrophe. Dans le premier cas, il est passĂ© de 43.4% Ă 7.3%, dans le second de 27.5% Ă 3.5%. Le chef politique du M5S, Luigi Di Maio, a anticipĂ© cette situation en dĂ©missionnant la veille du vote. Aujourd’hui le parti se cherche une nouvelle direction, dans une grande confusion.
On en revient ainsi Ă une inĂ©vitable parabole politique. Nous avons toujours affirmĂ© que son succès Ă©tait le fruit des politiques d’austĂ©ritĂ© et de la crise profonde et concomitante du mouvement des salarié·e·s, dans un contexte de persistance d’une opposition gĂ©nĂ©rique Ă la sociĂ©tĂ© en place, que le M5S avait su drainer Ă©lectoralement.
Cette organisation, de nature politique petite bourgeoise, n’a pas rĂ©sistĂ© Ă l’Ă©preuve du gouvernement, ayant gouvernĂ© une annĂ©e avec la Lega, puis ayant tentĂ© d’échapper au baiser mortel de Salvini en donnant vie Ă un nouveau gouvernement et Ă une nouvelle majoritĂ© parlementaire avec le PD. Ă€ travers ces vicissitudes les faiblesses politiques de ses dirigeants ont Ă©mergĂ©, de mĂŞme que celles du parti dans son ensemble. Il a commencĂ© Ă voler en Ă©clats face Ă la rĂ©alitĂ© des contradictions de classe. Nous avons qualifiĂ© le M5S de force petite bourgeoise dont les succès politiques et Ă©lectoraux reposent sur la dĂ©moralisation des travailleurs et sur l’absence de rĂ©ponses crĂ©dibles alternatives de la gauche. Ainsi le parti «ni de droite ni de gauche», dĂ©muni d’un programme socio-Ă©conomique un tant soit peu cohĂ©rent, privĂ© de rĂ©els rapports sociaux structurants (les rĂ©seaux sociaux ne suffisent pas…), confrontĂ© aux dynamiques et aux contradictions de classe, ne pouvait que fondre comme neige au soleil.
Dès lors, la droite rĂ©colte les fruits du dĂ©sespoir et de l’aquabonisme [dont l’étymologie renvoie Ă la question: «à quoi bon?» donc Ă une sorte d’attentisme] politique de vastes secteurs populaires qui s’Ă©taient adressĂ©s auparavant au M5S. En Émilie-Romagne, une partie de son Ă©lectorat s’est tournĂ©e vers le vote utile en faveur du PD. Les 5 Ă©toiles sont alors dĂ©chirĂ©es entre leurs diverses composantes, l’une qui regrette l’alliance avec la Lega, l’autre qui dĂ©sire retrouver son autonomie originelle, une autre encore qui vise une alliance consolidĂ©e et durable avec le PD. Le Mouvement a dĂ©jĂ perdu un grand nombre de dĂ©putĂ©s et sĂ©nateurs, mais il reste le groupe parlementaire le plus nombreux sans que cela ne corresponde plus Ă un consensus Ă©lectoral Ă©quivalent dans le pays rĂ©el. Ce qui ne peut que susciter davantage de contradictions au sein du parti et du gouvernement[13].
Un cadre économique et social incertain
L’Ă©conomie italienne a connu, en 2018, une croissance très modeste: un 0.8% qui, en d’autres temps, aurait Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme relevant d’une rĂ©cession. Les estimations pour le dernier trimestre 2019 sont nĂ©gatives (-0.3%), et vraisemblablement une stagnation gĂ©nĂ©rale pour 2019. Ce qui n’a pas empĂŞchĂ©, lors du dividend day [la distribution des dividendes aux actionnaires dans les majeures entreprises], habituellement au mois de mai en Italie, qu’une pluie de dividendes se produise (26 milliards d’euros au bas mot). Et tout laisse Ă penser que cette annĂ©e encore les actionnaires pourront fĂŞter, comme le feront les membres de la famille Agnelli qui, l’an dernier, se sont rĂ©parti des milliards d’euros et qui cette annĂ©e recueilleront la pluie d’or de la fusion Fiat-Chrysler Automobile (FCA) avec Peugeot SA (PSA)[14].
L’annĂ©e passĂ©e les exportations ont encore tirĂ© le Produit intĂ©rieur brut (PIB) de l’Italie. Mais le ralentissement de l’Ă©conomie mondiale et, en particulier, de celle allemande, dont l’Italie est fortement dĂ©pendante, laisse entrevoir d’importantes difficultĂ©s sur les plans productifs comme de l’emploi, notamment pour l’industrie automobile et les activitĂ©s qui lui sont liĂ©es. Ainsi, selon les dernières donnĂ©es de l’Istat (Institut de statistique), la production industrielle a connu une contraction de -1,3% en 2019, la plus marquĂ©e depuis 2013, avec une chute très prononcĂ©e dans le secteur de l’automobile : – 13,9%.
En 2019, les emplois fixes ont reculĂ© de manière sensible (-75’000), et ne sont pas compensĂ©s par «l’augmentation» des emplois Ă durĂ©e dĂ©terminĂ©e (+17’000). Les chiffres officiels indiquent 3’123’000 chĂ´meurs/chĂ´meuses et une diminution des travailleurs indĂ©pendants actifs qui ont atteint leur plus bas niveau depuis 1977. Le chĂ´mage se situe Ă 9.8%, celui des jeunes Ă 28.9%, scores fort mĂ©diocres comparativement aux moyennes europĂ©ennes, respectivement 7.4% et 15.3%. Au chĂ´mage officiel, il convient d’ajouter quelque 3 millions de salarié·e·s qui, ayant renoncĂ© Ă chercher du travail, n’Ă©margent pas aux statistiques de l’emploi.
Le travail se fait rare et de plus en plus précaire. La combinaison du blocage des salaires dans le secteur public, des augmentations dérisoires dans le secteur privé, des restructurations et des changements de main des entreprises qui génèrent ainsi la précarité professionnelle et les bas salaires, tout cela induit une répartition de la richesse nationale qui favorise les rentes et les profits au détriment du travail. Ce qui n’empêche pas la grande presse bourgeoise de dénoncer en première page les méfaits dus aux insupportables inégalités sociales, tout en défendant sans nuance les mesures conservatrices qui les génèrent.
Le rĂ©cent rapport de l’ONG Oxfam indique qu’en 2019 le 1% des Italiens les plus nantis dĂ©tenait, en termes de fortune, plus que le 70% des Italiens les plus pauvres. Au cours des deux dernières dĂ©cennies de ralentissement ou de crise, la fortune dĂ©tenue par ce 1% a mĂŞme crĂ» de 7.6%, tandis que celle des 50% les plus dĂ©munis a diminuĂ© de 36.6%. Les choses sont similaires si l’on considère les revenus, comme l’explique l’Institut italien de statistique (Istat): pour 7.4 millions de familles italiennes, plus de Âľ du revenu familial total provient de la retraite – infĂ©rieure Ă 1000 € mensuels – de l’un de ses membres[15]. De quoi survivre en Ă©chappant de justesse Ă la misère noire. Et, comme si cela ne suffisait pas, une nouvelle offensive patronale se prĂ©pare contre le niveau des retraites. Cela dans un pays oĂą la population, selon les donnĂ©es de 2018 publiĂ©es ces derniers jours par l’Istat, diminue et oĂą l’écart entre dĂ©cès et naissance a atteint un record historique: pour 100 personnes dĂ©cĂ©dĂ©es, les nouveau-nĂ©s sont au nombre de 67, alors qu’ils Ă©taient 96 il y a 10 ans,
Les grandes crises industrielles ouvertes
Dans le contexte de cette crise Ă©conomique latente, quelque 300’000 postes de travail sont actuellement menacĂ©s. Sur la table du Ministère de l’Ă©conomie et du dĂ©veloppement (MISE) se trouvent «160 situations conflictuelles» (licenciements, restructurations, fermetures ou dĂ©localisations), certaines relativement rĂ©centes, d’autres traĂ®nant depuis quelques annĂ©es dĂ©jĂ . Des dizaines de milliers de salarié·e·s sont au chĂ´mage partiel. Pour certains leur revenu est des plus bas, d’autres se retrouvent sans revenu, et tous voient l’Ă©chĂ©ance du chĂ´mage complet approcher. Ce sont des crises qui touchent pratiquement tous les secteurs, l’industrie, le commerce, les transports, des services, y compris l’informatique. On trouve les noms de Whirpool, Ilva, Embraco, Bekaert, Mercatone Uno, Conad, Unicredit, Alitalia et, en arrière-fond, un grand nombre de petites entreprises sous-traitantes ou liĂ©es Ă ces groupes.
La crise de l’Alitalia, la compagnie d’aviation nationale, est interminable, allant de processus de privatisation en interventions publiques dont les travailleurs font Ă chaque fois les frais.
L’Ilva (autrefois Italsider) la grande industrie sidĂ©rurgique publique, l’un des piliers de l’industrie et du capitalisme italien d’après-guerre, a Ă©tĂ© mise en mains privĂ©es au dĂ©but des annĂ©es 1990. Ses vicissitudes l’ont rendue emblĂ©matique du fonctionnement chaotique du système capitaliste et des dĂ©sastres de la propriĂ©tĂ© privĂ©e. A Taranto, dans les Pouilles, oĂą se trouve le siège du complexe industriel, seul l’Etat serait Ă mĂŞme d’intervenir en urgence: rĂ©orienter totalement la production, assainir un environnement dĂ©vastĂ© par les pollutions, garantir les revenus, voire la reconversion-formation, des salariĂ©s, bref requalifier l’entièretĂ© d’un territoire Ă travers une lourde et indispensable transition[16].
Des considĂ©rations similaires valent pour Whirpool, la transnationale Ă©tasunienne qui, l’an dernier, a annoncĂ© la fermeture de l’usine de Naples et donc la perte de centaines d’emplois dans une province dĂ©jĂ martyrisĂ©e par les suppressions d’emplois. Le scĂ©nario de Whirpool est similaire Ă tant d’autres. La transnationale dĂ©barque, se sert des infrastructures publiques et bĂ©nĂ©ficie de diverses formes de soutiens institutionnels locaux et nationaux. Elle exploite tranquillement les salarié·e·s pendant quelques annĂ©es, engrangeant des profits consistants, pour enfin dĂ©gotter un lieu encore plus profitable vers lequel se dĂ©localiser. Au printemps dernier, la lutte des travailleurs de cette fabrique et la rage populaire qui a gagnĂ© la ville ont Ă©tĂ© si virulentes, qu’on a pu croire le gouvernement serait acculĂ© Ă devoir racheter l’entreprise. La direction a aussitĂ´t annoncĂ© la suspension des licenciements, la tension a baissĂ© et, six mois plus tard, l’entreprise a reconfirmĂ© la fermeture Ă brève Ă©chĂ©ance! Les syndicats ont composĂ© avec la direction, Ă la sortie des nĂ©gociations les travailleurs/travailleuses ont agressĂ© les syndicalistes, les accusant de les avoir trompĂ©s et trahis.
La cerise sur le gâteau de ces malversations revient Ă la grande banque Unicredit, une banque dite italienne avec un actionnariat mondialisĂ©, un chiffre d’affaires de près de 19 milliards d’euros en 2019. Elle a fait la dĂ©monstration de combien elle se trouve hors de tout contrĂ´le social et politique, en annonçant qu’elle distribuera 8 milliards d’euros, sous forme de dividendes et de rachats d’actions, tout en annonçant le licenciement de 8000 salarié·e·s d’ici 2023. On attend toujours la rĂ©ponse des bureaucraties syndicales, ainsi que celle du gouvernement du « changement ».
Mentionnons enfin la crise de ce qui fut autrefois le grand domaine de l’industrie automobile Ă Turin, ou 10’000 emplois sont menacĂ©s outre les 10’000 perdus ces 10 dernières annĂ©es. Mais le pire est Ă venir, avec les consĂ©quences de la fusion Fiat Chrysler Automobile (FCA) et Peugeot SA (PSA)[17]. (Article envoyĂ© par son auteur; traduction de Dario Lopreno; Ă©dition par rĂ©daction de A l’Encontre)
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Inventaire presque Ă la PrĂ©vert sur les lois d’austĂ©ritĂ©
Voici la liste des principales mesures d’attaque aux salaires direct et indirect, afin de mieux comprendre combien la situation s’est dĂ©tĂ©riorĂ©e ces dernières annĂ©es.
• Premièrement, il y a les lois de prĂ©carisation des conditions de travail, depuis les annĂ©es 1990 jusqu’aux tant dĂ©criĂ©es – mais aujourd’hui tombĂ©es dans l’oubli – lois de 2003 (dĂ©cret-loi n° 30 et dĂ©cret lĂ©gislatif n° 276) de Silvio Berlusconi, Ă la tĂŞte du mouvement nĂ©oconservateur Forza Italia et alors prĂ©sident du Conseil des ministres. Le gouvernement successif de Romano Prodi, dit indĂ©pendant de centre-gauche, ayant intĂ©grĂ© dans son gouvernement le Parti de la refondation communiste et le Parti des communistes italiens, a conservĂ© Ă 99.99% ces lois. Puis, en 2014, est promulguĂ© l’infâme Jobs Act de Matteo Renzi, alors secrĂ©taire du Parti dĂ©mocratique, dit du centre gauche, et prĂ©sident du conseil des ministres,, qui efface dĂ©finitivement l’article 18 de la loi sur le travail [Statuto dei lavoratori, article qui protĂ©geait les travailleurs contre le licenciement abusif dans les entreprises de 15 personnes ou plus] et la lĂ©gislation sur le chĂ´mage partiel.
C’est une vĂ©ritable jungle capitaliste de la dĂ©rĂ©glementation qui est ainsi promulguĂ©e, laissant les mains libres Ă toutes les entreprises, des plus petites aux plus grandes, pour restructurer, dĂ©localiser, fermer, sans devoir rendre le moindre compte aux salarié·e·s dĂ©sormais sans protection «sur le marchĂ© libre». Ils ne se voient accorder que la très lĂ©gère couverture de la Naspi – la Nouvelle assurance sociale pour l’emploi, qui ne couvre que 75% d’un revenu maximal fixĂ© Ă 1226 € –, une indemnitĂ© chĂ´mage qui s’Ă©teint après deux ans, pour autant que le salariĂ© ait disposĂ© d’un ou de plusieurs emplois de manière continue dans les quatre annĂ©es prĂ©cĂ©dentes.
• Deuxièmement, il y a les mesures instituant des dĂ©grèvements fiscaux et des diminutions de contributions sociales pour les entreprises, des cadeaux de dizaines de milliards d’euros au patronat, en particulier avec les baisses de l’impĂ´t sur le revenu des sociĂ©tĂ©s (imposta sul reddito delle societĂ , IRES), qui est passĂ© de 33% en 2006 Ă 24% en 2015. Ces mesures ont Ă©tĂ© mises en Ĺ“uvre par des gouvernements de centre-droite comme de centre-gauche, au motif qu’il Ă©tait juste de faire gagner de l’argent aux capitalistes (tant le leader de droite Silvio Berlusconi que le leader de centre-gauche Matteo Renzi se sont distinguĂ©s sur ce terrain). Et ceci dans le but proclamĂ©, bien qu’illusoire, d’encourager la crĂ©ation de postes de travail et, par lĂ mĂŞme, de combattre le chĂ´mage…
MĂŞme un enfant serait capable de comprendre que l’on creuse ainsi le trou de la dette publique. Faisant d’une pierre deux coups, ce cadeau aux entreprises a portĂ© un coup Ă la dĂ©pense publique et Ă la politique sociale, frappant lourdement l’aide sociale, l’Ă©cole et le système de santĂ©, accroissant la pression pour les privatisations.
• Troisièmement, sur le plan des nĂ©gociations salariales, l’Ă©chelle mobile des salaires, qui avait introduit une augmentation automatique des salaires adaptĂ©e Ă l’inflation, suite Ă une sĂ©rie de pactes sociaux tripartites – gouvernement-patronat-bureaucraties syndicales – a Ă©tĂ© Ă©rodĂ©e graduellement avec les effets escomptĂ©s sur les salaires, transfĂ©rant de plus en plus de richesses «vers le haut». Le dĂ©mantèlement de l’échelle mobile avait effectuĂ©, de manière progressive, entre 1982 et 1992.
• Ă€ travers ces diverses contre-rĂ©formes, la distribution de la richesse produite s’est profondĂ©ment modifiĂ©e en faveur des capitalistes, les salaires et les retraites passant de 70% Ă 58% du total.
Ces attaques ont frappĂ© non seulement le salaire direct, mais Ă©galement celui dit indirect. Ă€ ce titre mentionnons les assauts constants visant les retraites du secteur public qui, Ă©tant garanties depuis la rĂ©forme de la fin des annĂ©es 1960, fondĂ©e sur le système rĂ©tributif [voir note au bas de cet encadrĂ©], prĂ©servaient le pacte entre gĂ©nĂ©rations. Il y a eu d’abord la Loi Dini de 1995, prĂ©sident du Conseil des ministres de janvier 1995 Ă mai 1996, d’abord indĂ©pendant, puis de centre-gauche, puis de droite, qui initie la marche du système de retraites rĂ©tributif vers le système contributif (cf note ci dessous)].
Puis les mesures de Roberto Maroni en 2004, membre de la Lega, ministre du Travail et des Affaires sociales de 2001 Ă 2006, qui augmente l’âge de la retraite de 3 ans.
Et enfin la contre-rĂ©forme Fornero de 2012, du nom d’Elsa Fornero, ministre du Travail et des affaires sociales de 2011 Ă 2013. Elle a dĂ©finitivement assis le système contributif (cf note ci-dessous), adoptĂ©e sous le gouvernement dit indĂ©pendant de Mario Monti, soutenu par le centre-gauche, rĂ©forme passĂ©e notamment grâce Ă la passivitĂ© des syndicats sauf de la CGIL qui a dĂ©crĂ©tĂ© une grève symbolique de 3 heures…
• Ajoutons Ă ce palmarès, les lois anti-immigré·e·s destinĂ©es Ă contrer “l’invasion africaine”:
– La loi Martelli de 1990, du «socialiste» Claudio Martelli, vice-prĂ©sident du Conseil des ministres de 1989 Ă 1992;
– La loi Turco-Napolitano de 1998 promulguĂ©e par Livia Turco, ministre de la SolidaritĂ© sociale de 1996 Ă 2001, et de Giorgio Napolitano, ministre de l’intĂ©rieur de 1996 Ă 1998, tous deux issus de l’ancien Parti communiste;
– La loi Bossi-Fini de 2002, impulsĂ©e par Umberto Bossi et Gianfranco Fini. Le premier Ă©tait ministre des RĂ©formes institutionnelles & de la DĂ©centralisation de 2001 Ă 2004 et vice-prĂ©sident du Conseil des ministres de 2001 Ă 2006, il fut de fondateur de la Lega lombarda, de la Lega Nord et, plus tard, de la Lega. Le second Ă©tait Ă l’Ă©poque dirigeant d’Alleanza nazionale issue du parti nĂ©o-fasciste Movimento sociale italiano, alors vice-prĂ©sident du Conseil des ministres;
– Le dĂ©cret Minniti datant de 2017. Marco Minniti est alors ministre de l’IntĂ©rieur de 2016 Ă 2018. Il est membre du Parti dĂ©mocratique (PD) et ancien membre du Parti communiste;
– Les dĂ©crets 1 et 2 de Matteo Salvini, qui s’inscrivent dans un crescendo d’injustice, d’hypocrisie et de violence, un vrai calvaire pour ceux et celles qui tentent de fuir la faim, l’asservissement et la guerre.
Notre seul «espoir» est qu’un jour les responsables, italiens et europĂ©ens, de ce massacre et de cette barbarie qui se dĂ©roulent dans le « Mare Nostrum », comparaĂ®tront devant le tribunal de l’histoire mais aussi devant la justice.
PrĂ©cisons Ă©galement que les dĂ©crets Salvini, en particulier le second, constituent une attaque directe non seulement contre les migrant·e·s, mais aussi contre tous les salarié·e·s du pays et contre tous les mouvements sociaux. En effet, ils instituent des mesures rĂ©pressives et des sanctions, y compris carcĂ©rales, très lourdes, Ă l’encontre de ceux qui rĂ©sistent aux injustices ou qui dĂ©fendent des droits fondamentaux. C’est aussi un vrai cadeau pour le patronat qui les met Ă l’abri des grèves, des manifestations, des blocus d’entreprises, sans mentionner les occupations.
Note. La Loi Fornero, entrée en vigueur en janvier 2012, a fait passer le versement des retraites du système rétributif au système contributif. Système rétributif, nommé aussi primauté des prestations en Suisse: les rentes sont octroyées en fonction du dernier salaire ou de la moyenne des «x» derniers salaires, tout en tenant compte du nombre d’années de cotisations; l’institution de prévoyance veille à ce que les cotisations des employeurs et des employés, auxquelles s’ajoutent les revenus des placements, financent les prestations versées aux assuré·e·s.
Système contributif, nommé aussi primauté des cotisations en Suisse: les prestations versées aux assuré·e·s sont calculées sur la base du capital épargné – cotisations plus intérêts – auprès de l’institution de prévoyance; lors de la retraite, le capital-épargne accumulé est converti en rente de vieillesse au moyen d’un taux de conversion. Le système contributif italien calcule la rente selon le total des cotisations versées au cours de la vie professionnelle, indexé selon les variations quinquennales du Produit intérieur brut multiplié par un taux de conversion (en %) redéfini tous les 2 ou 3 ans en fonction de l’âge du salarié au moment de l’arrivée à la retraite. Les personnes déjà à la retraite avant 2012 restent toutefois dans l’ancien système (primauté des prestations). Celles qui sont arrivées à la retraite après 2012 sont à cheval sur les deux systèmes, au prorata des années de cotisations avant ou après 2012.
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[1] Cf Italie-Débat. «Pour une gauche d’opposition», déclaration de Sinistra anticapitalista, 24 septembre 2019, sur ce même site, https://soleilvert.ch/europe/italie/italie-debat-pour-une-gauche-dopposition.html
[2] Le Parti dĂ©mocratique (Partito democratico, PD) est un parti bourgeois – souvent qualifiĂ© de gauche par les mĂ©dias – issu de morceaux des gauches stalinienne et social-dĂ©mocrate ainsi que des droites dĂ©mocrate chrĂ©tienne et libĂ©rale. Plusieurs prĂ©sidents du Conseil des ministres (1er ministre) en sont issus, entre avril 2013 et juin 2018. Il participe, depuis septembre, Ă la nouvelle coalition gouvernementale avec le M5S (cf. note suivante). [ndt]
[3] Le Mouvement 5 Ă©toiles (Movimento 5 Stelle, M5S) est nĂ© en 2009, centrĂ© au dĂ©part sur l’humoriste Beppe Grillo et sur l’entrepreneur Gianroberto Casaleggio, dĂ©pourvu de tout programme Ă©conomique et social cohĂ©rent, très centralisĂ© par ses fondateurs. Sa principale caractĂ©ristique est d’ĂŞtre hĂ©tĂ©roclite. Il se veut web-parti mais il est très attachĂ© aux traditions nationales, il se positionne sur le modernisme mais il compte une forte tendance xĂ©nophobe et anti-immigrĂ©e, il s’affiche anti-mafieux et anti-clientĂ©liste mais il pratique le clientĂ©lisme lĂ oĂą il remporte les Ă©lections, il a dĂ©veloppĂ© une rhĂ©torique anti-pouvoir mais il l’a oubliĂ©e dès lors qu’il a accĂ©dĂ© au gouvernement, il se dĂ©clare anti-institutionnel mais il a adhĂ©rĂ© aux institutions politiques gouvernementales, rĂ©gionales et municipales, il se proclame anti-Union europĂ©enne, avec ses premiers alliĂ©s gouvernementaux de la Lega (qui sont anti-UE en tout cas verbalement), mais il se plie Ă l’Union europĂ©enne, avec ses deuxièmes alliĂ©s gouvernementaux du PD. Le M5S a fait partie d’une coalition gouvernementale avec le parti national-souverainiste la Lega (juin 2018 Ă septembre 2019, gouvernement M5S-Lega dit jaune-vert). Il a tournĂ© sa veste (qui a tellement de cĂ´tĂ©s que mĂŞme Jacques Dutronc s’y perdrait), depuis septembre 2019, en faisant partie d’un gouvernement dit du centre, avec le Parti dĂ©mocratique (gouvernement M5S-PD dit jaune-rouge ou jaune-rose). Aux dernières Ă©lections nationales (2018), le M5S obtenu 33% des voix aux deux Chambres, au Ă©lections europĂ©ennes (2019) il en a obtenu 17%, aujourd’hui il obtiendrait probablement nettement moins. [ndt]
[4] Les trois grandes centrales syndicales italiennes sont la La Confédération générale italienne du travail (CGIL), le plus grand syndicat de salariés d’Italie, dont des scissions au lendemain de la seconde guerre mondiale ont donné naissance à la Confédération italienne des syndicats de travailleurs (Confederazione italiana sindacati lavoratori, CISL) et à l’Union italienne du travail (Unione italiana del lavoro, UIL). [ndt]
[5] La Lega est fondĂ©e en 1991, sous le nom de Lega Nord, sur la base de mouvements rĂ©gionalistes lombards et des rĂ©gions de l’Italie du Nord. Avec le M5S, elle a formĂ© le gouvernement, de juin 2018 Ă septembre 2019. Maintenant ce sont deux frères ennemis. Son dirigeant, le secrĂ©taire fĂ©dĂ©ral Matteo Salvini, Ă©tait Ă la fois ministre de l’IntĂ©rieur et dirigeant du gouvernement de facto. Le prĂ©sident officiel du Conseil des ministres Ă©tait toutefois Giuseppe Conte, le mĂŞme qui dirige le gouvernement actuel, mais avec le PD, grand rival de la Lega. Avant les Ă©lection nationales de mars 2018, la Lega Nord a abandonnĂ© l’attribut «Nord» et son attachement Ă la nation padanienne (la Plaine du PĂ´, Ă©rigĂ©e en nation, devenue rhĂ©toriquement la Padanie), pour se nommer Lega tout court. Tour de magie qui a fait du parti nordiste anti-mĂ©ridional un parti italien national-souverainiste. C’est une transformation qui se heurte encore Ă bien des rĂ©sistances internes. La Lega est un parti de la droite parlementaire dite dure avec une orientation qui ne dĂ©ment pas ses traits d’extrĂŞme droite. Elle a atteint 17% des voix aux Ă©lections nationales de 2018, 34% aux europĂ©ennes de 2019. [ndt]
[6] Fratelli d’Italia (FdI) est une organisation politique d’extrĂŞme droite, nĂ©e en 2012. Sa prĂ©sidente et leader incontestĂ©e est Giorgia Meloni. Elle s’inscrit dans la continuitĂ© d’Alleanza nazionale (AN), elle-mĂŞme issue du Movimento sociale italiano (MSI), dans lequel avaient confluĂ© les forces fascistes de l’après-guerre. Ces rĂ©fĂ©rences et son idĂ©ologie fasciste s’expriment notamment par le symbole de FdI, la flamme tricolore, aux couleurs du drapeau italien, qui Ă©tait dĂ©jĂ le symbole du MSI. C’est une organisation en forte croissance Ă©lectorale, approchant 10% dans les sondages, et sa dirigeante, Giorgia Meloni, tente de ravir le leadership des forces de droite au dirigeant de la Lega, Matteo Salvini.
[7] Le rapport de synthèse du Rapporto Italia est disponible à cette adresse: https://eurispes.eu/wp-content/uploads/2020/01/eurispes-sintesi-ri2020.pdf [ndt]
[8] Matteo Renzi, dont le point de rĂ©fĂ©rence est le leader anglais Tony Blair, a Ă©tĂ© secrĂ©taire du Parti dĂ©mocratique (PD) de dĂ©cembre 2013 Ă mars 2018 et prĂ©sident du Conseil des ministres de fĂ©vrier 2014 Ă dĂ©cembre 2016. C’est sous son gouvernement que le Job Acts a Ă©tĂ© adoptĂ©, une loi de libĂ©ralisation totale du marchĂ© du travail qui a effacĂ© les normes protectrices fondamentales de la loi sur le travail (Statuto des lavoratori) de 1970. Au cours de la crise gouvernementale de l’Ă©tĂ© dernier, après avoir impulsĂ© l’alliance entre le M5S et le PD, il a fait scission, crĂ©ant son propre groupe parlementaire, Italia Viva, noyau d’un nouveau parti politique.
[9] Forza Italia (FI, Forza Italia jusqu’en 2009, Popolo della LibertĂ de 2009 Ă 2013, Ă nouveau Forza Italia dès 2013) est la troisième formation politique du Parlement italien, dirigĂ©e dès ses dĂ©but par Silvio Berlusconi (prĂ©sident du Conseil des ministres en 1994-1995, de 2001 Ă 2006 et de 2008 Ă 2011), la 7ème fortune d’Italie avec environ 7 milliards d’euros. Dès la fondation de FI «les ressources financières, humaines, organisationnelles, toutes choses nĂ©cessaires Ă la construction d’un mouvement politique, Ă©taient fournies par le holding Fininvest [de Berlusconi], Ă commencer par son groupe dirigeant » directement transfĂ©rĂ© dans le champ politique, Ă©crit Diego Giachetti (Les vingt annĂ©es de Silvio Berlusconi, 30 janvier 2014, https://soleilvert.ch/europe/italie/italie-les-vingt-annees-de-silvio-berlusconi.html). Berlusconi a Ă©rigĂ© sa richesse notamment avec l’aide du Parti socialiste qui fit faillite, financièrement et politiquement, en 1994. [ndt]
[10] Ayant 4.5 millions d’habitants dont 3.5 millions d’Ă©lecteurs, l’Émilie-Romagne est l’une des rĂ©gions les plus riches d’Italie. Elle reprĂ©sente le 7.3% de la population italienne, le 9% du Produit intĂ©rieur brut (PIB), le 13.6% des exportations] La crise Ă©conomique latente, qui frappe plusieurs parties du pays, y a eu moins d’impact .[ndt]
[11] Le prĂ©sident de l’Émilie-Romagne, Stefano Bonaccini, a mĂŞme demandĂ© au gouvernement central, de concert avec les prĂ©sidents de Lombardie et de VĂ©nĂ©tie, l’autonomie diffĂ©renciĂ©e, autrement dit des normes lĂ©gales permettant de concentrer davantage encore de richesses du pays dans les rĂ©gions le plus prospères, au dĂ©triment des rĂ©gions mĂ©ridionales. Cf. https://soleilvert.ch/europe/italie-ue-lautonomie-differenciee-comme-instrument-du-developpement-inegal-et-de-la-deregulation.html
[12] Cf. Il Fatto Quotidiano, 27/01/2020, Elezioni regionali 2020. Flussi di voto Swg, Bonaccini fa il pieno tra ex astenuti e M5S. [ndt]
[13] Dire qu’il y a peu de temps encore, nombreux Ă©taient ceux qui, Ă gauche, pensaient avoir trouvĂ©, dans le M5S, une alternative valable dans laquelle engager leurs propres forces…
[14] Cf. Franco Turigliatto, PSA/FCA, un mariage qu’il fallait conclure… pour les capitalistes, https://soleilvert.ch/economie/psa-fca-un-mariage-quil-fallait-conclure-pour-les-capitalistes.html
[15] Cf. Raffaele Ricciardi, Pensionati, piĂą di uno su tre vive con meno di mille euro lordi al mese, quotidien La Repubblica, Milan, 15/01/2020.
[16] Cf. Eliana Como, Italie. Vingt-cinq ans d’Ilva. Le prix de la privatisation pour l’emploi et l’environnement https://soleilvert.ch/europe/italie/italie-vingt-cinq-ans-dilva-le-prix-de-la-privatisation-pour-lemploi-et-lenvironnement.html.
[17] Cf. Franco Turigliatto, PSA/FCA, un mariage qu’il fallait conclure… pour les capitalistes, sur https://soleilvert.ch/economie/psa-fca-un-mariage-quil-fallait-conclure-pour-les-capitalistes.html. [ndt]
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